3.
Son langage était plein d'indignation sans doute, mais cette indignation venait de l'affection et de la douleur. La cause de. la douleur, des angoisses que j'éprouvais en vous écrivant, ce n'étaient pas seulement vos désordres, mais aussi la nécessité où je nie trouvais,. de vous contraster. Si cette nécessité même n'avait-elle point son principe dans l'affection ? Qu'un père voie son fils bien-aimé rongé par un ulcère qu'il faille enlever et brûler; il souffre et de voir. son fils en proie à la maladie, et d'être contraint à cette cruelle opération. Ainsi donc, ce que vous croyez être une marque de haine, c'est au contraire une preuve d'affection. Si donc je vous aime en vous contristant, à plus forte raison je vous aime encore en me réjouissant de vous voir. affligés. Voilà comment l'apôtre se justifie ; et nous. le voyons se justifier en maintes circonstances, sans qu'il ait lieu d'en rougir : car Dieu lui-même ne craint pas de se justicier en disant : « O mon peule, de quoi suis-je coupable envers toi?» (Mich. VI, 3.) Maintenant, il va parler en faveur de cet homme qui s'était rendu coupable d'inceste. Il fallait prévenir une surprise trop brusque, une obstination funeste, chose si naturelle en présence de deux injonctions contradictoires. Car il avait fait éclater son indignation contre l'incestueux, et maintenant, il allait enjoindre de l'absoudre. Voyez donc comment tout se prépare et par ce qu'il a déjà dit, et par ce qu'il va dire encore.
Que dit en effet l'apôtre? « Si quelqu'un m'a contrasté, ce n'est pas moi seul qu'il a contrasté (5) ». Après les avoir loués de partager sa joie et sa tristesse , il abordé son sujet. Il a dit: « Ma joie est aussi votre joie ». S'il en est ainsi, ne devez-vous pas vous réjouir avec moi, comme vous vous êtes affligés avec moi. En vous affligeant, vous m'avez causé de la joie; en vous réjouissant aujourd'hui, mous m'en causerez encore. L'apôtre n'a pas dit: ma tristesse à été votre tristesse. Cette pensée, il l'avait exprimée dans d'autres endroits ; ici, il se contente de rappeler, ce que demande son sujet, et il. dit : « Ma joie est aussi votre joie ». Il revient ensuite sur le passé : « Si quelqu'un, dit-il, a été un sujet de tristesse; ce n'est pas moi seulement qu'il a contrasté; mais vous a aussi du moins en partie, pour user de ménagement à son égard ». Je le sais, dit-il, vous avez tous partagé mon indignation contre celui qui avait commis l'inceste; oui, vous avez tous, du moins presque tous, éprouvé quelque tristesse, en apprenant ce crime abominable. Si je dis : presque tous, ce, n'est pas . que vous ayez été moins vivement émus que moi-même ; mais je m'exprime ainsi pour user de ménagement à. l'égard du coupable. Ce n'est donc pas moi seulement qu'il a contristé, mais vous tous aussi bien que moi; et c'est par indulgence que j'emploie ces expressions : « Presque tous ». Voyez-vous comme il s'empresse d'apaiser, leurs âmes, en leur disant qu'ils ont partagé son indignation? « Il suffit à cet homme d'avoir été repris parle plus grand nombre (6) ». Il ne dit pas : « à l'incestueux » ; mais « à cet homme », comme dans l'épître précédente ; toutefois , ce n'est plus pour la même raison qu'il se sert de ce mot. Alors, c'était par modestie, ici, par indulgence. Oui, c'est par indulgence que désormais il ne rappelle plus la faute commise; car il vent maintenant prendre sa défense.
« Maintenant, au contraire, soyez pleins de prévenances à son égard, et empressez-vous de le consoler, de peur qu'il ne soit comme (31) absorbé para ne tristesse trop prolongée (7) ». Non-seulement l'apôtre ordonne de cesser la punition, mais il veut qu'on le rétablisse dans son premier état. Se borner à châtier le coupable sans le soigner et le guérir, c'est en effet ne rien faire.. Voyez comme il sait imposer un frein à l'incestueux, de peur qu'il n'abuse du pardon qu'il obtient. Il a confessé sa faute, il s'en est repenti, il est vrai; néanmoins, ce n'est. pas tarit son repentir que la généreuse bonté de l'Eglise qui le relève de l'excommunication,. C'est pourquoi saint Paul emploie ces mots : « Accordez-lui son pardon et empressez-vous de le consoler ». La suite le dit clairement aussi. Ce n'est pas qu'il soit digne. de rentrer en grâce, ce n'est pas que la pénitence ait été suffisante, non ; c'est parce qu'il est faible, dit l'apôtre, que je le juge digne de pardon. Aussi ajoute-t-il : « De peur qu'il ne soit comme absorbé par une trop longue tristesse », C'est le langage d'un nomme qui rend témoignage à une pénitence sincère et qui craindrait de voir le coupable tomber dans le désespoir. Que signifie cette parole : « De peur qu'il ne soit absorbé? » c'est-à-dire, de peur qu'il ne vienne à faire comme Judas, ou bien. encore; de peur qu'il ne mène une vie plus coupable, s'il se résigne à continuer de vivre. En effet, qu'il perde courage, ne pouvant supporter plus longtemps les reproches dent on l'accable, ou bien il se donnera là mort, ou bien il se plongera dans toutes sortes de crimes.