1.
L'apôtre vient de passer en revue ses épreuves et ses afflictions: « J'ai vécu dans la patience », dit-il, «dans les afflictions, dans le besoin, dans les angoisses, sous les verges, dans les prisons, changeant souvent de demeure, dans les fatigues, dans les veilles ». C'est là, dit-il, un grand bien : « On nous croit tristes, et nous sommes toujours dans la joie; on nous croit pauvres, et nous enrichissons beaucoup de nos frères; on nous croit dans l'indigence,et nous. possédons toutes les richesses ». Toutes ces épreuves sont pour lui autant de ressources: «Par là, Dieu nous instruit, et nous ne mourons point ». De plus elles manifestent là puissance de Dieu et sa sollicitude envers nous : « Afin que notre patience semble l'effet de la toute puissance divine, et ne paraisse pas venir de nous-même ». En outre il nous dit ses combats : « Nous portons en tous lieux la mortification de Jésus » Il ajoute que c'est là une preuve évidente de la résurrection du Sauveur : « Afin que la vie de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle ». Voici maintenant la mission qui lui a été confiée : « Nous sommes les ambassadeurs du Christ, comme si Dieu exhortait par notre parole ».Ensuite il indique l'objet de son ministère; c'est non point la lettre, mais l'esprit. Ce n'est point par son ministère seulement qu'il mérite le respect, mais aussi par ses afflictions : « Grâces soient rendues à Dieu », dit-il, « qui nous fait partout triompher ».
Puis il s'apprête à les blâmer de leur négligence. Mais, avant d'en venir là, il leur témoigne son affection, et il passe ensuite au reproches. Sans doute les belles actions commandent le respect envers celui qui blâme; mais ses reproches sont mieux accueillis encore s'il .fait preuve d'une véritable amitié. Saint Paul laisse donc maintenant de côté ses souffrances, ses fatigues, ses combats, pour parler de son amour pour les Corinthiens, et pouvoir ensuite leur faire entendre le langage de la sévérité. Comment leur témoigne-t-il de son affection ? « Notre bouche s'est ouverte pour vous, ô Corinthiens ». Et quelle preuve d'affection renferment ces paroles ? que signifient-elles? Nous ne pourrions garder le silence; quand il s'agit de vous; c'est un besoin pour nous de vous faire entendre notre voir, de nous entretenir avec, vous. N'est-ce point (85) la conduite de ceux qui aiment? Comme deux corps s'unissent par la jonction des mains, ainsi deux âmes se lient par la conversation. Mais il v a un autre sens dans ces paroles. Lequel? Vous nous êtes chers, et nous vous parlons en toute franchise, sans rien dissimuler, sans rien vous cacher. Il va leur adresser des reproches; il s'en excuse d'abord; ces reproches eux-mêmes seront une preuve de la vite affection qu'il a pour eux. Il ajoute le nom des Corinthiens, et c'est encore là une marque d'une vive , d'une ardente amitié. N'aimons-nous pas à répéter sans cesse les noms de ceux que nous aimons? — « Notre coeur s'est dilaté ». C'est la chaleur qui dilate ; c'est aussi le propre de la charité : car la vertu est ardente. C'est elle qui ouvrait la bouche de saint Paul, et 'qui dilatait son coeur. — Je n'aime pas seulement de bouche, dit-il; mon coeur. est d'accord avec mes lèvres; et c'est pourquoi je vous parle avec confiance de toute ma bouche et de toute mon âme.
Rien de plus large que le coeur de Paul. Avec l'ardeur brûlante d'un amant, il embrassait toutes les âmes pieuses, sans se diviser, sans s'affaiblir : son affection se portait tout entière sur chacun d'eux. Rien en cela de surprenant, puisque ce cœur de l'apôtre embrassait même les infidèles dans l'univers entier. Aussi ne dit-il pas : je vous aime; mais il s'exprime par images : « Notre bouche s'est ouverte pour vous; notre cœur s'est dilaté ». Nous vous avons tous dans notre coeur; et encore vous n'y êtes pas à l'étroit; vous y êtes au large. Celui que nous aimons se promène, pour ainsi dire, sans aucune crainte, au fond de notre coeur. C'est pourquoi l'apôtre dit : « Vous n'êtes pas à l'étroit dans notre coeur, mais c'est dans vos coeurs que vous êtes à l'étroit ». Il y a dans ces paroles un reproche qu'adoucit l'indulgence de saint Paul : et c'est encore le propre de ceux qui aiment. Il ne dit pas : Vous ne m'aimez point; mais vous ne m'aimez pas autant que je vous aime. Il ne veut pas les reprendre trop durement. Si l'on veut savoir de quel amour il brûlait pour les fidèles, on n'a qu'à parcourir ses épîtres. Dans sa lettre aux Romains il dit : « Je désire vous voir », et encore : « Je me suis souvent proposé de me rendre chez vous » ; et : « Puisse-je me rendre sans obstacle chez vous ». (Rom. I, 11, 13, 10.) Voici ce qu'il dit aux Galates : « Mes petits enfants; que j'enfante de nouveau » (Gal. IV, 19) ; aux Ephésiens : « A ce sujet je fléchis les genoux pour vous » (Ephés. III, 14); aux Philippiens : « Quelle est mon espérance, ou ma joie, ou ma couronne de gloire, si ce n'est vous. » (I Thess. II, 19.) Il les porte, dit-il encore, dans son cœur et dans ses liens. Il écrit aux Colossiens : « Je voudrais que vous fussiez témoins des luttes que je soutiens pour vous; puissent aussi en être témoins. tous ceux qui ne m'ont point vu dans la chair, afin que leurs coeurs soient consolés » (Col. II, 1) ; aux Thessaloniciens ; « Comme une nourrice réchauffe ses enfants, nous aussi nous désirions vous donner, non seulement l'Evangile, mais encore nos âmes» (I Thess. II, 7, 8) ; et dans sa lettre à Timothée : « Le souvenir de tes larmes me remplit de joie ». (II Tim, I, 4.) Il appelle Tite «son cher fils » (Tit. I, 4) ; et c'est aussi le nom qu'il donne à Philémon. (Phil. I, 1.)