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Ne perdez donc pas un si grand bienfait; mais conservez toujours ce précieux trésor. L'apôtre nous fait voir ici que le baptême ne suffit pas pour, le salut, si nous ne menons ensuite une vie digne d'un si grand don. Ce langage plaidé encore en faveur de la loi. Car dès que nous croyons au Christ, il faut tout faire, tout mettre en oeuvre, pour que la justification qu'il a accomplie, persévère en nous et ne soit pas perdue. « En effet, ceux qui sont selon la chair goûtent les choses de la chair; mais ceux qui sont selon l'esprit, ont le sentiment des choses de l'esprit. Or, la prudence de la chair est mort; mais la prudence de l'esprit, est vie et paix. Parce que la sagesse de la chair est ennemie de Dieu; car elle n'est point soumise à la loi de Dieu, et elle ne le peut (5-7) ». Ceci encore n’est point une calomnie contre la chair. Car, tant qu'elle garde son rang, il ne se fait rien de déplacé; mais quand nous lui permettons tout; quand, dépassant ses limites, elle se révolte contre l'âme alors elle perd tout, elle gâte tout, non par l'effet de sa propre nature, mais par son intempérance et le désordre qui en est la suite. « Mais ceux qui sont selon l'esprit, ont le sentiment des choses de l'esprit. Or, la prudence de la chair est mort ». Il ne dit pas : La nature de la chair; ni : La substance du corps; mais : « La prudence »,qui peut se corriger et se détruire. Et s'il parle ainsi, ce n'est pas qu'il attribue à la chair une pensée propre : à Dieu ne plaise ! mais il veut désigner l'instinct de l'âme le plus grossier et lui donne le nom de la partie la plus imparfaite, comme souvent il appelle chair l'homme tout entier quoique doué d'une âme.
« Mais la prudence. de l'esprit ». Ici il revient à l'âme spirituelle, comme plus bas, quand il dit : «Mais celui qui scrute les coeurs sait ce que désire l'esprit », et il fait voir que beaucoup de biens en résultent pour le présent, et pour l'avenir. En effet: la prudence spirituelle produit beaucoup plus de biens que la prudence charnelle ne cause de maux; c'est ce .que Paul. indique en disant : « Vie et paix » ; l'un, par opposition à ce qu'il a dit : « La prudence de la chair est mort » ; l'autre, par opposition à ce qui suit, puisqu'après avoir dit : « Paix » , il ajoute: « Parce que la prudence de la chair est ennemie de Dieu », ce qui est encore. pire que la mort. Puis, pour prouver qu'il y a mort et inimitié de Dieu, il ajoute : (290) « Car elle n'est point soumise à la loi de Dieu et ne peut l'être ». Toutefois ne vous troublez pas en entendant dire « Qu'elle ne le peut » ; c'est une difficulté qui se résout aisément. Par prudence de la chair il entend ici la pensée terrestre, la pensée grossière, qui soupire après les jouissances de la vie et les mauvaises actions : celle-là, il déclare qu'elle ne peut être soumise à Dieu. Quelle espérance de salut reste-t-il donc, si le méchant ne peut devenir bon? Ce. n'est point là ce qu'il dit autrement, comment Paul le serait-il devenu? Et le larron? Et Manassès? Et les Ninivites? Comment David s'est-il relevé après sa chute? Comment Pierre, après avoir renié son Maître, est-il rentré en lui-même? Comment le fornicateur a-t-il été reçu dans le troupeau du Christ? Comment les Galates, qui avaient perdu la grâce, ont-ils recouvré leur première noblesse? Paul ne dit donc pas que le méchant ne peut devenir bon, mais qu'en restant méchant il ne peut être soumis à Dieu; une fois changé, il lui est facile de devenir bon et d'être soumis. Il ne dit pas en effet que l'homme ne peut pas être soumis à Dieu, mais qu'une mauvaise action ne saurait être bonne; comme s'il disait : La fornication ne peut être. la chasteté, ni le vice la vertu. Le Christ dit aussi dans l'Evangile : « Un arbre mauvais ne peut produire de bons fruits » (Matth. VII, 18); n'empêchant point le passage du vice à la vertu, mais déclarant que celui qui persévère dans le mal ne peut produire dé bons fruits. En effet, il ne dit pas : Un arbre mauvais ne peut devenir bon; mais seulement: En demeurant mauvais il ne peut produire de bons fruits. Du reste, qu'un changement soit possible, il le fait voir ici par cette autre parabole, où il parle de la zizanie devenue froment.
Aussi défend-il de l'arracher : « De peur », dit-il, « que vous n'arrachiez aussi le froment avec elle » (Matth. XIII, 29); c'est-à-dire, le froment qui en doit sortir. Paul appelle la malice, prudence de la chair; et prudence de l'esprit; la grâce qui a été donnée et l'énergie qui -e manifeste par la bonne volonté; il ne parle nullement de nature et de substance, mais de vertu et de vice. Ce gtie vous n'avez pas pu sous la loi, nous dit-il, vous le pouvez maintenant : marcher droit et sans trébucher, pourvu que vous obteniez le secours de l'Esprit. Car il ne suffit pas de ne pas marcher selon la chair, mais il faut marcher selon l'esprit; puisqu'il ne suffit pas pour le salut d'éviter le mal, mais qu'il faut encore faire le bien. Or il en sera ainsi, si nous livrons notre âme à l'Esprit, et si nous persuadons à la chair de rester à sa place. Par là nous la rendrons spirituelle; comme, parla lâcheté, nous rendrons notre âme charnelle.