1.
L'apôtre avait commencé par remuer fortement, par effrayer saintement, ses chers Hébreux. Maintenant il leur donne une double consolation la louange d'abord, et bientôt, ce qui est plus encourageant encore, l'assurance certaine de posséder un jour ces biens qui font l'objet de leur espérance. Et cette consolation il la tire non du présent, mais encore une fois du passé : ce qui était plus persuasif pour eux. De même que pour les effrayer davantage, il leur a fait envisager le châtiment à venir, de même, pour mieux les consoler maintenant, il leur fait entrevoir les récompenses futures. Il montre aussi que la conduite ordinaire de Dieu est non pas de réaliser sur-le-champ ses promesses, mais de les ajourner au contraire longtemps. Et ce plan divin révèle deux intentions : Dieu veut d'abord nous donner ainsi une preuve dé sa grande puissance, puis nous exciter à la confiance en lui, afin que vivant au sein des tribulations sans recevoir encore les récompenses promises, nous soyons engagés à ne point défaillir à la peine. Oubliant tous les autres modèles en ce genre, bien qu'il en ait beaucoup, saint Paul met en scène Abraham , tant à cause de la dignité de ce grand homme, que parce que, plus que personne, il a ici donné l'exemple. Il avoue, cependant, à la fin de son épître, que tous les élus de l'Ancien Testament dont il rappelle la mémoire, après avoir contemplé et embrassé de loin tes promesses, ne les ont pas reçues toutefois; Dieu n'ayant pas voulu qu'ils fussent couronnés sans nous.
«Car Dieu, dans la promesse qu'il fit à Abraham, n'ayant point de plus grand que lui-même par qui il pût jurer, jura par lui-même, et lui dit ensuite : Soyez assuré que je vous comblerai de mes bénédictions et que je multiplierai votre race à l'infini ; et ayant ainsi attendu avec patience, il a obtenu l'effet de ses promesses (13-15) ». Comment donc l'apôtre, à latin de cette épître , avance-t:-il qu'Abraham même ne reçut point l'accomplissement des promesses, tandis qu'ici, selon lui, sa longue patience lui en obtint l'effet? En quel sens n'a-t-il pas reçu? En quel sens a-t-il obtenu? — C'est qu'il ne s'agit pas des mêmes promesses et récompenses dans les deux passages. Abraham a été, lui, doublement couronné. Des promesses lui ont été faites. Les premières, celles dont il s'agit ici, se réalisèrent dans sa vie après un long délai, mais non pas les secondes; celles-ci regardent un autre avenir; dans les deux cas, au reste, sa longue patience lui en valut l'accomplissement. Voyez-vous que la promesse à elle seule n'a pas tout fait, mais qu'il fallut encore une longue patience? Cette réflexion de l'apôtre est faite pour inspirer aux Hébreux la terreur, en leur apprenant que souvent la promesse se brise contre une honteuse pusillanimité. Et il. le prouve par l'histoire de son peuple. C'est par le fait de leur étroitesse de coeur que les Israélites n'ont pas atteint le but de la promesse; Abraham lai sert à montrer tout l'opposé. Quant aux paroles qui terminent son écrit, elles nous apprennent que ceux mêmes dont la longue patience n'a pas été couronnée par le succès, ne se sont pas pour cela découragés.
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« Les hommes jurent par un plus grand qu'eux-mêmes, et le serment à leurs yeux doit clore tout débat important. Or, Dieu ne pouvant jurer par un plus grand que lui a juré par lui-même (16) ». C'est vrai. Mais qui est celui qui fit à Abraham ce serment? N'est-ce pas le Fils? Non, dites-vous. — Et pourquoi dites-vous non ? — C'est bien certainement lui; mais je ne dispute pas. Car, lorsqu'il se sert lui-même de cette formule de serment: « En vérité, en vérité, je vous le dis », n'est-ce pas, de fait, parce qu'il n'a pas non plus de supérieur par qui il puisse jurer? En effet, aussi bien que le Père, le Fils jure par lui-même, quand il s'exprime ainsi : « Eu vérité, en vérité, je vous le a dis». L'apôtre rappelle aux Hébreux les formules de serment dont le Christ usait si fréquemment : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi ne mourra point éternellement ». Mais que veut dire ceci : « Le serment clôt et confirme toute controverse ?» — Comprenez que le serment, dans toute discussion, fait évanouir les doutes; et entendez-le, non de telle ou telle discussion, mais de toutes en général. Cependant, même sans ajouter de serment , Dieu doit avoir toute notre foi.
« C'est pourquoi Dieu voulant faire voir avec plus de certitude aux héritiers de la promesse, la fermeté immuable de sa résolution, a employé le serment (17) ». Ces «héritiers » comprennent aussi les chrétiens fidèles, et c'est pourquoi l'apôtre rappelle cette promesse faite à toute la communauté des croyants. Il a, dit-il, employé le moyen du serment. Ce serment qui sert de moyen terme, nous rappelle que le Fils a été intercesseur entre Dieu et nous. « Afin qu'étant appuyés sur ces deux choses inébranlables par lesquelles il est impossible que Dieu nous trompe... (18) ». Quelles sont ces deux choses? Sa parole et la promesse d'une part, et de l'autre le serment qu'il ajoute à sa promesse. Car, comme chez les humains, le serment paraît plus croyable que la simple affirmation, il a bien voulu le donner par surcroît.