2.
Mais qu'entend saint Paul par ces mots « Avec ses actes ? » C'est le libre arbitre avec ses couvres. Il dit a le vieil homme », pour montrer sa laideur, sa difformité, sa faiblesse. Et quand il parle du nouvel homme, il a l'air de nous dire : N'attendez pas qu'il se conduise comme l'autre; il se conduira tout autrement. L'homme marche, non pas à la vieillesse, mais à une jeunesse plus brillante que la première. Car plus il apprend, plus il profite, plus il croît en vigueur et en force, non-seulement à cause de sa jeunesse, mais à cause du modèle sur lequel il se forme. La perfection est une création du Christ. A l'image du Christ, tel est le sens de ces mots : « A l'image de Celui qui l'a créé » ; car le Christ n'est pas mort vieux, et il était d'une beauté indicible.
Dans cette création nouvelle, « il n'y a ni homme, ni femme, ni circoncis, ni incirconcis, ni barbare, ni scythe, ni homme libre ni esclave; mais Jésus-Christ est tout en tous ». C'est un troisième éloge adressé ici par saint Paul à ce nouvel homme. Il n'y a pour lui ni distinction de race, ni grade, ni distinction d'ancêtres. Rien n'est donné chez lui à l'extérieur; il n'a pas besoin d'un relief étranger, et tous ces avantages sont des avantages extérieurs. La qualité de circoncis ou d'incirconcis, d'esclave, d'homme libre, de gentil, de juif, tout cela est une affaire de prosélytisme ou de naissance. Si ce sont là vos seuls avantages, vous ne possédez que ce que d'autres possèdent. « Mais Jésus-Christ », dit-il, « est tout en tous ». C'est-à-dire que Jésus-Christ nous tiendra lieu de tout, de dignité et de naissance, c'est-à-dire qu'il sera en nous tous. Peut-être aussi veut-il dire : Vous formez tous le Christ, puisque vous êtes son corps.
« Revêtez-vous donc, comme des élus de (146) Dieu, saints et bien-aimés ». Il montre que la vertu est facile, pour qu'ils la. conservent toujours et pour qu'elle fasse leur plus bel ornement. Il y a là tout à la fois un conseil et un éloge, et l'éloge donne au conseil beaucoup de force. Ils étaient saints, mais ils n'étaient pas des élus de Dieu; maintenant ils sont saints, élus et chéris de Dieu. — « D'entrailles de miséricorde ». Il n'a pas dit: «De miséricorde », mais il s'est exprimé avec plus d'énergie en employant deux mots, au lieu d'un. Il n'a pas dit : Soyez entre vous comme des frères; mais, ayez les uns pour les autres une tendresse paternelle. Ne me parlez plus des torts de votre prochain. Telle est la portée de ce mot « des entrailles de miséricorde ». Ces expressions remplacent le mot « pitié », qui, étant isolé, aurait eu quelque chose d'humiliant. « Revêtez-vous de bonté, d'humilité, de modestie, de patience. Vous supportant les uns les autres, vous remettant les uns aux autres les sujets de plainte que vous pouvez avoir entre vous, et vous pardonnant comme le Christ vous a pardonné ». Ici encore il spécialise : car la bonté est la source de l'humilité, et l'humilité est la source de la patience. « Vous supportant », dit-il, « les uns les autres » ; c'est-à-dire vous soutenant et vous remettant vos fautes les uns aux autres. Et voyez comme il atténue l'offense : « Les sujets de plainte que vous pouvez avoir. Et il ajoute : « Comme le Christ vous a pardonné ». C'est là un grand exemple qu'il leur offre toujours ; il cite le Christ pour les exhorter. L'offense dont il parle est peu de chose; mais l'exemple qu'il cite nous engage à pardonner les offenses les plus graves. Voilà ce que signifient ces mots : « Comme le Christ ». Et cela veut dire non-seulement qu'il faut pardonner , mais qu'il faut pardonner de tout son coeur, mais qu'il faut aimer l'auteur de l'offense. L'exemple du Christ amené ici amène toutes ces conséquences. Quand l'offense serait grande, quand il n'y aurait pas eu provocation de notre part, quand nous serions de grands personnages, quand l'auteur de l'offense serait un homme infime, quand il devrait nous offenser encore, peu importe. Nous devons même être prêts à mourir pour lui. Ces mots « comme le Christ » nous le commandent, nous devons persister dans ces sentiments jusqu'à la mort et même au delà, s'il est possible.
« Mais surtout ayez la charité qui est le lien de la perfection ». Vous voyez ce qu'il dit là. Il pourrait se faire que l'on pardonnât une offense sans pour cela en chérir l'auteur. Eh bien ! dit l'apôtre, il faut l'aimer. Et l'apôtre nous montre même ici comment on arrive à pardonner. C'est en étant bon, doux, humble, patient, aimant. Aussi a-t-il dit en commençant: « Les entrailles de miséricorde»; ce qui comprend la charité et la pitié. « Surtout ayez la charité, qui est le lien de la perfection ». Ces paroles veulent dire: Tout cela ne sert de rien; car tout peut se rompre, sans le lien de la charité. C'est elle qui réunit tout. Les meilleures choses, sans elle, ne sont rien ou ne durent pas. Dans un navire, les meilleurs agrès, s'ils ne sont pas bien assujettis, demeurent inutiles; il faut dans une maison, que toutes les parties de la charpente soient bien unies; dans le corps humain, la charpente osseuse a beau être vigoureuse, sa vigueur, sans les articulations, ne sert de rien. Quelles que soient vas bonnes oeuvres, quelque soit le mérite de vos actions, tout cela, sans la charité, est en pure perte. Il n'a pas dit : La charité est le « faîte » de la vertu; il a dit plus: La charité est un lien, chose plus nécessaire. Le faîte n'est qu'un degré de perfection; le lien est ce qui embrasse et comprend les éléments de la perfection ; elle en est la racine. « Que la paix de Dieu, à laquelle vous avez été appelés dans l'unité d'un même corps, règne dans vos coeurs, et soyez reconnaissants ».