1.
Les Philippiens sont les habitants d'une ville de Macédoine, qu'on appelle Philippes, du nom de son fondateur, et d'ailleurs colonie romaine, selon la remarque de saint Luc.(Act.XVI.) C'est dans cette cité que fut convertie une marchande de pourpre, dame très-pieuse, et disciple très-fidèle; là aussi, le chef de la synagogue embrassa la foi; là encore, Paul, et Silas avec lui, furent battus de verges; mais bientôt les magistrats de la ville, pleins d'épouvante, les prièrent humblement d'en sortir. On voit que l'Évangile y obtint le plus brillant début.
Au reste, Paul lui-même, et plus d'une fois, rend aux Philippiens de magnifiques témoignages, les appelant « sa couronne » et attestant qu'ils ont beaucoup souffert. « Dieu », leur dit-il, « vous a fait la grâce, non-seulement de croire en Jésus-Christ, mais encore de souffrir pour lui ». (Philip. 1, 29.)
A l'époque même où saint Paul leur écrivait, il était dans les liens : « Mes liens », écrivait-il, « sont devenus célèbres à la gloire de Jésus-Christ dans tout le prétoire ». (Philip. XIII.) Il appelle ainsi le palais de Néron. Mais il fut relâché de ces premiers liens, comme le montre ce qu'il écrit à Timothée : « Dans ma première défense, personne ne fut auprès de moi ; tout le monde m'avait délaissé : que cela ne leur soit pas imputé ! Dieu seul fut avec moi, pour m'aider et me fortifier ». (II Tim. IV, 16, 17.) Les liens dont il parle à Timothée ont donc précédé cette première défense. Timothée n'était pas avec l'apôtre, puisque : « Personne », dit-il, « ne m'assista dans ma première défense ». Ce qu'il écrit suffirait, d'ailleurs, pour le démontrer: Paul n'apprendrait pas par lettre à son disciple, un fait qu'il saurait déjà connu de lui.
Mais quand il écrivait l'Épître aux Philippiens, Timothée était à ses côtés, comme le prouvent ces paroles : « J'espère en Jésus Notre-Seigneur, vous envoyer bientôt Timothée » ; et encore : « J'espère vous l'envoyer bientôt, dès que je verrai où en sont mes affaires ». (Philip. II, 19, 23.) Car relâché d'abord, il fut de nouveau jeté dans les fers, après être venu chez les Philippiens. Lorsqu'il dit : « Quand même je devrais répandre mon sang sur la victime et le sacrifice de votre foi... »; il ne parle pas d'un martyre déjà présent et en voie d'exécution; mais il veut dire que s'il arrive enfin, et à quelque jour qu'il arrive, il s'en réjouit, c'est son expression, -voulant ainsi les relever de l'abattement où sa nouvelle captivité les a plongés.
Il savait cependant qu'il ne devait pas, maintenant encore, subir le coup mortel; ses paroles l'indiquent: « J'ai la confiance, au contraire, que moi-même j'irai vous voir » ; et encore « Je sais, je suis assuré que je resterai, que je ferai même séjour parmi vous ». (Philip. II, 24, et. 1, 25.)
Or, les Philippiens lui avaient envoyé Epaphrodite, pour lui porter de l'argent et savoir où en étaient ses affaires, car ils aimaient Paul avec tendresse. Sur ce premier fait de la mission d'Epaphrodite, entendez Paul lui-même: «J'ai tout», écrit-il, «j'abonde de toutes choses; je suis comblé, après avoir reçu par Epaphrodite ce que vous m'avez envoyé ». (Philip. IV, 18.) Ils l'avaient donc député pour le double motif et de consoler l'Apôtre, et de savoir où en étaient ses affaires. Que ce second point fût aussi l'objet de sa mission, nous le voyons dès le prélude de la lettre apostolique; saint Paul y parle de sa position : « Je veux », dit-il, « que vous sachiez a que ce qui m'est arrivé, a beaucoup servi aux progrès de l'Evangile ». (Philip. I, 12.) Et plus loin : « J'espère vous envoyer bientôt Timothée, pour être moi-même consolé en apprenant de vos nouvelles ». (Philip. II, 19.) Ce « pour être moi-même » n'a qu'un sens possible et évident : Vous avez envoyé savoir ma position, pour satisfaire les désirs de votre coeur; et moi aussi, je veux combler les miens en connaissant votre état actuel. — Comme d'ailleurs ils avaient été longtemps sans envoyer s'informer de lui, et qu'enfin ils venaient de le faire au moment même, il rappelle ce doublé fait en ces termes : « Puisque enfin une fois encore vous avez laissé refleurir vos sentiments pour moi ».
Ils avaient appris les nouvelles chaînes de saint Paul. S'ils avaient entendu parler de la (3) maladie d'Epaphrodite, qui était loin d'être aussi célèbre que Paul, à plus forte raison savaient-ils l'état de celui-ci; et naturellement ils en étaient troublés. Aussi, dès le préambule de son Epître, il s'empresse de les consoler au sujet de ses chaînes, et leur apprend que, loin d'en être troublés, ils ont bien plutôt à s'en réjouir. Ensuite, il leur conseille de pratiquer la charité et l'humilité, et leur montre, dans ces deux vertus, leur sauvegarde certaine et le moyen sûr et facile de vaincre leurs ennemis. La douleur de vos pasteurs n'est point de porter des chaînes, mais de voir la discorde déchirer leurs disciples : nos lieds font le succès de l'Evangile; vos divisions iraient à le détruire.