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Parmi bien d'autres maux, je ne sais comment s'est introduite dans la nature humaine la maladie d'une vaine et inopportune curiosité; maladie que le Christ a condamnée, en disant : « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés » (Matth. VII, 1) ; maladie qui n'emporte pas même le plaisir qui peut s'attacher aux autres péchés, mais n'attire que peine et châtiment.. En effet, quoique accablés nous-mêmes de maux sans nombre, quoique portant des poutres dans nos yeux, nous examinons avec sévérité les fautes de notre prochain, n'eussent-elles que la grosseur d'un fétu ; comme cela arrivait à Corinthe. En effet, les Corinthiens livraient à la risée, expulsaient même des hommes pieux, amis de Dieu, à cause de leur ignorance, et ils entouraient de leur estime des hommes chargés de vices, à cause de leur éloquence. Ensuite assumant le rôle de juges, ils prononçaient inconsidérément leurs arrêts : Un tel a de la valeur; celui-ci est préférable à celui-là; l'un vaut moins que l'autre; un tel est au-dessus d'un tel ; ils jugeaient .les autres, sans songer à pleurer sur leurs propres misères, et soulevaient ainsi de dangereux débats. Voyez-vous avec quelle prudence Paul les corrige de cette maladie? Après avoir dit: « Ce qu'on demande dans les dispensateurs. C'est que chacun soit trouvé fidèle », et avoir paru leur donner un motif d'examiner et de juger la conduite de chacun (ce qui devenait une occasion de trouble) ; afin de les garantir de ce vice, il les détourne d'un sujet si irritant, en disant : « Pour (361) moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous », se remettant ainsi lui-même en scène.
Mais qu'est-ce que cela veut dire : « Je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous ou par un tribunal humain ? » Cela signifie Je me juge indigne d'être jugé par vous; que dis-je, par vous ? et même par tout autre. Mais que personne n'accuse Paul d'orgueil, s'il déclare que personne n'est digne de prononcer un jugement sur lui. D'abord il rie parle pas? ici dans son intérêt, mais pour protéger ceux que les Corinthiens importunaient; ensuite ce n'est pas seulement aux Corinthiens, mais à lui-même, qu'il refuse le droit de juger, eh affirmant que ce droit dépasse ses forcés : en effet, il ajoute : « Bien plus, je ne me juge pas moi-même ». Là-dessus, il faut rechercher le motif qui le! fait parler ainsi : car souvent il prend un langage magnifique, non par orgueil ou par présomption, mais dans des vues excellentes. Ici son but n'est pas de s'élever, mais d'abaisser les autres, et de relever la dignité des saints. Et, pour preuve de sa profonde humilité, écoutez ce qu'il dit, en produisant le témoignage même de ses ennemis : « Mais, quand il est présent, il paraît chétif de corps et vulgaire de langage » (II Cor. X, 10) ; et encore : «Et enfin, après tous les autres, il s'est fait voir aussi à moi comme à l'avorton ». (I Cor. XV, 8.) Mais cet homme si humble, voyez comme il sait, dans l'occasion, relever ses disciples, non en leur inspirant l'orgueil, mais le sentiment de la vérité, alors qu'il leur dit : « Or si le monde doit être jugé par vous, êtes-vous indignes de juger des moindres choses? » (I Cor. VI, 2.) Comme il convient que le chrétien se tienne à une grande distance de la forfanterie, ainsi doit-il être étranger à la flatterie et à tout sentiment ignoble.
Si quelqu'un dit : Je regarde l'argent comme rien; pour moi le présent est une ombre, un songe, un jouet d'enfant; ne l'accusons pas pour cela de vanterie ; car il faudrait adresser ce reproche à Salomon qui, traitant ce même sujet, s'écrie: « Vanité des vanités ! Tout est vanité ! » Mais .à Dieu ne plaise que nous donnions à cette sagesse le nom de vanterie ! Mépriser ces choses n'est donc point folie, mais grandeur d'âme, bien que nous voyions les rois et les princes les revendiquer pour eux. Mais le pauvre vraiment sage, les dédaigne souvent; et nous ne l'appelons pas orgueilleux pour autant, mais magnanime ; comme nous n'appelons pas humble et modeste celui qui les recherche avec ardeur, mais faible; pusillanime et servile. Si un fils dédaignant ce qui appartient à son père, se prenait d'admiration pour la condition des esclaves, nous né le louerions pas comme un homme humble, mais nous le blâmerions comme un être bas et ignoble, et nous l'admirerions dans le cas contraire. En effet, se croire meilleur que ses frères, c'est arrogance ; mais porter sur les choses un jugement vrai, ce n'est plus arrogance, mais sagesse.
