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Tant qu'il a dû employer un langage sévère, il n'a pas levé le rideau; mais il parlait comme s'il eût été lui-même un des accusés, afin que la dignité des personnes mises en jeu,. faisant contre-poids aux accusations, empêchât tout mouvement de colère. Mais quand il a fallu se relâcher de sa rigueur, alors déchirant le voile et déposant le masque, il met en scène, en prononçant les noms de Paul et d'apollon, les personnages jusqu'alors tenus dans l'ombre. Voilà pourquoi. il dit : « Au reste, mes frères, j'ai personnifié ces choses en moi et en Apollon », Et comme quand un enfant malade donne des coups de pied et refuse la nourriture qu'on lui présente de la part des médecins, ceux qui le soignent font venir son père ou. son précepteur, et les prient d'offrir eux-mêmes l'aliment reçu de la main des médecins, afin que l'enfant, contenu par la crainte, le prenne et se tienne en repos; ainsi Paul, se proposant d'intenter des accusations qui regardaient d'autres personnes, dont les unes ont été trop abaissées, les autres trop honorées, ne met d'abord point ces personnes en scène, mais parle en son nom et en celui d'Apollon, afin de faire accepter le remède qu'il veut appliquer, à la faveur du respect que ces deux noms inspirent; puis le remède une fois accepté, il découvre enfin son but. Or, tout cela n'était point hypocrisie , mais condescendance et ménagement. S'il eût dit ouvertement : Vous jugez des saints , des hommes dignes d'admiration, il les eût irrités et repoussés; mais en disant : « Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous »; et encore : « Qu'est-ce que Paul? Qu'est-ce qu'Apollon? » Il fait accepter sa parole.
C'est pourquoi il dit : « J'ai personnifié ces choses en moi et en Apollon à cause de vous, afin que vous appreniez par notre exemple à ne pas avoir des sentiments contraires à ce qui est écrit », faisant voir par là que s'i leur avait parlé directement, ils n'auraient point appris ce qu'il fallait apprendre, ils ne se seraient point corrigés, mais blessés de son langage. Et maintenant, par respect polir Paul, ils acceptent le reproche sans difficulté. Mais que signifient ces mots : « Contraires à ce qui est écrit? » Il est écrit : « Pourquoi voyez-vous la paille qui est dans l'oeil de votre frère, et ne voyez-vous point la poutre qui est dans le vôtre? Ne jugez pas, afin que vous ne soyez point jugés». (Matth. VII, 3, 1.) Car si nous sommes liés de manière à ne former qu'un corps, nous ne devons point nous (368) élever les uns contre les autres. « Quiconque s'humiliera sera exalté » (Matth. XXIII, 12), dit Jésus-Christ. Et encore : «Que celui qui veut devenir le plus grand de tous, soit le serviteur de tous ». (Marc, X, 43.) Voilà ce qui est écrit : « Afin que nul par attachement pour quelqu'un ne s'élève contre un autre » . Laissant de nouveau les maîtres de côté, il se tourne contre les disciples; car c'étaient eux qui exaltaient les maîtres. D'ailleurs les chefs n'eussent pas facilement accueilli ce langage, parce qu'ils ambitionnaient la gloire du dehors, aveuglés qu'ils étaient par cette maladie ; mais les disciples étrangers à cette gloire, et se contentant de la procurer aux autres, étaient mieux disposés que leurs chefs à recevoir la réprimande et à se guérir. C'est donc encore de l'enflure de se glorifier pour un autre, même en dehors de ses propres intérêts. Car comme celui qui est fier des richesses des autres, cède à un sentiment d'orgueil ; ainsi . en est-il- de celui qui se pavane de la gloire d'autrui. Et c'est ce que Paul appelle avec raison enflure.
Quand donc un membre s'élève, c'est qu'il y a inflammation et maladie; car il resterait au niveau des autres, s'il n'était enflé. Ainsi dans le corps de l'Eglise, celui qui s'enflamme et s'enfle, est malade; il dépasse la mesure commune. C'est en cela que consiste l'enflure. Il en arrive ainsi dans le corps, quand quelque humeur étrangère et maligne s'y introduit, et non la nourriture ordinaire. De même, l'orgueil naît quand des pensées étrangères nous envahissent. Et voyez avec quelle justesse il dit: « Ne vous enflez pas ! » En effet, l'homme enflé a comme une tumeur d'esprit, remplie d'une humeur corrompue. Il dit cela non pour empêcher la guérison, mais une guérison qui pourrait tourner à mal. Vous voulez guérir un tel? Je le veux bien; mais que ce ne soit pas au détriment d'un autre. Car ce n'est pas pour nous exciter les uns contre les autres qu'on tous a donné des maîtres, mais pour nous unir mutuellement. On donne un général à une armée, pour qu'il réunisse en un seul corps des membrés divisés; s'il y apportait la division, il serait moins un général qu'un ennemi. « Car qui vous distingue? et qu'avez-vous que vous n'ayez reçu? » Laissant de côté les disciples, il s'adresse aux docteurs. Voici ce qu'il veut dire : Comment savez-vous que vous êtes dignes d'éloges ? Le jugement a-t-il eu lieu? A-t-on fait l'examen? Y a-t-il eu épreuve, enquête sévère? Vous ne sauriez le dire. Et quand même les hommes donneraient leur suffrage, leur jugement n'est pas droit, Mais supposons que vous êtes dignes de louange, que vous avez réellement la grâce, que le jugement des hommes est sain ; eh bien ! ce n'est pas encore le cas de vous enorgueillir. Car vous n'avez rien de vous-mêmes, mais vous avez tout reçu de Dieu. Pourquoi faites-vous semblant d'avoir ce que vous n'avez pas? Que si vous l'avez, les autres l'ont avec vous. Vous n'avez donc qu'après avoir reçu, non pas seulement ceci ou cela, mais tout ce que vous avez.
