4.
Telle est la vertu du Christ : une chaîne de fer triomphait de la couronne impériale; un captif, d'un César. Paul, comme un prisonnier, ne portait que des haillons; et ces haillons, avec les fers du prisonnier, attiraient plus les regards que la pourpre. Il était par terre et le front dans la poussière , et néanmoins les yeux des hommes se détournaient du char d'or de l'empereur pour s'arrêter sur lui, et c'était naturel. Car c'était une chose ordinaire de voir l'empereur conduit par un attelage blanc; mais ce qui était nouveau et étrange, c'était de voir un prisonnier parler à l'empereur avec autant de hardiesse et de liberté que l'empereur en mettrait à parler à un vil et misérable esclave. Une foule nombreuse était présente , toute composée des esclaves de Néron. Ils admiraient, non leur prince, mais son vainqueur. Celui que tous ensemble redoutaient, saint Paul seul le foulait aux pieds. Voyez quelle splendeur dans les fers. Que dirons-nous encore? Le tombeau du prince n'est pas même connu; et l'apôtre, effaçant en éclat tous les empereurs, repose dans la ville capitale du monde, là on il a remporté la victoire et dressé son trophée. On ne parle de celui-là que pour le mépriser, même parmi les païens, car c'était un impie; la mémoire de celui-ci est partout accompagnée de bénédictions, même chez nos ennemis. Lorsque la vérité brille, les ennemis mêmes n'ont pas l'impudence de la repousser. S'ils n'admirent pas la foi de saint Paul, ils admirent sa franchise et sa hardiesse. Celui-ci vole tous les jours de bouche en bouche, couronné d'une renommée glorieuse; celui-là ne reçoit partout qu'injures et mépris. De quel côté donc se trouve la gloire ?
Mais, à mon insu, je n'ai loué du lion que son ongle, au lieu de dire le plus important. Quel est le plus important? Le bonheur du ciel ; la splendeur dont Paul sera revêtu lorsqu'il viendra avec le Roi des cieux, et d'un autre côté l'abaissement de Néron, son état misérable. Si je vous semble dire des choses incroyables et ridicules, vous vous rendez ridicules vous-mêmes, vous qui riez de choses nullement risibles. Si vous ne croyez pas à la vie à venir, croyez-y du moins par la considération des choses passées. Le temps des couronnes n'est pas encore venu, et cependant voyez l'honneur dont jouit déjà le vaillant athlète du Christ ; de quel honneur donc jouira-t-il lorsque viendra l'Agonothète avec toutes ses couronnes. S'il est ainsi admiré, lui étranger parmi des étrangers, quel sera donc son bonheur quand il sera parmi les siens? « Maintenant notre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu » (Colos. III, 3), et cependant l'apôtre, quoique mort, est plus puissant que les vivants, plus honoré. Lors donc que le (371) grand jour de la vie sera venu, de quelle abondance de vie et de bonheur ne jouira-t-il pas? C'est pour cela que Dieu le fait jouir de tant d'honneurs qu'il ne demandait pas. S'il a méprisé la gloire du monde lorsqu'il était dans son corps, combien plus doit-il la mépriser maintenant qu'il en est délivré? Dieu l'a encore comblé de toute cette gloire afin que ceux qui n'ont pas foi dans l'avenir se laissent du moins conduire par le spectacle du présent. Je dis que saint Paul viendra avec le Roi des cieux au jour de la résurrection, et qu'il jouira de tous les biens de la vie glorieuse. Mais l'incrédule refuse de me croire , alors j'attire son attention sur le présent pour forcer sa croyance.
Le faiseur de tentes est plus glorieux, plus honoré que l'empereur. Jamais souverain de Rome n'a joui d'autant d'honneurs que l'ouvrier en cuirs. L'empereur Néron gît dans quelque lieu ignoré où il a été jeté au hasard, et l'apôtre Paul occupe le centre de Rome, il en est le maître et le roi. En voyant cela, croyez donc aussi à l'avenir. S'il reçoit maintenant tant d'honneurs là même où il fut maltraité, persécuté, que sera-ce lorsqu'il viendra avec Jésus-Christ? S'il a acquis tant de gloire, quoiqu'il ne fût qu'un simple faiseur de tentes, que sera-ce quand il viendra revêtu de toutes les splendeurs célestes? S'il est parvenu à tant de grandeur, parti de tant de bassesse, où ne montera-t-il point dans le séjour de la gloire? Peut-on éviter de voir les faits? Qui ne serait ému de voir un faiseur de tentes environné de plus d'honneurs que les plus grands monarques de la terre? Si dès ici-bas nous voyons des choses qui surpassent la nature, pourquoi n'en serait-il pas de même dans l'avenir? Crois donc le présent, ô homme, si tu ne veux pas croire l'avenir; crois les choses visibles, si tu refuses de croire les invisibles. Ajoute foi à ce que tu vois, et de la sorte tu ajouteras foi à ce que tu ne vois pas encore. Si tu t'obstines dans ton incrédulité, ce sera le cas de te dire le mot de l'apôtre.: « Nous sommes purs du sang de vous tous ». (Act. XX, 26.) Nous avons rendu témoignage de toute manière, nous n'avons rien omis de ce que nous devions dire, et vous ne pourrez imputer qu'à vous-mêmes le supplice de l'enfer qui vous attend.
Pour nous, mes chers enfants, imitons saint Paul, non-seulement dans sa foi, mais encore dans sa vie. Pour obtenir la gloire du ciel, foulons aux pieds la gloire de ce monde. Qu'aucune des choses présentes ne nous attache. Méprisons les biens visibles pour obtenir les invisibles; ou plutôt obtenons-les tous en acquérant ces derniers, auxquels principalement nous devons tendre. Puissions-nous tous en être jugés dignes. Ainsi soit-il.