1.
Celui qui façonne une statue, donne la première place à la tête; puis vient le cou; enfin les pieds. Saint Paul ne procède pas autrement dans ce discours. Il a parlé de l'homme, il a parlé de la femme, puissance subordonnée : il passe au troisième degré de la hiérarchie, les enfants. Car si la femme a pour maître le mari, les enfants sont soumis à la fois au mari et à la femme. Considérez donc ce que dit l'apôtre : « Enfants, obéissez à vos parents dans le Seigneur. C'est le premier commandement fait avec une pro« messe ». Il ne parle plus ici du Christ ni des choses d'en-haut : car il s'adresse à des esprits faibles encore ; par la même raison, il ne prolonge pas son exhortation : il sait que les enfants sont incapables de suivre un long discours. De même, il ne dit rien du royaume de Dieu : car, à cet âge, on n'est pas apte à entendre ce langage. Il se borne à la promesse la plus flatteuse pour une âme enfantine, celle d'une longue vie. En effet, si l'on venait à s'enquérir de la raison pour laquelle il a passé le royaume de Dieu sous silence, et s'est borné à répéter le précepte contenu dans la loi, nous répondrions que c'est à cause de l'âge de ceux à qui il s'adresse, et parce que, à supposer que le père et la mère soient dans des dispositions conformes à la loi qu'il leur donne, la soumission des enfants ne sera pas bien difficile à obtenir. Car, partout où la base est solide, le début heureux, le reste marche aisément et régulièrement. Le difficile, c'est de jeter les bases, de poser les fondements. « Enfants, obéissez à vos parents dans le Seigneur », c'est-à-dire, selon le Seigneur; ou encore C'est Dieu qui vous l'ordonne. Mais s'ils ordonnent des actions criminelles? D'abord il n'arrive jamais qu'un père , fût-il criminel lui-même, donne des ordres semblables; de plus, Paul a prévenu cette objection en disant : « Dans le Seigneur », c'est-à-dire, dans les choses qui n'offensent pas Dieu; en sorte que, si le père est païen ou hérétique, il ne faut plus lui obéir : car l'obéissance ne serait plus selon le Seigneur.
Mais comment Paul peut-il dire : « C'est le premier commandement». Le premier commandement, n'est-ce pas : Tu ne commettras point l'adultère, tu ne tueras point? En disant : « Le premier », Paul ne pensé point au rang de ce précepte, mais à la promesse qu'il (550) renferme. Les précédents ne proposent aucune récompense, attendu qu'ils ne regardent que des fautes à éviter; mais une récompense est attachée à celui-ci, comme prescrivant de bonnes oeuvres. Et voyez quel merveilleux fondement assigné à la vertu, que le respect des parents ! Rien de plus naturel. Quand le législateur nous a détournés des mauvaises actions , il commence par nous acheminer aux bonnes, par ce précepte du respect filial, attendu qu'après Dieu c'est à nos parents que nous devons la vie. C'est donc à bon droit qu'ils recueilleront les prémices de nos vertus: les autres hommes ne doivent venir qu'après. Quiconque manque à ce premier devoir, ne saura jamais se bien conduire vis-à-vis des étrangers. Après avoir ainsi indiqué aux enfants leurs obligations, Paul arrive aux parents, et dit : « Et vous, pères, ne provoquez point vos enfants à la colère, mais élevez-les dans la discipline et la correction du Seigneur (4) ».
Il ne dit pas : Aimez-les : cette prescription serait superflue; la nature parle assez haut, quelle que soit d'ailleurs la volonté. Que dit-il donc? « Ne provoquez point vos enfants à la colère », comme font tant d'hommes qui déshéritent les leurs, les renient, les oppriment, les traitent enfin en esclaves, et non en hommes libres. De là ce précepte : « Ne provoquez point vos enfants à la colère ». Ensuite, ce qui est l'essentiel, il montre à quelles conditions ils seront obéissants, faisant tout dépendre de leurs chefs , de leurs maîtres. Tout à l'heure il montrait que la soumission de la femme est l'oeuvre du mari ; et c'est même pour cela qu'il s'adresse surtout au mari, l'exhortant à se concilier sa femme par l'empire de la tendresse. De même ici il ramène tout encore au même principe, en disant : « Mais élevez-les dans la discipline et dans la correction du Seigneur ». Voyez-vous comme les biens charnels viennent s'ajouter aux biens spirituels une fois acquis? Vous voulez rendre votre fils obéissant? Commencez par l'élever dans la discipline et la correction du Seigneur : ne croyez pas inutile de lui faire entendre les saintes Ecritures ; car voici tout d'abord l'enseignement qu'il en recevra : « Honore ton père et ta mère ». Vous ne ferez donc qu'agir dans votre intérêt. Ne dites pas : C'est bon pour des moines ; est-ce que j'en veux faire un moine ? Il n'est pas nécessaire qu'il devienne moine. Pourquoi craindre ce qui est si profitable? Faites-en un chrétien. C'est surtout aux mondains qu'il importe de se pénétrer de ces leçons, surtout aux enfants : car l'étourderie est grande à cet âge, et cette étourderie est renforcée encore par l'influence des écrits profanes; lorsqu'ils y voient ceux que les païens vénèrent comme des héros, esclaves de leurs passions ou tremblants devant la mort; par exemple, un Achille repentant, mourant pour sa concubine 1; tel autre qui s'enivre; que sais-je encore? Ce n'est donc pas trop des remèdes dont je parle.
Ce qu'il y a d'obscur ou d'inexact dans ces allusions peut pro. venir d'une altération de texte, tout aussi bien que d'une ignorance réelle ou feinte. ↩
