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Combien de scorpions, de vipères, de serpents dans notre désert? Combien de reptiles venimeux dans cette feule que nous traversons ! Mais ne craignons rien : notre guide, dans cette sortie, ce n'est pas Moïse, mais Jésus. Comment donc échapperons-nous aux maux qui accablèrent les Juifs? En agissant autrement. Ils murmuraient, ils étaient ingrats. Gardons-nous des mêmes écarts. D'où vint leur chute à tous? Ils comptèrent pour rien la terre désirée. Comment, ils la comptèrent pour rien ? Ils l'appréciaient pourtant. Oui, mais ils faiblirent, ils ne voulurent pas souffrir ce qu'il fallait endurer pour l'obtenir. N'allons donc pas, nous, compter pour rien le ciel : car cela s'appelle compter pour rien. Nous aussi, nous avons reçu un échantillon des fruits du ciel, non pas une grappe de raisin portée par deux hommes, mais des arrhes de l'Esprit, cette discipline céleste que nous ont révélée Paul, tout le choeur des apôtres, tant de merveilleux laboureurs. Ce n'est pas Chaleb, fils de Jéphoné, ce n'est pas Jésus, fils de Navé, qui nous a apporté ces fruits : c'est Jésus, le fils du Père des miséricordes, le Fils du vrai Dieu, qui nous a apporté toutes les vertus et tous les fruits, j'entends toutes les hymnes, de là-haut. Car ce que disent les chérubins dans les cieux, il nous a prescrit de le dire ici-bas : « Saint, saint, saint ». Il a introduit parmi nous la vie angélique. Les anges ne se marient pas : il a pris ici-bas le même mérite. Ils ne sont pas épris des richesses ni d'aucune chose de ce genre : il a implanté parmi nous le même désintéressement. Ils ne meurent pas : il nous a octroyé la même faveur; car la mort n'est plus une mort, mais un sommeil. Ecoutez plutôt ce qu'il nous dit lui-même : « Notre ami Lazare est endormi ». (Jean, XI, 11.) Voyez-vous les fruits de la Jérusalem d'en-haut? Et ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que la guerre n'est pas encore terminée, c'est que tout cela nous est donné avant que nous soyons dans la Terre promise. Les Israélites avaient encore à lutter jusque dans la Terre de promesse : ou plutôt, non ils ne luttaient pas, car il leur suffisait de vouloir obéir à Dieu, pour prendre toutes les villes sans siège et sans combat : c'est ainsi du moins qu'ils prirent Jéricho : on les aurait crus à une fête plutôt qu'à la guerre. Mais notas, une fois entrés dans la Terre promise, c'est-à-dire dans le ciel, nous n'avons plus de guerre à soutenir : nous ne combattons que dans le désert, entendez, dans la vie présente. « Car celui qui est entré dans son repos, lui aussi s'est reposé de ses oeuvres , comme Dieu des siennes ». (Hébr. IV, 10.) « Ne nous lassons donc pas de faire le bien». (Galat. VI, 9.) Car nous moissonnerons, la saison venue, si nous ne nous fatiguons pas. Voyez-vous comment Dieu nous guide ainsi que les Juifs? Au sujet de la manne du désert, il est écrit : « Celui qui eut beaucoup n'eut pas davantage ; et celui qui eut peu n'eut pas moins ». Et à nous aussi, il nous est recommandé de ne pas thésauriser sur la terre.
Que si nous thésaurisons, ce n'est plus, comme au temps de la manne, le ver d'ici-bas que nous avons à redouter, mais lever éternel de l'éternel enfer. Faisons donc tout ce qu'il faut pour ne pas lui préparer d'aliment: car il est écrit : « Celui qui eut beaucoup n'eut pas « davantage ». Cela se vérifie pour nous tous les jours. Notre estomac, à tous, n'a qu'une capacité déterminée ; passer cette mesure, c'est folie. Dès lors Dieu enseignait aux Juifs ce qu'il devait nous apprendre plus tard par ces paroles : « A chaque jour suffit son mal ». Préservons-nous donc de la cupidité, de (564) l'ingratitude; ne nous inquiétons point d'habiter des maisons superbes: car nous sommes des voyageurs, et non des habitants stationnaires. Si donc on est bien persuadé que la vie est un voyage, une expédition militaire, que nous vivons ici dans ce que les soldats appellent une tranchée, on se souciera peu de constructions magnifiques. Qui s'aviserait, dites-moi, quelle que puisse être son opulence, d'élever sur une tranchée de superbes bâtiments? Personne : ce serait encourir la risée, bâtir pour l'ennemi, travailler à l'attirer : ainsi nous ne ferons rien de semblable, si nous,sommes sages. Une campagne, une tranchée, voilà la vie actuelle. Je vous en conjure donc, ayons bien soin de ne pas thésauriser ici-bas : car si le voleur vient, notre fuite sera plus prompte. « Veillez, parce que vous ne savez pas à quelle heure vient le voleur » : le voleur, c'est-à-dire la mort. En conséquence, avant qu'il ne vienne, envoyons tout dans notre patrie. Et portons ici-bas une ceinture qui nous permette de triompher de nos ennemis : puissions-nous, vainqueurs, au jour des couronnes, être jugés dignes de la gloire immortelle, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
