2.
« Or, je veux bien que vous sachiez, mes frères, que ce qui m'est arrivé a servi beaucoup aux progrès de l'Evangile, en sorte que mes liens sont devenus célèbres, à la gloire de Jésus-Christ, dans tout le prétoire, et parmi tous les habitants de Rome (12,13) ». Il est vraisemblable qu'ils gémissaient, apprenant ses liens, et qu'ils pensaient que la prédication apostolique était interrompue. Que fait-il donc? Il leur en ôte l'idée, et leur déclare que les événements qui l'ont frappé ont même servi aux progrès .de l'Evangile. C'est encore une parole inspirée par l'affection que celle qui leur fait connaître ainsi son état présent, objet de leur inquiétude. Mais, ô Paul, que dites-vous? Vous êtes dans les fers, dans les entraves, et, l'Evangile fait des progrès! Comment donc? Ah ! répond-il, « mes liens sont devenus célèbres, à la gloire de Jésus-Christ, dans « tout le prétoire ». Mes chaînes, loin de fermer la bouche, aux autres prédicateurs, loin de leur inspirer de la terreur, n'ont fait que les rendre plus confiants. Or, si jusqu'au milieu du danger, ceux-ci, loin de s'affaiblir, ont redoublé de courage, bien plus devez-vous reprendre confiance. Si l'apôtre enchaîné se fût laissé abattre par la persécution, s'il eût gardé le silence, il est vraisemblable que ses collaborateurs auraient partagé son abattement. Mais comme dans les liens il parlait avec encore plus de liberté qu'auparavant, il leur communiquait plus, de confiance que s'il n'eût pas été dans les fers. Mais comment les chaînes ont-elles contribué aux progrès de l'Evangile? Dieu l'a voulu, dit-il, en permettant que mes liens en .Jésus-Christ et par Jésus-Christ, fussent connus « dans tout le prétoire» (c'était alors le nom du palais impérial), et non-seulement dans le prétoire, mais dans toute la capitale.
« Et que plusieurs de nos frères en Notre-Seigneur, se rassurant par mes liens, ont conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer la parole de Dieu sans aucune crainte (14) ». Ces paroles démontrent que déjà auparavant ils avaient parlé avec confiance et en toute liberté, mais qu'à l'heure présente, ils s'encourageaient bien plus encore. Si .donc mes chaînes ont doublé l'énergie des autres, n'aurai-je point moi-même gagné plus que personne? Si je leur ai valu une force nouvelle, ne l'ai-je donc pas conquise plus grande aussi? « Plusieurs de nos frères dans le Seigneur ...» Comme il semblait hardi d'attribuer à ses chaînes le redoublement d'énergie de ses frères, il prévient le reproche d'orgueil en ajoutant : « Dans le Seigneur ». Voyez comme forcé de parler de lui-même avec éloge, il n'oublie cependant point la sainte modestie ! «... Osèrent plus que jamais », dit-il; « sans crainte aucune annoncer la parole ». — «Plus que jamais », c'est donc que depuis longtemps ils avaient commencé.
«Il est vrai que quelques-uns prêchent Jésus-Christ par un esprit d'envie et de contention, et que les autres le font par une bonne volonté (15) ». Ce passage vaut la peine d'être expliqué. Pendant cette détention de Paul, bon nombre d'infidèles voulant exciter l'empereur à lui faire une guerre sans pitié, se mirent à annoncer eux-mêmes Jésus-Christ, afin d'allumer plus encore la colère du souverain à la vue de cette prédication semée quand même, et de faire retomber sur la tête de Paul tout ce poids de fureur. Deux lignes de conduite furent donc le double effet de cette incarcération. Elle redoubla le courage des uns; dans les autres elle réveilla l'espérance de perdre l'apôtre en prêchant, eux aussi, Jésus-Christ. « Quelques- uns par jalousie », c'est-à-dire envieux de ma gloire et d'un début heureux , désirant ma perte, et combattant contre moi, semblent continuer mes travaux; peut-être aussi l'ambition les entraîne, et ils croient dérober quelque chose à ma gloire. « Plusieurs toutefois agissent par une bonne volonté, c'est-à-dire sans hypocrisie et de grand coeur ».
« D'autres annoncent Jésus-Christ avec un (14) esprit de contradiction, sans bonne foi (16)», c'est-à-dire sans pureté d'intention, et non pour l'honneur même de la religion. Pour quel motif donc? « dans la pensée d'appesantir encore mes chaînes » ; ils ne veulent qu'aggraver mes périls et faire peser sur moi souffrance sur souffrance. O cruauté ! ô énergie de démon ! Ils le voyaient enchaîné, jeté dans un cachot, et ils le jalousaient encore, heureux s'ils ajoutaient à ses peines, s'ils l'exposaient à un redoublement de fureur. « Dans la pensée » est une expression fort juste; car les événements trompèrent leur calcul. lis croyaient, par cette conduite, me combler de chagrin, tandis que je me réjouissais du progrès de l'Evangile. Ainsi arrive-t-il parfois, quand on fait une bonne oeuvre, mais avec une intention mauvaise : on n'obtient pas la récompense promise, on doit même en attendre le châtiment. Ces faux apôtres prêchaient Jésus-Christ dans le dessein formel d'attirer sur le prédicateur de Jésus de plus grands dangers aussi loin de recevoir aucune récompense, ils n'obtiendront que le supplice, la peine trop bien méritée.
« Plusieurs cependant prêchent par charité, sachant que j'ai été établi pour la défense de l'Evangile (17) ». Qu'est-ce à dire : « J'ai été établi pour la défense de l'Evangile » , sinon , ils prêchent, pour me rendre plus facile le compte que je dois à Dieu , et ils m'aident à subir son jugement. En effet , j'ai reçu l'ordre d'en-haut de prêcher, je dois rendre mes comptes, et préparer pour ce Juge suprême mon apologie au sujet de ce grand devoir. Ils me viennent donc en aide pour me faciliter ma défense , qui vraiment me sera bien aisée, s'il se trouve un jour que de nombreux prosélytes ont reçu l'instruction et accepté la foi.
« Qu'importe après tout, pourvu qu'en définitive et de toute manière, soit par occasion soit par véritable zèle, Jésus-Christ, soit annoncé? (18) » Admirez la sainte philosophie de ce grand homme. Loin d'invectiver contre personne, il dit simplement le fait. Que m'importe après tout, que le Seigneur soit annoncé de telle manière ou de telle autre , s'il l'est, d'ailleurs, de toute façon, par occasion ou par vrai zèle? Il ne dit pas : « Qu'il a soit annoncé ! » il n'emploie pas ce ton impératif ; il se borne à raconter l'événement. Eût-il d'ailleurs parlé avec le sens d'un ordre formel, qu'il n'aurait pas pour cela ouvert le champ aux hérésies.