2.
Car de même que nous demandons notre pain quotidien, de même nous recevons sans cesse des paroles de foi, qui sont pour nous une nourriture perpétuelle. « Nourri », c’est-à-dire, les digérant, les retournant sans cesse, les méditant toujours; car ce n'est pas une les vulgaire. « Eloignez-vous des tables profanes et dignes de vieilles femmes ». Quelles sont ces fables? Les observances judaïques. Il les appelle fables; elles le sont assurément, soit comme ajoutées à la parole de Dieu, soit comme n'étant plus de saison. Ce qui vient en son temps est utile; hors delà ce n'est plus seulement inutile, mais nuisible. Imaginez un homme de plus de vingt ans venant téter sa nourrice, combien ne se rendrait-il pas ridicule? Vous voyez donc dans quel sens l'apôtre dit que ces enseignements sont coupables et dignes de vieilles femmes, parce qu'ils sont d'un autre temps et forment obstacle à la foi. Ramener sous la loi de crainte une âme qui s'est élevée plus haut, c'est un précepte coupable. « Exercez-vous à la piété», c'est-à-dire, à une foi pure, à une vie droite, car c'est en cela que consiste la piété. Nous avons donc besoin de nous y exercer. « L'exercice corporel », continue l'apôtre, « n'a qu'une mince utilité (8) ». Quelques-uns pensent qu'il parle ici du jeûne, mais loin de nous cette pensée ; ce n'est pas là un exercice corporel, mais spirituel. S'il était corporel il nourrirait le corps, s'il le dessèche et l'amaigrit, il n'est pas corporel. Ce n'est donc point des mortifications du corps que parle ici l'apôtre ; nous avons besoin d'exercer notre âme. L'exercice corporel ne produit pas d'avantage réel, mais seulement quelque utilité pour le corps; celui de la piété rend du fruit pour l'avenir, et nous le -recueillons en ce monde et dans le ciel.
« Cette parole est fidèle (9) », c'est-à-dire vraie, pour ce monde et pour l'autre 1. Considérez comment Paul ramène partout cette pensée;. il n'a pas besoin de prouver, mais seulement d'affirmer, parce que c'est à Timothée qu'il s'adresse. Oui, nous vivons ici dans d'heureuses espérances. Celui dont la conscience est sans reproche, qui sans cesse agit avec droiture, se sent heureux, même en ce monde; de même que le méchant est châtié non-seulement dans la vie future, mais dans celle-ci, vivant sans cesse dans la crainte, n'osant regarder personne avec aisance, tremblant, pâlissant, tourmenté. N'est-il pas vrai que les hommes cupides et voleurs ne sont jamais rassurés sur ce qu'ils possèdent ? Que les adultères, les meurtriers mènent une vie fort misérable, n'osant lever les yeux sans inquiétude même sur le soleil ? Est-ce là vivre ? Non certes; c'est une mort douloureuse. « C'est pour cela », dit l'apôtre, « que nous supportons les fatigues et les outrages, parce que nous avons mis notre espérance au Dieu vivant, qui est Sauveur de tous les hommes et surtout des fidèles (40) ». Comme s'il disait Pourquoi nous imposer tant de peines, si nous n'attendons pas les biens futurs ? Pourquoi tous les hommes nous outragent-ils ? Tout ce que nous avons souffert n'est-il pas terrible? Et avons-nous souffert en vain tant d'injures, d'outrages et de maux de toute sorte? Si nous n'avons pas mis notre espérance dans le Dieu vivant, pourquoi les avons-nous supportés? S'il sauve les infidèles en ce monde , combien plus les fidèles dans l'autre? De quel salut veut-il parler? De celui de l'autre vie. — « Qui est le Sauveur de tous les hommes et «surtout des fidèles n, ce qui signifie qu'il leur témoigne un soin plus grand. Il a d'abord parlé de cette vie. Et comment, dira-t-on, Dieu est-il le Sauveur des fidèles? S'il ne l'était pas, il ne les eût pas garantis de leur perte, quand ils sont attaqués de toutes parts. En cette vie il exhorte le fidèle à affronter les dangers, à ne pas se laisser abattre, quand il a un Dieu si bon, à ne pas réclamer une assistance étrangère, mais à tout supporter de bon coeur et avec générosité. Ceux, en effet, qui aspirent aux biens de la vie affrontent les soucis, lorsqu'ils aperçoivent l'espoir d'un gain.
Enfin viendront les derniers temps : « Dans les temps ultérieurs», a dit l'apôtre, « des hommes s'éloigneront de la foi, s'attachant à des esprits d'erreur et aux enseignements des démons, avec l'hypocrisie de ceux qui profèrent des mensonges , qui ont cautérisé leur conscience, prohibent le mariage ». Mais quoi, dira-t-on, ne prohibons-nous pas nous-mêmes le mariage? Non certes, à Dieu ne plaise, nous ne le défendons pas à ceux qui le désirent, mais ceux qui ne le désirent pas, nous les exhortons à la virginité. Autre chose est prohiber, autre chose est laisser maître de son choix : celui qui impose une prohibition le fait d'une manière absolue ; celui qui exhorte à la virginité comme à quelque chose de plus grand ne prohibe point le mariage; il s'en tient au conseil. « Prohibent le mariage, enseignent l'abstinence des aliments que Dieu a créés, pour que les fidèles, qui reconnaissent la vérité , en usent avec actions de grâces ». L'apôtre a bien dit : Qui « reconnaissent » la vérité. L'état ancien n'était qu'une figure : il n'y a pas de viande impure par elle-même; elle ne le devient que par rapport à la conscience de celui qui en use. Pourquoi Dieu a-t-il interdit aux Juifs tant d'aliments? Pour réprimer leur grande sensualité. S'il leur eût dit : Ne faites pas de repas sensuels, ils ne se fussent abstenus de rien; il a donc renfermé cette règle sous l'obligation de la loi, afin de les contenir par une crainte plus grande. Il est évident que le poisson est plus impur que le porc; cependant Dieu ne l'a pas interdit. Pour savoir combien ils étaient en proie à la sensualité, écoutez ce que dit Moïse « Le bien-aimé a mangé, il s'est engraissé, il s'est épaissi, il a regimbé ». (Deut. XXXII, 15.) Il y a aussi une autre cause. Dieu défendait aux Juifs, qui allaient vivre dans un pays resserré, d'user des autres animaux, afin qu'ils fussent contraints de se nourrir de boeufs et d'égorger des brebis, prescription sage à cause d'Apis et du veau ; car Apis était impur, odieux à Dieu, souillé, profane.
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On lit à la fin du verset précédent : La piété est utile à tout, elle contient la promesse de la vie présente et de la vie future. ↩