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Mais pourquoi le son de la trompette? C'était l'occasion nécessaire, puisqu'elle retentit d'habitude pour annoncer un roi. Elle doit se faire entendre encore, bien certainement,, au second avènement du Seigneur. Nous serons tous, dit l'apôtre, réveillés par la trompette, de sorte que la puissance de Dieu produira cette résurrection générale. Au reste, ce son de la trompette ne signifie qu'un fait; c'est que tous, nous devrons ressusciter. Mais, en Israël, tout était réellement tableaux et voix; tandis que dans l'avenir qui devait suivre, tout est pour l'intelligence seule, tout invisible. — Le feu n'avait non plus d'autre sens, sinon que Dieu même est un feu. Car, dit l'apôtre, « notre Dieu est un feu dévorant ». — La nuée sombre, les ténèbres, la fumée, montrent aussi qu'il s'agit d'une loi redoutable; c'est dans la même pensée qu'Isaïe a dit : « Le temple fut rempli de fumée ». — Pourquoi la tempête du Sinaï? Pour montrer la paresse et la lâcheté du genre humain. Il lui fallait de ces coups de tonnerre pour le réveiller; aussi, ne se trouvait-il aucun homme assez stupide, assez alourdi, pour ne pas relever son âme vers les idées. célestes, à l'heure où se produisaient ces faits terribles, alors que Dieu portait sa loi. — Enfin, Moïse parlait, et, Dieu lui répondait. Il fallait, en effet, que cette, voix de Dieu se fit entendre; voulant présenter, sa loi par l’organe de Moïse, il devait d'abord montrer ce Prophète comme digne de foi. D'ailleurs, on n'apercevait point Moïse à cause de cette sombre nuée; on ne pouvait non plus l'entendre à cause. de la faiblesse de sa voix. Que restait-il donc, sinon que Dieu parlât lui-même, que sa voix s'adressât au peuple et fit écouter ses lois divines ?
Mais rappelons-nous notre premier texte : « Car , vous ne vous êtes point approchés d'une montagne sensible, d'un feu ardent, du son de la trompette, et de cette voix que ceux qui l'entendirent s'excusèrent d'entendre, ne voulant plus qu'elle prononçât un mot ». Les Israélites furent donc cause que Dieu se montra dans notre chair. Car,.que disaient-ils ? « Que Moïse nous parle, et que Dieu cesse de nous parler ».
Les orateurs qui procèdent par comparaisons, rabaissent plus que de droit les sujets étrangers, pour montrer que le leur est bien plus grand. Je me plais à croire au contraire,que ces faits de l'Ancien Testament sont admirables, puisqu'ils sont les oeuvres de Dieu et les démonstrations de sa puissance; et cependant je démontre que notre histoire, à nous, présente plus et mieux à notre admiration. Nos mystères sont doublement grands, puisqu'ils sont plus glorieux et plus nobles, et toutefois d'un accès bien plus facile. C'est ce que saint Paul écrit aux Corinthiens : « Nous voyons, nous, à face découverte, la gloire du Seigneur»; tandis que Moïse couvrait son visage d'un voile. Ainsi, dit l'apôtre, nos pères n'ont pas été honorés à l'égal de nous. Car, quel honneur leur fut accordé? Celui de voir ces ténèbres et cette nuée, et d'entendre la voix divine. Vous l'avez entendue, vous aussi, cette voix, non pas à travers la nue, mais par l'organe d'un Dieu fait chair. Loin d'être troublés et bouleversés alors, vous êtes restés de. bout devant sa face, vous avez conversé avec votre médiateur.
D'ailleurs, par les ténèbres du Sinaï, l'Écriture nous montre quelque chose de tout à fait invisible : « Une noire nuée », dit-elle, « était sous ses pieds ». Alors Moïse même tremblait; main. tenant, il n'est personne qui tremble. Alors, le peuple se tint au bas de la montagne; mais nous, loin de rester en bas, :nous montons au-delà des cieux, nous approchons de Dieu même, à titre d'enfants, mais non pas comme Moïse. — Là, on ne voit que désert; chez nous, c'est la cité, c'est l'assemblée de milliers d'anges; c'est la joie et l'allégresse qu'on nous montre, au lieu de ces nuages, de ces ténèbres, de cette tempête; c'est « l'Église des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux; c'est Dieu, juge de tous les hommes». Là n'approchèrent jamais les Israélites; ils se tinrent bien loin en arrière, Moïse comme les autres: vous, au contraire, vous vous êtes approchés. — Toutefois, l'apôtre leur imprime la crainte, en ajoutant : Vous voici aux pieds du Dieu; juge de tous les hommes,, de celui dont le tribunal s'élève, non-seulement pour les juifs et pour, les fidèles,.Mais pour le monde entier. «Les esprits des justes parfaits » désignent ici les âmes de tous les bons. — « Jésus, médiateur du. Nouveau Testament, et l'aspersion de son sang », rappellent notre justification du péché: — « De ce sang qui parle mieux que celui d'Abel ». Si le sang même peut parler, à plus forte raison peut et doit vivre votre Sauveur mis à mort autrefois. (589) Mais quel est son langage? L'Esprit, répond saint Paul, «l'Esprit parle par des gémissements ineffables ». (Rom. VIII, 26.) Comment donc s'ex prime-t-il? C'est qu'en descendant au fond d'un coeur sincère, il le réveille, et lui prête même une voix.
« Gardez-vous de refuser d'entendre ce langage », c'est-à-dire, ne le repoussez jamais. « Car, si ceux qui ont méprisé celui qui leur parlait sur la terre... » De qui parle ici saint Paul? Il semble désigner Moïse, et faire ce raisonnement : Si ceux qui ont méprisé un législateur terrestre, n'ont pu échapper au châtiment, comment nous soustraire nous-mêmes à celui qui, du haut du ciel, nous impose ses lois? Toutefois, il n'enseigne pas, Dieu nous garde de le croire ! que ces législateurs soient différents ; il ne nous en montre pas deux dans ce texte, mais seulement que l'un apparaît terrible, quand sa voix tombe des hauteurs célestes. Au fond, c'est le même, pour Israël et pour nous; mais, chez les Juifs, il est avant tout redoutable. L'apôtre nous montre donc la différence, non pas de donateur, mais seulement de donation. Et quelle est la preuve de ce fait? C'est la suite même des paroles apostoliques. Car, dit-il, si pour avoir refusé d'entendre celui qui leur parlait sur la terre, ils n'ont pas échappé au châtiment, bien moins éviterons-nous celui qui nous parle du haut du ciel. Mais quoi? Celui-ci est-il donc autre que le premier? Non, car autrement, comment l'apôtre dirait-il que la « voix » du premier « ébranlait alors la terre même? » Et de fait, la voix du législateur antique ébranla la terre.
« Et c'est lui qui a fait pour le temps où nous sommes une nouvelle promesse , en disant : « J'ébranlerai encore une fois, non-seulement la terre, mais aussi le ciel ». Or, en disant : « En« tore une fois », il déclare qu'il fera cesser les choses muables, comme étant faites pour un temps. Ainsi tout le rite antique devra disparaître de la scène , et se transformer en une loi meilleure par l'œuvre d'en-haut. C'est ce que le texte donne à comprendre ici. Pourquoi donc, ô fidèle, te désoler de souffrir sur celle terre non permanente, et d'être affligé dans un monde qui passe si vite? Si les derniers jours de ce monde devaient être ceux de la paix et du bonheur, on concevrait qu'à la vue de cette fin heureuse, on fût affligé et impatient. — « Afin », dit saint Paul, « que les choses immuables demeurent seules enfin ». Quelles sont ces choses immuables? Celles de l'avenir éternel.