3.
Voyez comme il demande pour le maître les mêmes grâces que pour les disciples et la foule des fidèles. C'est qu'il a besoin des mêmes prières, et même il en a plus besoin que les, autres, parce qu'il a un plus grand nombre d'ennemis, parce qu'il lui est plus difficile d'éviter la colère de Dieu. Car plus grande est la dignité de celui qui, est chargé du saint ministère et plus grands sont ses dangers. Il suffit souvent d'une seule grande oeuvre apostolique pour l'élever au ciel, comme aussi d'une seule faute pour le précipiter dans l'enfer. En effet, pour passer sous silence ce qui survient tous les jours, si par amitié ou par quelqu'autre motif, il lui arrive d'élever un indigne à l'épiscopat et de lui confier le gouvernement des âmes dans une grande ville, voyez comme il s'expose aux flammes de l'enfer. Il ne sera pas puni seulement pour toutes les âmes qui périssent, parce que celui qu'il a ordonné manque de piété, mais, encore pour toutes les actions de l'évêque indigne. Celui qui dans l'ordre laïque n'était pas religieux, le sera encore., bien moins, lorsqu'un tel homme aura le gouvernement des âmes; pour celui qui était pieux auparavant, il lui sera difficile de rester tel sous un indigne pasteur. Car la vaine gloire, l'amour des richesses, l'arrogance ont plus de puissance lorsqu'ils s'autorisent des vices de l'évêque, et de même pour les offenses, les outrages, les insultes et mille autres péchés. Si donc quelqu'un n'est pas (409) religieux, il le deviendra moins encore dans ces circonstances. Ainsi, lorsqu'on établit un tel homme prince de l'Église, on se rend responsable de toutes ses fautes et de toutes celles de la multitude qui lui est Gonflée. Si quelqu'un scandalise une seule âme, il lui vaudrait mieux qu'on lui pendît une meule d'âne au cou et qu'on le jetât au fond de la mer. Que ne souffrira donc pas celui qui scandalise tant d'âmes, des cités, des peuples entiers, des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants, de citadins, de laboureurs, ceux qui sont dans sa ville, ceux qui lui sont soumis dans d'autres villes? Si vous dites que sa peine sera triplée, vous ne dites rien, tant sera grand son supplice et son châtiment. L'évêque a donc le plus grand besoin de la grâce et de la paix qui viennent de Dieu; s'il gouverne la ville sans ce secours, tout est,en ruine, tout est perdu, car il n'a pas de gouvernail. Quand il serait habile dans l'art de gouverner, s'il n'a pas ce gouvernail, je veux dire la grâce et la paix qui viennent de Dieu, navires et navigateurs seront submergés.
Aussi, je m'étonne lorsque j'en vois qui désirent un tel fardeau. Homme malheureux, homme infortuné, ne vois-tu donc pas ce que tu désires? Si tu vivais pour toi seul d'une vie inconnue et sans gloire, quand tu commettrais mille péchés, au moins tu n'aurais à rendre compte que d'une seule âme. Voilà à quoi se réduirait ta responsabilité. Mais que tu viennes à obtenir une telle dignité, vois de combien d'âmes tu es responsable au jour du châtiment) Écoute saint Paul: «Obéissez», dit-il, « à vos conducteurs et soyez-leur soumis, car ils veillent sur vos âmes, comme devant en rendre compte ». (Hébr. XIII, 17.) Et cependant tu désires la dignité du commandement. Quel plaisir trouveras-tu donc dans cette dignité? Je n'en vois pas, car personne dans cette dignité n'est véritablement maître. Comment cela? C'est qu'il est remis à la liberté de ceux qu'on commande, d'obéir ou de désobéir, et s'il veut voir au fond des choses, celui qui a cette ambition, bien loin de marcher vers le commandement, sera l'esclave de mille maîtres, tous opposés dans leurs désirs comme dans leurs paroles. Ce qui est loué par l'un est blâmé par l'autre; ce qui est critiqué par celui-ci, est admiré par celui-là. Qui faut-il écouter? à qui obéir? il est impossible de le voir. L'esclave acheté à prix d'argent s'irrite lorsque son maître lui donne un ordre qui le contrarie, mais toi, lorsque tant de maîtres te donneront les ordres les plus contraires, si tu le supportes avec peine, pour cela même tu seras puni et tu déchaîneras toutes les langues contre toi. Est-ce là, je t'en prie, est-ce là une dignité? est-ce là un commandement? est-ce là un pouvoir?