2.
C'est un grand éloge, c'est l'éloge le plus magnifique de dire, en parlant d'Epaphras « C'est un des vôtres; c'est un serviteur du Christ ». Saint Paul le représente comme un ministre de Dieu qui combat pour eux; c'est ainsi qu'il se représente lui-même comme un ministre de l'Eglise, comme dans ce passage où il dit : « Je lui ai prêté mon ministère, moi Paul ». (Colos. 1, 25.) Il appelle Epaphras au partage de cet honneur. C'est son compagnon dans le service de Dieu, a-t-il dit plus haut. C'est un serviteur du Christ, nous dit-il encore dans ce passage. « C'est un des vôtres». Il semble s'adresser à la cité qui est sa mère; il semble dire à cette cité C'est là fruit de tes entrailles. Mais un panégyrique aussi explicite aurait déchaîné l'envie. Voilà pourquoi, afin de le recommander aux Colossiens, il s'appuie sur ce qui les intéresse personnellement. C'est le moyen de conjurer l'envie. « Il ne cesse, d'avoir pour vous », leur dit-il, « une tendre sollicitude ». Et cela, non pas seulement quand il se trouve avec nous ou avec vous; car il n'y a pas chez lui d'ostentation. Il caractérise d'un mot le zèle et l'ardeur d'Epaphras. « C'est une tendre sollicitude ». Puis, pour que son langage ne soit pas suspect de flatterie, il ajoute : « Il a un grand zèle pour vous et pour ceux dé Laodicée et d'Hiérapolis». — «Afin que vous demeuriez fermes et parfaits » . Ce n'est pas là de la flat. terie; c'est le signalement d'un maître respectable. Il faut que vous demeuriez fermes et parfaits, dit-il. En leur accordant l'une de ces deux qualités, il leur refuse l'autre. Il ne dit pas : Afin que vous soyez préservés de toute chute ; mais : « Afin que vous restiez fermes».
Ces salutations font le bonheur de ces hommes qui, salués par leurs amis, se voient rappelés en même temps au souvenir de la cité. « Dites à Archippe de considérer le ministère qu'il a reçu de Dieu ». Il les met par là sous la dépendance absolue d'Archippe. Ils n'ont plus le droit de le critiquer, lorsqu'il les reprend, puisqu'ils lui donnent eux-mêmes plein pouvoir. Il est leur maître, et il n'est pas rationnel que les disciples se permettent de critiquer le maître. C'est donc pour leur fermer la bouche parla suite. qu'il leur écrit. « Dites à Archippe : Prenez garde à votre ministère ». C'est le ton de la menace. Il dit de même : « Gardez-vous des chiens ». ( Philip. 111, 2.) « Prenez garde qu'on ne vous égare prenez garde que cette liberté dont vous jouissez ne soit une occasion de chute pour les faibles». (Colos. II, 8; I Cor. VIII, 9.) Voilà comme il parle toujours, quand il veut inspirer une crainte salutaire. « Prenez garde », dit-il, « au ministère que vous avez reçu de Dieu afin que vous le remplissiez dignement ». Il ne le laisse pas; maître de ses actions. Il disait de même dans son épître aux Corinthiens : « Si je prêche l'Evangile de bon coeur, j'en aurai la récompense ; mais si je ne le fais qu'à regret, je dispense ce qui m'a été confié ». (I Cor. IX, 47.) — « Afin que vous (171) accomplissiez pleinement, toujours avec zèle, tout ce que Dieu demande de vous ». Votre ministère, ce n'est pas de nous, c'est de Dieu même que vous le tenez. Et il les soumet au ministre de Dieu, en disant que c'est de Dieu même qu'il tient son ministère. « Souvenez-vous de mes liens. La grâce soit avec vous ! « Ainsi soit-il ». Il les affranchit de toute crainte. Leur maître a beau être chargé de fers; la grâce vient l'en délivrer. Et c'est encore un effet de la grâce que cet aveu de Paul qui proclame sa captivité. Ecoutez cette parole de saint Luc : « Les apôtres sortaient du conseil, pleins de joie; ils avaient été jugés dignes de souffrir cet outrage pour le nom de Jésus ». C'est qu'il est vraiment honorable d'être, pour le nom de Jésus, abreuvé d'outrages et chargé de fers. N'est-ce pas un bonheur de souffrir pour celui qu'on aime et surtout pour Jésus-Christ?
Cela étant, ne supportons pas avec peine les afflictions pour le Christ, mais souvenons-nous des liens de Paul, et qu'ils nous servent de leçon. Prêchez-vous par exemple la charité au nom du Christ, rappelez-vous les liens de Paul, et déclarez que, vous et vos auditeurs, vous seriez des misérables de refuser du pain aux pauvres,quand Paul s'est laissé charger de liens pour l'amour du Christ. Vous êtes fier de vos bonnes œuvres : souvenez-vous des liens de Paul, et vous verrez combien il est injuste que Paul soit chargé de liens, quand vous nagez dans les délices. Vous soupirez après les plaisirs songez à la prison de Paul: vous êtes son disciple, vous êtes son compagnon d'armes. Est-il rationnel que votre compagnon d'armes soit dans les fers, tandis que vous nageriez dans les plaisirs? Vous êtes dans l'affliction, vous vous croyez abandonné : écoutez les paroles de Paul, et vous verrez que l'affliction n'est pas un signe d'abandon. Vous voulez avoir des robes de soie : souvenez-vous des liens de Paul, et vos robes de soie auront moins de prix à vos yeux que des haillons. Vous voulez que l'or brille sur vos vêtements souvenez-vous des liens de Paul, et cet or vous fera l'effet d'un brin de jonc desséché. Vous voulez orner votre chevelure et paraître belle pensez au dénûment de Paul dans sa prison, et vous serez éblouie par l'éclat des vertus des apôtres, et tous ces ornements mondains vous sembleront hideux, et vous gémirez profondément, et vous envierez à Paul ses liens. Vous prend-il fantaisie de mettre du fard, et de recourir à de semblables moyens pour peindre votre visage? pensez aux larmes de Paul; il a passé trois ans à pleurer, nuit etjour, dans sa prison. Que de pareilles larmes vous servent d'ornement; elles donneront à votre visage un pur éclat. Je ne vous dis pas de pleurer sur les autres, je voudrais qu'il en fût ainsi, mais cette charité est au-dessus de vous. Tout ce que je vous demande, c'est de pleurer sur vos péchés. Vous avez donné l'ordre que votre enfant fût enfermé et vous êtes irritée : souvenez-vous de la prison de Paul, et votre colère s'arrêtera. Souvenez-vous que vous êtes du nombre des victimes, et non des bourreaux; du nombre de ceux dont le coeur est brisé, et non pas de ceux qui brisent le coeur des autres. Votre joie se répand au dehors, et vous poussez de grands éclats de rire : souvenez-vous des larmes de Paul, et vous gémirez; ces larmes-là vous rendront bien plus belle.. Vous avez vu ces hommes qui se livrent au plaisir et qui dansent : souvenez-vous des larmes de Paul. Est-il une source d'où l'eau jaillisse avec autant d'abondance que les larmes de ses yeux? Il dit, ailleurs : « Souvenez-vous de mes larmes » (Act. XX, 31), comme il dit ici : « Souvenez-vous de mes liens ». Et il avait raison de parler ainsi à ces prêtres qu'il faisait venir d'Ephèse à Milet; car il parlait. à des maîtres qu'il voulait rassembler autour de lui. Ici, au contraire, tout ce qu'il demande à ses auditeurs, c'est de savoir traverser les, épreuves.