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Si donc vous voulez laisser de grandes richesses à vos enfants , laissez-leur la Providence de Dieu. Lui qui a créé votre âme, qui a formé votre corps, qui vous a donné la vie sans vous, quand il vous verra déployer une si grande libéralité, et lui confier vos biens et vos enfants, pourrait-il ne pas leur ouvrir tous ses trésors? Si Elie, pour avoir été nourri d'un peu de farine, et voyant qu'une femme le préférait à ses enfants, fit voir des aires et des pressoirs dans la chaumière d'une veuve, songez quelle sera pour vous la générosité du maître d'Elie ! Ne nous inquiétons pas de laisser nos enfants riches, mais vertueux. Car s'ils mettent leur confiance dans les richesses, ils négligeront tout le reste, ne s'étudiant qu'à cacher des moeurs corrompues à l'abri de l'opulence; mais s'ils se voient privés de cette consolation, ils mettront tous leurs soins à demander à la vertu une compensation à la pauvreté. Ne' leur laissez donc pas la richesse, afin de leur laisser la vertu. Car ce serait le comble de la déraison de ne rien laisser à leur disposition pendant notre vie, et de procurer à leur jeunesse après notre mort les moyens de vivre dans la licence. Du moins, pendant que nous vivons, nous pouvons leur faire rendre des comptes, réprimer leurs excès, et leur mettre le frein; mais si, après notre mort, avec l'abandon où nous les laissons, et malgré leur jeunesse, nous leur fournissons les . ressources de la richesse , nous poussons ces infortunés sur la voie de nombreux précipices; nous jetons le feu sur le feu, nous versons l'huile dans une fournaise embrasée.
Donc, si vous voulez leur laisser une fortune assurée, faites que Dieu soit leur débiteur et confiez-lui leurs créances. Si ce sont eux qui touchent votre argent, ils ne sauront à qui le donner, ils tomberont souvent entre les mains des calomniateurs et des ingrats; mais si par précaution vous le prêtez à Dieu, le trésor demeurera en sûreté et le remboursement se fera sans aucune difficulté. Car Dieu nous est reconnaissant, même quand il nous paye sa dette; il voit de meilleur oeil ceux qui lui prêtent que ceux qui ne lui prêtent pas, et plus il doit, plus il aime. Si donc vous voulez l'avoir toujours pour ami, prêtez-lui beaucoup. Un prêteur à moins dé plaisir à avoir des débiteurs, que le Christ n'en a à avoir des créanciers ; il fuit ceux à qui il ne doit rien et court à ceux à qui il doit. Faisons donc tout au monde pour le constituer notre débiteur voici le moment favorable pour lui prêter, puisqu'il est dans le besoin. Si vous ne lui donnez pas maintenant, il n'aura pas besoin de vous après cette vie. C'est ici qu'il a soif, c'est ici qu'il a faim : il a soif de votre salut; c'est pour cela qu'il mendie, qu'il est nu et (239) errant, dans le but de vous procurer la vie éternelle.
Ne le dédaignez donc pas : il ne demande pas à être nourri, mais à nourrir; à être vêtu, mais à vêtir, à vous préparer un manteau d'or, un vêtement royal. Ne voyez-vous pas les médecins les plus dévoués, quand ils font prendre un bain aux malades , le prendre eux-mêmes, bien qu'ils n'en aient pas besoin? Ainsi le Christ fait tout pour vous qui souffrez. Voilà pourquoi il n'exige rien de vous par force, afin de vous rendre davantage , pour vous apprendre que, s'il demande, ce n'est pas pour ses besoins, mais pour. les vôtres. Voilà pourquoi, il vient à vous en haillons et vous tend la main ; si vous lui donnez une obole, il ne se détourne pas; si vous le méprisez, il ne s'éloigne pas, mais se rapproche encore; car il désire, il désire, vivement notre salut. Méprisons donc les richesses pour n'être point méprisés par le Christ; méprisons les richesses, pour les posséder elles-mêmes. Car si nous les conservons ici-bas , nous les perdrons entièrement, et pour cette vie et pour l'autre; mais si nous les distribuons généreusement, nous jouirons clans les deux vies d'une grande abondance. Que celui donc qui veut devenir riche, s'appauvrisse pour s'enrichir; qu'il dépense pour amasser; qu'il disperse pour recueillir. Que si cette doctrine vous semble nouvelle et étrange, voyez l'homme qui sème , et dites-vous à vous-même que le seul moyen qu'il ait de multiplier son grain est de disperser celui qu'il a , de répandre ce qui est sous sa main. Semons donc, nous aussi, et cultivons le champ du ciel, afin de nous procurer une moisson abondante et d'obtenir les biens éternels. par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec qui la- gloire, l'empire, l'honneur, appartiennent au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.