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Tite était l'un des plus distingués des compagnons de saint Paul ; s'il n'en avait pas été ainsi, l'apôtre ne lui aurait pas confié une île tout entière; il ne lui aurait pas prescrit de mettre en bon ordre les choses qui restaient à, régler, car il dit: « Afin que tu mettes en bon ordre ce qui reste » ; il n'aurait pas soumis à son jugement tant d'évêques, s'il n'avait pas eu en lui la plus grande confiance. On dit que c'était un jeune homme, parce que saint Paul l'appelle son fils, mais la raison n'est pas convaincante. Je crois que c'est de lui qu'il est fait mention dans les Actes des apôtres. Il était probablement de Corinthe, à moins qu'il n'y en ait eu un antre du même nom. De plus l'apôtre appelle à lui Zénas et il désire qu'Apollon lui soit envoyé, et non celui-ci; car il témoignait qu'ils auraient plus de courage en présence de l'empereur. Il me semble que saint Paul était en liberté, lorsqu'il écrivit cette épître. Car il ne parle pas de ses persécutions, et sans cesse il revient sur la grâce de Dieu; on peut le voir à la fin comme au commencement,'et c'est là une exhortation à la vertu toute-puissante sur l'esprit de ceux qui croient. N'était-ce pas un grand encouragement pour eux, que de savoir ce qu'ils méritaient, à quel état ils avaient été élevés par grâce, à quelle dignité ils étaient appelés? Il s'élève aussi contre les juifs; et s'il s'emporte (406) contre la nation tout entière, ne vous en étonnez point. Il ne s'y prend pas autrement, lorsqu'il s'agit des Galates. Ne s'écrie-t-il pas « O Galates insensés ! » Ce ne sont point là les paroles d'une haine injurieuse , mais celles d'un amour ardent. S'il avait agi ainsi dans son intérêt,. il serait justement blâmable, mais si c'est par ardeur et par zèle pour la prédication, il n'y a point d'injure. Le Christ lui-même a fait mille reproches aux scribes et aux pharisiens, mais était-ce par un motif intéressé non, c'est parce qu'ils perdaient tous les autres. — L'épître est courte, et ce n'est pas sans raison. Par là un hommage est rendu à la. vertu de Tite qui nous est représenté comme n'ayant pas besoin de longs discours, mais d'un simple avertissement. Il me semble qu'elle a été écrite avant l'épître à Timothée il a fait celle-ci vers la fin de sa vie, lorsqu'il était dans les fers; mais au moment où il a composé l'épître à Tite il n'était ni emprisonné, ni enchaîné, car ces mots : « J'ai résolu de passer l'hiver à Nicopolis », prouvent qu'il n'était pas encore dans les liens; dans son épître à Timothée au contraire il dit souvent qu'il est enchaîné.
Que dit-il donc? «.Paul, serviteur de Dieu et apôtre de Jésus-Christ, selon la foi des élus de Dieu ». Voyez-vous comme il se sert indifféremment de ces expressions? il s'appelle tantôt serviteur de Dieu et apôtre de Jésus-Christ, tantôt serviteur de Jésus-Christ: «Paul, serviteur de Jésus-Christ ». Ainsi il n'établit aucune différence entre le Père et le Fils. « Selon la foi des élus de Dieu ». Veut-il dire qu'il avait la foi, ou .qu'on avait foi en lui ? Je crois qu'il veut dire que les élus lui ont été confiés; comme s'il disait: Je ne dois pas ma dignité à mes mérites, à mes fatigues et à mes sueurs, mais je dois tout à la bonté de Dieu, qui a mis en moi sa confiance. Ensuite, pour qu'on n'aille pas croire que la grâce se communique sans raison , puisqu'il faut que l'homme y corresponde, et que ce n'était pas sans raison que Paul avait été préféré à d'autres, il ajoute : « Et la connaissance de la vérité qui est selon la piété ». C'est parce qu'il avait cette connaissance de la, vérité que les élus lui ont été confiés. Mais alors ils lui ont été confiés à bien plus forte raison par la grâce de Dieu, puisque c'est Dieu qui lui a donné cette connaissance. Aussi écoutez Jésus-Christ lui-même: « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis ». (Jean, XV, 16.) De même le bienheureux apôtre saint Paul dit dans un autre endroit : « Je connaîtrai selon que j'ai été aussi connu » ( I Cor. XIII, 12) ; et ailleurs : « Si je puis comprendre de même que j'ai été compris par « Jésus-Christ ». (Philip. III, 12.) Ainsi, d'abord nous sommes compris, ensuite `nous connaissons ; d'abord nous sommes connus, et ensuite nous comprenons ; d'abord nous sommes appelés, et- ensuite nous obéissons. Lorsqu'il dit: « Selon la foi », il fait entendre qu'il n'est rien que par les élus. C'est comme s'il disait: C'est pour eux que je suis apôtre, je ne le suis pas pour mes mérites, mais pour l'intérêt des élus. C'est ce qu'il dit ailleurs: « Toutes choses sont à vous, soit Paul, soit Apollon ». (1 Cor. III, 22.)
« Et la connaissance de la. vérité qui est selon la piété». Il y a en effet une connaissance vraie des choses qui n'est pas selon la piété. Ainsi connaître l'agriculture, connaître les arts, c'est bien véritablement connaître mais la connaissance dont il parle, c'est celle qui est selon la piété. « Selon la foi » peut encore avoir été écrit parce qu'ils ont eu la foi comme les autres élus et qu'ils ont connu la vérité: c'est de la foi que vient la connaissance et non des raisonnements. « Sous l'espérance de la vie éternelle ». Il a dit que la vie présente est toute dans la grâce de Dieu; il parle maintenant de la vie future, et il met devant nos yeux les récompenses qui nous sont destinées pour les bienfaits que nous avons reçus. Car Dieu veut nous couronner parce que nous avons cru en lui et qu'il nous a dégagés de l'erreur. Vous voyez comme le début de l'épître est rempli de la pensée des bienfaits de Dieu; toute la suite ressemble à ce commencement, et elle encourage le juste Tite et ses disciples à supporter les peines. Il n'y a rien en effet de plus utile que de se rappeler sans cesse les bienfaits gîte Dieu répand soit sur tous les hommes, soit sur chacun dé nous. Car si notre zèle s'enflamme, lorsque nous recevons un bienfait d'un ami, ou qu'on nous adresse soit une bonne parole, soit un geste bienveillant, combien plus grande ne doit pas être notre ardeur à obéir, lorsque nous voyons à quels dangers nous avons été exposés, et comment Dieu nous en a toujours délivrés. « Et la connaissance de la vérité ». Ici il dit « la vérité » par opposition à la figure. Car (407) auparavant il y avait bien une connaissance, il y avait bien une piété, seulement elle ne consistait pas dans la vérité, encore moins dans le mensonge, mais dans les images et dans les figures. Il dit très-bien: « Sous l'espérance de la vie éternelle » , parce que l'autre connaissance était pour l'espérance de la vie présente. « Car l'homme qui fera ces choses vivra par elles ». (Rom. X, 5.) Voyez-vous comme dès le début il donne la mesure de la grâce ? Ceux-là ne sont pas les élus, c'est nous qui le sommes ; et bien qu'autrefois ils aient été appelés les élus, ils ne le sont plus.
« Que Dieu qui ne peut mentir avait promise avant tous les temps », c'est-à-dire, Dieu ne l'a point promise en changeant sa première pensée, mais il a fait cette promesse dès le principe. C'est ce que l'apôtre a exprimé en beaucoup de passages, comme lorsqu'il dit: « J'ai été mis à part pour annoncer l'Évangile « de Dieu», et ailleurs : «Et ceux qu'il a appelés et ceux qu'il a prédestinés» ; il montre par là notre dignité, puisque ce n'est pas d'aujourd'hui que Dieu nous aime, mais qu'il nous a aimés auparavant, et il ne faut pas compter pour peu qu'il nous ait aimés auparavant et dès le principe.