2.
Mais si vous tenez, dit l'apôtre, à connaître une circoncision véritable , vous la trouverez chez nous qui servons Dieu en esprit », c'est-à-dire par notre âme et notre (67) coeur. Lequel vaut mieux, en effet, dites-moi, du corps ou de l'âme? Celle-ci, évidemment. Donc la circoncision charnelle n'est pas la meilleure, et même la circoncision spirituelle est la seule vraie. Tant que dura l'obligation du rit extérieur, il y avait lieu à comparer les deux circoncisions; on pouvait parler, avec l'apôtre, « de retrancher telles parties superflues de notre coeur ». Saint Paul , parlant aux Romains, pouvait exalter cette circoncision spirituelle et s'écrier : « Le vrai juif n'est a pas celui qui l'est au dehors , et la véritable circoncision n'est pas celle qui se fait dans la chair; mais le vrai juif est celui qui l'est intérieurement, et la circoncision véritable , est celle du coeur qui se fait par l'esprit et non selon la lettre ». (Rom. II, 28.) Ici, saint Paul va plus loin; il refuse au rit ancien son nom même, il ne veut plus qu'il s'appelle circoncision. Car la figure peut avoir le nom de la vérité, tant que celle-ci n'a pas brillé ; mais elle doit le perdre aussitôt que la vérité paraît. Il en est de même dans l'art de la peinture. Supposez un portrait de l'empereur, mais seulement au trait et à l'état d'ébauche ; tant que l'éclat des couleurs n'a pas accusé le modèle, nous ne disons pas que le prince est là ; mais quand la couleur a été posée, le premier trait s'efface, se couvre sous ce ton plein de vérité, et nous disons : Voilà l'empereur ! Aussi saint Paul ne dit pas : Nous avons; mais bien « Nous sommes » la circoncision, et son langage est très-exact. La circoncision par la vertu, tel est le chrétien, en toute vérité. Il n'ajoute pas : Les juifs ne l'ont plus ! mais « Prenez garde à ces misérables coupés! » Désormais ils marchent dans la mort et le vice. Et pour mieux montrer que la circoncision ne doit plus être opérée sur le corps, mais sur le coeur, il ajoute : « N'ayez plus de confiance en un avantage charnel ».
« Ce n'est pas que moi-même je ne puisse « prendre avantage du côté de la chair ». Qu'est-ce à dire « prendre avantage » et « du côté de la chair? » Ce serait en tirer vanité, en parler avec sérieux et avec pleine confiance. Cette réflexion est belle et prudente. Car si Paul était né dans la gentilité, et qu'il accusât dès lors et la circoncision et ceux même qui la recevaient sans raison, il me paraîtrait si ardent à l'attaque que, pour des motifs personnels, il laisserait voir qu'il est privé de cette marque de noblesse qui caractérisait le judaïsme; qu'il en ignore la grandeur et la majesté; qu'il n'a pas la gloire d'y participer. Mais, maintenant circoncis et censeur toutefois de la circoncision , il ne l'attaque pas par le dépit d'en être exclus, mais par le devoir qu'il a de la condamner ; loin d'agir avec ignorance , c'est en toute connaissance de cause. Voyez ce qu'il dit en cas semblable dans l'épître aux Galates; réduit à la nécessité de se glorifier lui-même, il révèle encore une grande humilité : « Vous savez» , dit-il, « de quelle manière j'ai vécu autrefois dans le judaïsme ». ( Gal. I, 13. ) — Or, ici, c'est le même langage : « Si quelqu'un croit pouvoir tirer vanité de cet avantage charnel, je le puis encore plus que lui » ; et il ajoute aussitôt : « Né Hébreu de pères Hébreux ». Il ne commence pas par cette recommandation de sa naissance, comme si son premier but avait été de parler ainsi de lui-même, il a commencé au contraire par ces mots : « Si quelqu'un » m'oppose cet avantage, montrant ainsi qu'il s'avance parce qu'il le faut, et qu'il parle uniquement à cause de l'objection. Si vous avez confiance, dit-il, j'en ai plus que vous. Vous me forcez à le dire, sans quoi je me tairais. Et toutefois, jusqu'en sa réplique, il évite le ton de l'aigreur; il frappe sans nommer personne, il donne ainsi facilité d'éviter le coup en reculant. — « Si quelqu'un croit pouvoir tirer vanité ». Il choisit cette expression : « Croit pouvoir....», ou bien, parce qu'en effet leur confiance était moindre au fond qu'elle ne paraissait, ou parce que ce n'était pas une véritable confiance; tous ces avantages de nation ou de rite venant de la nécessité et non d'un libre choix.
« J'ai été circoncis au huitième jour ». Il commence par l'avantage le plus prisé de ses adversaires, la circoncision: «Etant », ajoute-t-il, « de la race d'Israël » : ce double fait montre aussi qu'il n'était ni prosélyte, ni même fils de prosélytes. Le non-prosélytisme se prouve par sa circoncision dès le huitième jour; et le fait que ses ancêtres n'étaient pas simplement prosélytes, ressort de ce qu'il était de la race d'Israël. Et pour que ces mots « la race d'Israël » ne soient pas compris d'une des dix tribus schismatiques , il se déclare de la tribu de Benjamin, comme s'il disait de la plus saine partie de la nation, car le sort avait placé dans cette tribu les biens propres aux .prêtres. « Hébreu né de pères Hébreux », (68) nouvelle preuve qu'il n'est pas simplement prosélyte, mais d'origine antique et issu des plus nobles juifs. On pouvait être israélite; en effet, sans être pour cela hébreu ni de pères hébreux. Bon nombre de juifs avaient déjà corrompu leur sang et ne gardaient plus même leur langage national, par suite d'alliances avec les gentils. Saint Paul rappelle donc cette dégénération de tant d'autres , en même temps que la noblesse bien conservée de son origine.
« Pour la manière d'observer la loi, j'étais pharisien ; pour le zèle du judaïsme, j'ai été persécuteur de l'Église; et pour la justice légale et mosaïque, ma vie fut irréprochable ». L'apôtre aborde les avantages qui résultaient de son libre choix , ceux qu'il a précédemment énumérés ne venant pas de sa volonté. En effet, ni sa circoncision, ni son origine israélite, ni sa naissance dans la tribu de Benjamin, n'étaient son oeuvre. Si, dans cette dernière catégorie, il avait des compagnons de gloire, du moins les faits qu'il va énoncer le relevaient au-dessus d'eux. Vous voyez pourquoi il dit : « J'ai plus » que personne? C'est qu'en effet, déjà il avait une série d'avantages : il n'était pas simple prosélyte, il sortait d'une tribu très-estimée; il tenait tout cela d'ancienne date et de ses ancêtres; bien des judaïsants ne pouvaient rien dire de semblable. Mais comme on n'apercevait rien là qui fût le fruit de son libre choix, il arrive aux avantages que sa volonté a déterminés, et il rappelle tout d'abord : « Selon la loi, j'étais pharisien; et selon le, zèle, j'étais persécuteur de l'Église ». Ce dernier trait semble corroborer le premier, et prouver mieux encore son pharisaïsme. On pouvait être pharisien sans pousser jusque-là le zèle. — Enfin, « selon la justice de la loi, j'ai mené une vie irréprochable ». Il se peut, en effet, qu'on méprise le péril par amour du commandement, comme faisaient les princes des prêtres, et non par zèle de la loi. Paul n'avait point ce caractère; jusqu'au point de vue de la justice légale, sa vie était sans reproche. Si donc je surpassais tous mes rivaux par la noblesse de mon origine, par mon zèle et mon ardeur, par ma vie et mes mœurs, pourquoi ai-je renoncé à toutes ces gloires, sinon parce que j'ai trouvé dans ce que Jésus-Christ m'offrait, plus de grandeur et des avantages vraiment incomparables ? Car « ce que je considérais comme un gain m'a paru depuis, en regardant Jésus-Christ, un désavantage et une perte ».