1.
On ne manquera pas de reprocher à l'apôtre qu'il se comble lui même d'éloges. C’est ce reproche qu'il veut prévenir. Sans doute il a expliqué le sens de ses paroles; il a dit : « Qui est capable de ces choses? » Et encore : « Nous parlons avec sincérité ». Mais cela ne suffit pas. Telle est la coutume de saint Paul. Il insiste : tant il craint d'avoir l'air de parler de lui-même avec orgueil, tant il met d'ardeur et de zèle à foie même l'apparence de ce vice l'Remarquez ici l'étendue de sa prudence. Ce qu'il y a de plus triste, ce semble, c'est-à-dire, les afflictions, il les relève à ce point, il en montre si bien la grandeur et l'éclat, que son langage peut sembler orgueilleux. Il en agit de même à la fin de l'épître. Après avoir passé en revue les innombrables périls qu'il a courus, les outrages qu'il a essuyés, ses besoins, ses angoisses, et le reste, il ajoute : « Nous ne prétendons point. faire notre éloge, mais vous donner à vous-mêmes l'occasion de vous glorifier ». Il dit la même chose plus loin avec une certaine force , afin d'encourager de plus en plus les Corinthiens. Ici c'est le langage de l'affection
« Avons-nous besoin, comme plusieurs, de (42) lettres de recommandation ? » Mais à la fin de cette épître, tout est plein de véhémence et de feu : il le fallait dans l'intérêt des fidèles de Corinthe : « Nous n'entreprenons point de faire notre éloge, mais nous vous donnons à vous-mêmes l'occasion de vous glorifier ». Et ensuite : « Pensez-vous que nous voulions nous excuser nous-mêmes ? C'est en présence de Dieu et dans le Christ que nous parlons. Je crains qu'arrivant parmi vous je ne vous troue pas tels que je voudrais, et que vous ne me trouviez pas non plus tel que vous le voudriez ».
Il ne veut pas avoir l'air de les flatter en vue de se faire honorer lui-même, et c'est pourquoi il dit : « Je crains qu'arrivant parmi vous je ne vous trouve pas tels que je voudrais et que vous ne me trouviez pas non plus tel que vous le voudriez ». Ces paroles respirent le blâme ; au début de l'épître il s'exprime en termes moins durs. Que veut-il dire ? Il a parlé de ses épreuves, des dangers qu'il a courus; des triomphes que Dieu lui a fait remporter par Jésus-Christ et que tout l'univers connaît. C'est parce qu'il vient de rappeler toutes ces circonstances si glorieuses pour lui, qu'il se fait à lui-même cette objection : « Est-ce que j'entreprends de faire mon « propre éloge?» Voici le sens de ses paroles: Peut-être nous dira-t-on : Eh quoi ! Paul, est-ce ainsi que vous parlez de vous-même? Est-ce ainsi que vous vous glorifiez? C'est donc pour renverser cette objection qu'il dit : Nous ne voulons point nous enorgueillir ni nous glorifier. Bien loin d'avoir besoin auprès de vous de lettres de recommandation, nous vous regardons comme étant vous-mêmes notre lettre. « Car vous êtes notre lettre, dit-il ». Qu'est-ce à dire ? Si nous avions besoin de nous recommander auprès des autres, nous vous produirions vous- mêmes comme une lettre de recommandation. Il disait la même chose dans la première épître : « Vous êtes le sceau de mon apostolat ». Il emploie ici une autre forme; il fait usage de l'interrogation, pour donner plus de force à son discours. « Avons-nous besoin de lettres de recommandation ? »
Puis faisant allusion aux faux apôtres, il ajoute : « Comme d'autres en ont besoin auprès de vous, ou de votre part », auprès des autres. Ensuite il adoucit ce qu'il vient de dire, en. ajoutant : « Vous êtes, notre lettre, écrite dans nos cœurs, et cette lettre tous les hommes la connaissent(2). Tout le monde a sait que vous êtes la lettre du Christ ». Ici, il rend témoignage non-seulement de leur charité, mais encore de leurs bonnes actions, puisqu'il suffit de leurs vertus pour prouver la dignité du maître. C'est ce qu'il veut dire par ces paroles : « Vous êtes notre lettre ». Une lettre pourrait nous recommander et nous attirer le respect ; or on est plein d'estime pour nous, dès que l'on vous a vus et entendus. La vertu des disciples est pour le maître une meilleure recommandation, un plus bel ornement que n'importe quelle lettre. — « Inscrite dans nos coeurs », c'est-à-dire, que tout le monde connaît. Vous êtes sans cesse dans notre coeur, et ainsi nous vous portons partout où nous allons. C'est comme si l'apôtre disait : Vous nous recommandez auprès des autres ; vous êtes sans cesse dans notre coeur, et partout nous publions vos bonnes couvres. Ainsi nous pouvons nous passer de vos lettres, puisque vous nous servez vous-mêmes de lettres de recommandation mais nous n'avons pas besoin non plus d'être recommandés auprès de vous, parce que nous vous aimons avec tendresse. C'est à des inconnus que l'on présente des lettres de recommandation ; mais vous, sans cesse vous êtes présents à notre pensée. Il ne dit pas simplement : « Vous êtes », mais « vous êtes inscrits». C'est-à-dire, vous ne pouvez sortir de notre cœur. Tous ceux qui connaissent notre coeur, y lisent comme dans une lettré l'amour que nous vous portons.