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Voyez-vous avec quelle prudence il les attire et les attache au Christ et à l'Evangile et leur démontre que notre destinée ne se borne pas à la vie présente , mais qu'elle s'étend au delà? C'est ce qu'il avait déjà indiqué plus haut, en disant : « Tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère », et tout à l'heure »encore : « Dieu juge ce qu'il y a de caché dans les hommes ». Que chacun donc descende dans sa conscience, recherche ses fautes et s'en demande à lui-même un compte sévère, afin de n'être pas condamné avec le monde. Car ce jugement sera terrible; ce tribunal, effrayant; ce compte, plein de terreur; là couleront des torrents de feu. « Là où un frère ne rachètera pas, un homme rachètera-t-il? » (Ps. XIV.) Rappelez-vous ce qui est dit dans l'Evangile : les anges volant çà et là, la salle des noces fermée, les flammes qui ne s'éteignent pas, les puissances qui entraînent dans la fournaise. Songez que si l'un de nous voyait son crime secret révélé dans cette église seulement, il aimerait mieux mourir et voir la terre s'entr'ouvrir sous ses pieds que d'avoir tant de témoins de sa faute. Qu'éprouverons-nous donc, quand tout sera manifesté à la face du. monde entier, sur ce théâtre éclatant, resplendissant de lumière, sous les regards de tous, connus et inconnus? O malheur ! de quoi donc suis-je forcé de vous épouvanter? de l'opinion des hommes, quand vous devriez craindre Dieu et son redoutable arrêt ? que deviendrons-nous, dites-moi donc, quand, enchaînés, grinçant les dents, nous serons entraînés dans les ténèbres extérieures ? Et, ce qui est plus terrible encore, que ferons-nous, quand nous serons face à face avec Dieu?
Pour quiconque a du sentiment et de la raison, c'est déjà un enfer que d'être privé de la vue de Dieu; mais comme ce motif ne fait (220) pas d'impression sur l'homme, Dieu le menace du feu. Ce n'est pas le châtiment, mais la faute qui devrait nous causer de la douleur. Ecoutez Paul gémissant et pleurant des péchés dont il ne devait pas être puni : « Je ne suis pas digne d'être appelé apôtre, parce que j'ai persécuté l'Eglise ». (I Cor. XV, 9.) Ecoutez David qui, bien que dispensé du châtiment, appelle sur lui la vengeance parce qu'il croit avoir offensé Dieu : « Que votre main s'appesantisse sur moi et sur la maison de mon a père ». (II Rois, XXIV, 17.) Car il est plus malheureux d'offenser Dieu que d'en être puni. Mais maintenant nous sommes si misérables, que, sans la crainte de l'enfer, nous ferions à peine quelque chose de bien. Aussi, à part toute autre raison, nous mériterions déjà l'enfer pour l'avoir craint plutôt que le Christ. Il n'en était pas ainsi du bienheureux Paul; c'était chez lui tout le contraire. Mais parce que nos dispositions sont différentes, nous sommes condamnés à l'enfer. Si nous aimions le Christ comme nous devrions l'aimer, nous saurions, qu'offenser son amour est un malheur plus horrible que l'enfer même; mais comme nous ne l'aimons pas, nous ne comprenons pas l'étendue de ce supplice. Et voilà ce qui fait le principal sujet de mes gémissements et de mes larmes.
Pourtant que n'a pas fait Dieu, pour s'attirer notre amour? Quel moyen n'a-t-il pas employé? Qu'a-t-il négligé? Et nous l'avons offensé, lui qui ne nous avait point fait de mal, qui nous avait même combles de bienfaits ; quand il nous appelait et nous invitait de toutes manières, nous nous sommes détournés; il rie s'est point vengé pourtant, mais il est accouru, il a cherché à nous retenir, et nous nous sommes dégagés de ses mains pour courir au démon ; il ne s'est point découragé encore, il nous a envoyés des milliers de prophètes; de messagers, de patriarches pour nous rappeler; et non-seulement nous ne les avons point accueillis, mais nous les avons injuriés. Malgré tout cela, il ne nous a point rejetés; comme ces amants passionnés dont les mépris ne sauraient éteindre l'affection, il s'en allait çà et là, s'adressant à tous : au ciel, à la terre, à Jérémie, à Michée, non pour nous accuser, mais pour se justifier; et par l'entremise des prophètes, il allait lui-même à ceux qui se détournaient, prêt à leur rendre compte, les priant d'entrer en pourparlers avec lui, et invitant à des entretiens ceux qui lui fermaient absolument l'oreille. « Mon peuple », lui disait-il, « que t'ai-je fait? En quoi t'ai-je contristé ? réponds-moi ». (Mich. VI, 3.) Après tout cela, nous avons tué les prophètes, nous les avons lapidés, nous leur avons fait tous les maux possibles. Comment s'en est-il vengé? Il ne nous a plus envoyé de prophètes, ni d'anges, ni de patriarches, mais son propre Fils; son Fils est venu et a été mis à mort; son amour, loin de s'éteindre , s'en est enflammé davantage; même après la mort de son Fils, il persiste à nous inviter et ne néglige rien pour nous ramener à lui. Et Paul s'écrie: « Nous faisons les fonctions d'ambassadeurs pour le Christ, Dieu exhortant par notre bouche. Réconciliez-vous avec Dieu ». (II Cor. V, 20.)