4.
En terminant, nous avons encore un mot à dire. C'est qu'après avoir reçu un si grand bienfait, nous devons toujours en conserver la mémoire, toujours réfléchir à cette faveur divine, aux maux dont nous avons été délivrés, aux biens que nous avons acquis, et alors nous serons reconnaissants, alors nous sentirons s'augmenter en notre coeur notre amour pour Dieu. Quoi donc ! ô homme, vous êtes appelé à un royaume, au royaume du Fils de Dieu, et vous tardez, vous hésitez, vous restez plongé dans la torpeur! S'il vous fallait chaque jour vous élancer, à travers mille morts, à une pareille conquête, ne devriez-vous point braver tous les périls? Pour obtenir une place de magistrat, il n'est rien que vous ne fassiez; pour participer à la royauté du Fils unique de Dieu, vous n'êtes pas prêt à braver mille glaives menaçants, à vous précipiter au milieu des flammes ! Chose plus grave encore, au moment de quitter ce monde, vous vous lamentez, vous vous plaisez à demeurer en cette vie, tant vous tenez à votre corps ! Quoi donc? La mort est-elle pour vous si terrible? Ah ! j'aperçois la cause de vos craintes ; c'est que vous menez une existence molle et oisive. Quand la vie est amère, on voudrait avoir des ailes pour en sortir. Mais nous ressemblons à des poussins frêles et délicats qui voudraient toujours rester dans leur nid. Et cependant, plus nous y resterons, plus nous deviendrons faibles.
Qu'est-ce que cette vie en effet? C'est un nid de paille et de boue. Vous avez beau me montrer vos grands édifices, vos palais tout brillants d'or et de pierres précieuses, je dirai toujours : Nids d'hirondelles que tout cela. A l'approche de l'hiver, tout cela tombe de soi-même; or, j'appelle l'hiver ce jour qui n'est pourtant pas l'hiver pour tous les hommes. Ce temps-là, Dieu l'appelle le jour et la nuit c'est la nuit pour les pécheurs ; c'est le jour pour les justes. Moi donc, à mon tour, je l'appelle l'hiver. Si, pendant l'été, nous ne sommes pas élevés de manière à pouvoir nous envoler, quand l'hiver arrivera, nos mères ne nous accueilleront pas; elles nous laisseront mourir de faim ou périr au moment où tombera notre nid. Toute cette demeure terrestre, Dieu va la nettoyer, comme l'hirondelle nettoie son nid et plus facilement encore. Dieu va tout détruire, tout rétablir, tout mettre à sa place. Ces âmes incapables de voler, ces âmes qui ne peuvent traverser les airs, pour aller à Dieu, et qui ont reçu une éducation trop basse et trop servile pour se confier à la légèreté de (113) leurs ailes, ces âmes souffriront ce qu'elles doivent naturellement souffrir. Un nid d'hirondelle tombe-t-il, la couvée périt bientôt; nous autres, nous ne périssons pas, mais nous sommes condamnés à des souffrances éternelles.
Oui, ce temps-là sera l'hiver, ce sera même quelque chose de plus terrible et de plus cruel que l'hiver. Alors point de pluies torrentielles; mais des fleuves de feu : pas de ténèbres tombant des nuages; mais des ténèbres indissolubles et profondes : point de ciel à voir, point d'atmosphère transparente; un cachot plus étroit que le séjour des malheureux qui sont ensevelis dans les entrailles de la terre. Ces vérités, nous les répétons souvent, sans pouvoir convaincre certains esprits. Quoi d'étonnant! si tel est l'effet de notre parole à nous, chétive créature, puisqu'on n'écoutait pas davantage les prophètes, non-seulement quand ils abordaient de pareils sujets, mais quand ils parlaient de la guerre et de la captivité. Et Sédécias, convaincu par Jérémie, ne rougissait pas. Voilà pourquoi les prophètes disaient : « Malheur à ceux qui disent. Qu'elles s'accomplissent bien vite les oeuvres de Dieu, afin que nous en soyons témoins, et que le conseil du Saint d'Israël s'exécute, pour que nous le connaissions ». (Is. LIV, 19.) Ne nous étonnons pas de ce langage. Les hommes qui existaient à l'époque de l'arche. étaient incrédules aussi; ils ne commencèrent à croire que lorsqu'il n'était plus temps. Les habitants de Sodome attendaient les événements et n'y crurent que lorsque la chose était inutile. Et pourquoi parler de l'avenir? Ce qui se passe aujourd'hui en divers lieux, ces tremblements de terre, la destruction de toutes ces villes, qui s'y serait attendu ? Et pourtant ces catastrophes récentes étaient plus croyables que les désastres du temps passé, que le miracle de l'arche. Pourquoi? C'est que les hommes d'autrefois n'avaient eu sous les yeux aucun précédent et ne connaissaient pas encore les saintes Ecritures. Nous autres, au contraire, nous sommes instruits par d'innombrables exemples, par ce qui s'est passé de nos jours, par ce qui s'est passé jadis. Mais quelle a toujours été la source de l'incrédulité? C'est la lâcheté et la mollesse. On s'occupe de boire et de manger; on ne s'occupe pas de croire. Ce qui est conforme à nos désirs, nous le croyons, nous l'espérons; mais les discours qui viennent heurter. nos opinions ne sont pour nous que des bagatelles. ,