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Si donc les membres supérieurs péris;, sent lorsque les inférieurs en sont violemment séparés , ces membres supérieurs doivent avoir autant de souci des autres que d'eux-mêmes, puisque c'est de l'union avec les membres les plus modestes, que dépend le, salut des membres plus grands. Aussi vous aurez beau répéter à satiété, membre obscur, membre inférieur, si vous n'avez pas, pour cet inférieur, autant de souci que pour vous-même; si vous le négligez comme moins important que vous, c'est vous qui souffrirez de cette négligence. Voilà pourquoi l'apôtre ne dit pas seulement : Que les membres aient souci les uns des autres; il dit plus : « Que les membres aient un égal souci les uns des autres » ; c'est-à-dire, que l'attention, que,la prévoyance doit s'étendre sur le plus petit autant que sur le plus grand. Ne dites donc pas : un tel n'est que d'une condition vulgaire ; cet homme, que vous regardez comme le premier venu; considérez que c'est un membre du corps, qui se compose de toutes ses parties; tout aussi bien que 1'œil, ce membre quel qu'il puisse être, contribue à. faire que le corps soit le corps. En ce qui concerne la constitution du corps, nul ne possède plus que le prochain. Car ce qui constitue le corps, ce n'est pas que l'un soit plus grand , l'autre plus petit, mais qu'il y ait pluralité et diversité. De la même manière que vous, plus grand, vous aidez à former le corps; de même cet autre y contribue aussi, en étant plus petit que vous. De telle sorte que la petitesse de celui-ci, en ce qui concerne la constitution du corps, est aussi précieuse que votre grandeur, pour cet harmonieux agencement; il a la même efficacité que vous; c'est ce que va rendre évident une supposition. Supprimons la différence du plus petit et du plus grand, parmi les membres; qu'il n'y en ait plus, ni de plus honorables ni de moins honorables; que tout soit oeil, ou bien que tout soit tête, n'est-il pas vrai que le corps périra? C'est de la dernière évidence. Faisons le contraire; amoindrissons tous les membres; même résultat; de sorte que, par là encore, éclate l'égalité d'importance des inférieurs avec les supérieurs. Faut-il dire encore quelque chose de plus fort? ce n'est que pour faire subsister le corps, que le moindre est le moindre; si donc tel membre est moindre, ce n'est qu'à cause de vous , ce n'est qu'afin que vous soyez grand: Voilà pourquoi l'apôtre réclame de tous , une égalité d'attention mutuelle; après avoir dit : « Que les membres aient un égal souci les uns des autres », il explique encore cette pensée, en disant : « Et si l'un des membres souffre , tous les autres membres souffrent avec lui; ou si l'un des membres reçoit de l'honneur, tous les autres s'en réjouissent avec lui (26) ».
Si Dieu a voulu, dit l'apôtre, que l'attention réciproque des membres s'étendît sur tous, c'était pour assurer, au sein de la diversité même, l'unité, afin que tout ce qui arriverait fût ressenti dans une communion parfaite. Car, si l'attention pour le prochain est le salut de tous, il est nécessaire et que tous les sujets de gloire et toutes les causes d'afflictions soient ressenties en commun par tous. L'apôtre fait donc ici trois recommandations : pas de division, union parfaite; égale réciprocité d'attention; regarder toute chose qui survient, comme arrivant pour tous. Sans doute, il dit (506) précédemment qu'un honneur plus grand été fait à ce qui est défectueux, précisément à cause de ce que le membre a de défectueux, il veut montrer que l'infériorité même donne un titre à une plus grande part de considération ; mais ici, le point de vue est changé, l'égalité entre les membres se fonde sur- l'égalité d'attention mutuelle. Ce qu'il a voulu, .dit-il, 'en accordant une supériorité, d'honneur , c'est empêcher que le membre inférieur ne fût jugé moins digne d'attention. Mais, pour unir les membres d'une manière parfaite, il ne se borne pas là, il les unit encore par la sympathie dans les joies et dans les douleurs qui surviennent. Souvent, lorsqu'une épine est entrée dans la plante du pied, tout le corps s'en ressent et s'en inquiète, le dos se courbe, et le ventre et les cuisses se contractent, et les mains, comme des satellites, comme des domestiques, s'avancent, retirent ce qui s'est enfoncé, la tête se penche, et les yeux retardent avec une attention soucieuse. Il est évident par là que si le pied a l'infériorité parce qu'il ne peut s'élever comme d'autres membres, il ressaisit l'égalité en forçant la tête à se baisser, il partage ses honneurs, et remarquons surtout cette égalité d'honneurs quand les pieds conduisent la tête, non pour lui faire plaisir, mais par devoir. D'où il suit que si la tête, au point de vue de la considération, a quelque avantage sur les pieds, il suffit pour rétablir l'égalité parfaite que la tête, qui est si noblement partagée, doive honneur et assistance à ce qui est au-dessous d'elle, et ressente également toutes les souffrances du membre inférieur. Car, quoi de pins vil que la plante des pieds? Quoi de plus noble que la tête? Mais le pied marche pour la tête, et emporte tous les membres avec lui.
Voyez encore :s'il arrive quelque accident aux yeux, c'est pour tous les membres, et de la douleur et une inaction forcée; les pieds ne marchent plus; les mains ne travaillent plus ; le ventre ne reçoit plus sa ration ; ce n'est pourtant qu'un mal d'yeux. D'où vient que votre ventre se dessèche, que vos pieds ne vont plus, que vos mains sont liées? C'est que tout le corps est un système où tout se tient, de là l'inexprimable communauté de toutes les affections. Sans cette communauté, il n'y aurait pas la réciprocité d'attention et d'inquiétudes. Voilà pourquoi l'apôtre, après avoir dit : « Que les membres aient un égal souci les uns des. autres »,
a vite ajouté : « Et si l'un des membres souffre, tous les autres membres souffrent avec lui; ou si l'un des membres reçoit de l'honneur, tous les autres s'en réjouissent avec lui ». Et comment, dira-t-on, se réjouissent-ils par sympathie? C'est la tête que l'on couronne, et l'homme tout 'entier se glorifie ; ce n'est que la bouché qui parle, et les yeux rient et se réjouissent ; ce qui cause la joie, ce n'est pourtant pas la beauté des yeux, mais ce que dit la langue. Autre preuve : les yeux sont beaux, et toute la femme en est embellie; et maintenant, si le nez est droit, le cou élégant, les autres membres gracieux, voici que les yeux, à leur tour, respirent la joie et la fierté; et ces mêmes yeux pleurent à chaudes larmes, dans les douleurs; dans les catastrophes qui arrivent aux autres membres, fussent-ils personnellement sans aucune atteinte.
