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Maintenant il peut traiter les. Corinthiens avec douceur, puisqu'ils sont revenus de leurs égarements. Il justifie donc la lettre qu'il leur a écrite, et leur- montre les avantages qu'ils en ont retirés. C'est né qu'il avait déjà fait auparavant quand il leur disait: « Du sein de mes tribulations et de mes angoisses, je vous ai écrit non pour vous contrister, mais pour vous faire connaître la vivacité de l'affection que je vous porte ». Il revient sur ce sujet, et développé sa pensée: Il ne dit pas : « Auparavant je me repentais, mais, aujourd'hui je ne me repens plus». Quelles sont donc ses expressions? « Je ne me repens point maintenant », dit-il, « quand même je me serais repenti » ; comme s'il disait : Quand même je vous aurais blâmés jusqu'à l'exagération, jusqu'à m'en repentir ensuite; à la vue des avantages qui. en sont résultés, je ne puis plus avoir aucun repentir. Ce n'est pas à dire que ces reproches fussent exagérés; il s'exprime. de la sorte pour mieux faire ensuite leur éloge. Vous avez fait tant de progrès, dit-il, que, vous eusse-je même repris trop vivement et au point de me reprocher à moi-même quelque exagération, je -m'applaudirais, de l'avoir fait, à la pensée du succès obtenu. Quand on a donné aux enfants quelque remède un peu violent, après une amputation par exemple, ou une cautérisation, ou une potion amère, on peut les flatter sans inconvénient. j'est ce que fait maintenant l'apôtre à l'égard des Corinthiens. « Je vois que cette lettre vous a contristés dans le moment. Je me réjouis maintenant, non de ce que vous avez été contristés, mais de ce que cette tristesse vous a convertis... (9)».
Après avoir dit : « Je ne me repens point », il s'explique aussitôt, et rappelle l'heureux succès de son épître. Il a raison d'ajouter encore : « Bien que pour quelque temps seulement ». Le chagrin n'a duré qu'un, instant, les avantages ne finiront point. La suite des idées exigeait que l’apôtre dit : Ma lettre vous a contristé un instant, mais cette tristesse a été suivie d'une joie et d'une utilité sans fin. Il procède autrement toutefois, et avant d'exposer ces avantages, il fait de nouveau leur éloge; et leur exprime toute sa sollicitude à leur égard. « Je me réjouis maintenant, non pas de ce que vous avez été contristés (que « me revient-il en effet de votre tristesse ?) ; « mais de ce que ce chagrin vous a convertis » ; de ce que ce chagrin vous a été avantageux.. Un père qui voit amputer son fils, ne se réjouit certes point d'être témoin de ses souffrances, mais de la guérison qui en résultera. Ainsi en est-il de l'apôtre. « Voyez comme il leur attribue à eux-mêmes l'affaire de leur conversion, et comme il impute à son épître la tristesse qu'ils ont ressentie. Ne leur dit-il pas en effet que sa lettre les a contristés pour quelque temps » ; et n'est-ce pas de leur vertu qu'il fait résulter les avantages produits par sa lettre? Il n'a pas dit en effet : Mon épître vous a convertis, bien, qu'en cela il eût dit vrai; mais bien : « De ce que cette tristesse vous a convertis. Vous avez (95) été contristés selon Dieu, pour, que vous n'éprouviez de dommage en quoi que ce fût ». Quelle ineffable prudence ! Si nous n'avions agi de la sorte, dit-il, nous vous aurions fait beaucoup de mal. Le bien, ce sont eux qui l'ont produit.; le mal, lui seul en eût été cause, s'il eût gardé le silence. Puisque vous deviez vous convertir par- suite de nos reproches, si nous avions négligé de vous les adresser, nous vous aurions été nuisible, et nous nous serions aussi fait tort à nous-même. C'est nuire au navigateur que de ne point lui fournir ce qui lui est nécessaire pour s'embarquer; de même, c'est été vous nuire que dune pas vous exciter à la pénitence. Volez-vous quel tort .on fait au pécheur, quel tort on se fait à soi-même, quand on ne reprend point celui qui s'est rendu coupable?
« La tristesse qui est selon Dieu produit une pénitence qui à son tour produit le salut et l'affermit... (10) ». — C'est pourquoi, dit-il., bien que j'aie eu regret avant d'avoir aperçu les heureux résultats de ma démarche, maintenant je suis loin de m'en repentir. Tels sont les avantages de cette tristesse qui est selon Dieu; l'apôtre fait bien voir que toute tristesse n'est point fâcheuse, et qu'il n'y a de tristesse fâcheuse que la. tristesse. selon le monde. — Qu'est-ce à dire : Selon le monde? S'attrister de la perte, de ses biens, de la perte de sa gloire, de la mort de quelqu'un, c'est s'attrister selon le monde. Cette tristesse produit la mort. Celui qui s'attriste d'être privé de gloire, porte envie aux autres et, presque toujours il est dans la nécessité de mourir. Telle fut la tristesse de Caïn et d'Esaü. La tristesse du siècle est donc aux yeux de l'apôtre cette tristesse qui nuit à ceux qui l’éprouvent. Il n'y a d'avantageux que le chagrin que l'on ressent d'avoir péché et ce que nous venons de dire. le montre assez. S'affliger de la perte de ses biens, est-ce les recouvrer? Pleurer la mort de quelqu'un, est-ce un moyen de le ressusciter? Se tourmenter d'une maladie, n'est-ce pas .l'aggraver plutôt que de la guérir? Mais déplorer ses péchés; c'est se procurer de grands avantages; c'est les consumer, c'est les faire, disparaître. C'est au péché seulement que, la tristesse petit porter remède; là se borne son. utilité ; partout ail- leurs elle est dangereuse.