1.
Ecoutons avec crainte la parole de Dieu ; écoutons-la avec crainte et avec une crainte profonde. « Servez Dieu avec crainte », dit le Psalmiste, « et réjouissez-vous devant lui avec terreur ». (Ps. II, 11.) Or, si notre joie et notre allégresse doivent être mêlées de terreur, que sera-ce donc quand nous entendrons des paroles, comme celles de ce chapitre, et quel châtiment ne méritons-nous pas si nous écoutons ces paroles sans émotion ? Après avoir dit que l'homme devenu pécheur après le baptême, ne peut en recevoir un second et obtenir, par ce second baptême, la,rémission de ses péchés, l'apôtre ajoute aussitôt : « Lorsqu'une terre, souvent arrosée par la pluie produit des herbages utiles à ceux qui la cultivent; elle reçoit la bénédiction de Dieu. Mais, quand elle ne jette que des épines et des ronces, c'est une terre réprouvée qui est menacée de la malédiction du Seigneur, et à laquelle il finit par mettre le feu »: Tremblez donc, ô mes chers frères. Ces paroles menaçantes ne. sont ni celles de saint Paul, ni celles d'un homme; ce sont celles de l'Esprit-Saint, ce sont celles du Christ qui emprunte la voix de l'apôtre., Où trouver ces âmes qui ressemblent à des champs sans épines? Quand nous serions tout à fait purs, il ne faudrait pas encore avoir, trop de confiance. Nous devrions toujours craindre, nous devrions toujours trembler de sentir les épines germer dans nos âmes. Mais, quand nous sommes au dedans tout hérissés d'épines, et de ronces, d'où nous vient tant de confiance, je vous le demande ? Pourquoi tant de paresse et tant de lenteur? Quand on est debout, on doit craindre de tomber. « Que celui qui est debout prenne garde de tomber, dit saint Paul ». (I Cor. X, 12.) A plus forte raison, quand on est tombé, on doit avoir peur de ne plus pouvoir se relever. Si Paul, ce prédicateur de la foi, cet homme juste craint d'être réprouvé (I Cor. IX, 27); nous qui sommes- des réprouvés en effet, quel pardon pouvons-nous attendre, quand nous né craignons pas Dieu, quand nous remplissons nos devoirs de chrétiens par routine et à la légère ? Tremblons donc, ô mes chers frères « car Dieu manifeste sa colère du haut des cieux ». (Rom. I, 18.) Cette colère éclate non-seulement contre l'impiété, mais contre toute iniquité grande et petite.
Puis saint Paul fait allusion à la bonté de Dieu et à sa clémence. Cette pluie dont il nous-parle, c'est la doctrine céleste. Par ce seul mot , il rappelle ce, qu'il a dit plus haut : « Vous devriez déjà être des maîtres ». Dans maints passages de l'Ecriture on rencontre cette comparaison de la doctrine céleste avec une pluie féconde. « J'ordonnerai aux nuages », dit le Seigneur, « de ne pas laisser tomber la pluie sur cette vigne ». (Isaïe, V, 6.) (497) Ailleurs l'amour de la doctrine chrétienne est comparé à la faim et à la soif. (Amos, LV, 11 .) Et dans un autre endroit, il est dit encore : « Le fleuve de Dieu coule à pleins bords ». (Ps. LXIV, 10.) Ces mots « une terre souvent arrosée par la pluie », montrent que les Hébreux ont entendu la parole de Dieu, mais que cette parole a arrosé leurs âmes sans les féconder. Paul semble dire à ses auditeurs: Si vos âmes n'avaient pas été cultivées et arrosées, votre malheur ne serait pas si grand. « Si je n'étais pas venu », est-il dit, « si je ne leur avais pas parlé, il n'y aurait pas eu péché de leur part ». (Jean, XV, 22.) Mais, puisque vous avez reçu en abondance la parole de Dieu, pourquoi ces mauvaises herbes qui ont remplacé les fruits? « J'attendais des raisins et je trouve des épines ». (lsaïe, VI, 2.) Vous voyez que dans l'Ecriture, les épines représentent toujours les péchés : « Je me suis tourné et retourné dans mon malheur, et les épines se sont enfoncées dans ma chair ». (Ps. XXXI, 4.) C'est que l'épine n'entre pas seulement dans l'âme, elle s'y enfonce. C'est qu'il en est du péché comme de l'épine ; si nous ne l'arrachons en, entier de notre âme, le peu qui reste, nous fait souffrir. Que dis-je ? le péché une fois arraché tout entier de notre âme, y laisse de douloureuses cicatrices. Il faut bien des remèdes, il faut un traitement assidu pour opérer la guérison pleine et entière de cette âme blessée et endolorie par le péché. Il ne suffit pas d'extirper le péché, il faut panser. et soigner la plaie qu'il a faite. Mais j'ai bien peur que plus encore que les juifs, nous ne devions nous appliquer les paroles de l'apôtre: « Une terre souvent arrosée ». Cette parole de Dieu en effet descend sur nous sans cesse, elle imprègne sans cesse nos âmes. Mais, au premier rayon de soleil, toute cette pluie s'évapore, et voilà pourquoi nous ne produisons que des épines. Ces épines quelles sont-elles? Ecoutons-le Christ; il nous dira que ce sont les préoccupations mondaines et les trompeuses richesses de cette terre qui étouffent la doctrine de Dieu et qui la rendent stérile. (Luc, VIII, 14.) Notre âme, sans cela, serait « une terre fréquemment arrosée et produisant des plantes utiles ».