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Qu'est-ce que cela veut dire? Après tout ce qu'il vient de dire, pourquoi une réflexion de ce genre: « Il ne m'est pas avantageux de me glorifier», comme s'il n'avait rien dit? Ce n'est pas qu'il trouve qu'il n'a rien dit, mais c'est qu'il va passer à une autre espèce de glorification ; ce n'est pas que ce dont il veut parler lui donne des droits à une glorieuse récompense, mais c'est que les faits qu'il va dire rendraient, aux yeux du grand nombre, sa gloire encore plus éclatante, quoique les sages ne soient pas de cet avis; voilà pourquoi l'apôtre dit : « Il ne m'est pas avantageux de me glorifier ». En effet les grands titres de gloire étaient ceux qu'il a énumérés, ceux qui étaient fondés sur ses épreuves; mais maintenant il va en produire d'autres; ce sont des révélations, d'ineffables mystères. Pourquoi dit-il : « Il ne m'est pas avantageux, » sinon parce qu'il craint que ce souvenir ne lui donne de l'orgueil?Que dites-vous?quand vous ne parleriez pas de ces insignes faveurs, n'en avez-vous pas conscience? Mais c'est que nous ne sommes pas aussi portés à nous enorgueillir de ce dont nous avons conscience, que de la communication que nous en faisons aux autres. Ce n'est pas la vertu des bonnes oeuvres qui provoque l'orgueil, mais le grand nombre des témoins qui connaissent nos mérites. Voilà donc pourquoi il dit : « Il ne m'est pas avantageux », c'est-à-dire, je ne veux pas donner une trop haute idée de moi, à ceux qui m'écoutent. En effet, -les faux apôtres parlaient même des vertus qu'ils n'avaient pas; Paul, au contraire, cache même les. vertus qu'il a, et cela; quand une nécessité si impérieuse devrait le faire parler, et il dit : « Il ne m'est pas avantageux », ce qui démontre éloquemment combien tous doivent flair l'ostentation. Il n'y a aucun profit à y céder, elle est funeste ; il faut pour parler de soi, une nécessité de nature à déterminer la volonté.
L'apôtre donc, après avoir rappelé ses dangers, ses épreuves, les piéges qui lui ont été tendus, ses chagrins, ses naufrages, passe à un tout autre ordre de faits à sa gloire, il dit : « Je connais un homme, il y a quatorze ans, (fut-ce avec son corps? je ne le sais ; fut-ce sans son corps ? je ne le sais; Dieu le sait) qui fut ravi jusqu'au troisième ciel. Et je sais qu'il fut ravi dans le paradis; (fut-ce avec son corps? je ne le sais; fut-ce sans son corps? je ne le sais); et il y entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à un homme de rapporter. Je pourrais me glorifier en « parlant d'un tel homme, mais je ne me glorifierai pas de moi-même (2, 3, 4, 5) ». Ce fut là une grande révélation , mais ce ne fut pas la seule qu'il eut, il en reçut beaucoup d'autres encore; mais il n'en dit qu'une dans (157) le grand nombre. Ce qui prouve combien il en reçut, c'est ce qu'il dit : «De peur que la grandeur de mes révélations ne me donne de l'orgueil » . Mais, dira-t-on, s'il tenait à les cacher, il ne devait pas en parler à mots couverts, il n'avait qu'à ne rien dire de pareil; s'il tenait à en parler, il devait en parler clairement. Pourquoi donc n'a-t-il ni parlé clairement, ni gardé le silence? C'est pour montrer que, même en parlant, il ne le fait qu'à contre-coeur. Voilà pourquoi il a fait la réflexion qu'il y avait, de ce fait, quatorze ans. Il -ne l'a pas mentionné sans montrer qu'après avoir gardé le silence si longtemps, il n'en parle présentement, que parce qu'une impérieuse nécessité l'y oblige, qu'il continuerait encore à n'en rien dire, s'il ne voyait ses frères qui se perdent. Or. si Paul, dès le début de sa carrière, méritait d'être honoré d'une telle révélation, lui qui n'avait pas encore fait paraître de si éminentes vertus, considérez ce qu'il dut devenir quatorze ans après. Et voyez sa modestie à raconter certaines choses, à reconnaître qu'il en ignore d'autres. Qu'il a été ravi, c'est ce qu'il dit; fut-ce en corps? fut-ce sans son corps? c'est ce qu'il' reconnaît ignorer. Il pouvait se contenter de parler de ce ravissement, et de ne rien dire ensuite ; mais il n'écoute que sa modestie et il ajoute son observation.
Quoi donc? est-ce son esprit qui a été ravi avec son âme, et son corps serait resté mort? ou est-ce le contraire? Son corps a-t-il été ravi ? Impossible de le dire. Si Paul n'en sait rien, lui qui a été ravi, lui qui s'est vu révéler de si grands mystères, à bien plus forte raison devons-nous l'ignorer. Il était dans le paradis, voilà ce qu'il- sait; il était dans le troisième ciel, voilà ce qu'il n'ignorait pas; mais la manière, voilà ce qu'il ne distinguait pas clairement. Considérez une autre marque de sa modestie. Quand il parle de la ville des Damascéniens, il pense à garantir la véracité de son discours ; ici, au contraire, il ne s'en inquiète plus; c'est qu'en effet, il n'attachait pas une extrême importance à être cru, il parle seulement à mots couverts. Ainsi ajoute-t-il : « Je pourrais me glorifier, en parlant d'un tel Homme » ; il n'entend pas dire par là que ce soit un autre que lui qui ait été ravi, mais, autant qu'il lui est perchis et possible, il évite de parler de lui ouvertement; de là, la tournure de ses paroles. D'ailleurs à quoi bon, puisqu'il parlait de lui, recourir à un intermédiaire? Pourquoi donc cette composition, cet arrangement? C'est que ce n'était pas la même chose de dire : J'ai été ravi, et je connais un homme qui a été ravi; ni : Je me glorifie en parlant de moi-même, et : Je pourrais me glorifier en parlant d'un tel homme. Que si l'on objecte : Mais comment pouvait-il être ravi sans son corps? Je demanderai à l'auteur de l'objection : Mais comment pouvait-il être ravi avec son corps? car le second fait est encore plus incompréhensible que le premier, si l'on ramène tout au raisonnement, si l'on rie veut pas s'incliner devant la foi. Maintenant pourquoi a-t-il été ravi ? C'est, je pense, afin qu'il ne parût pas inférieur aux autres apôtres. Ils avaient vécu avec le Christ , Paul ne l'avait pas approché, voilà pourquoi il fut élevé, dans un ravissement, à la gloire, au paradis. Le paradis ! le nom en était fameux, partout célébré.