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« Si donc la perfection était l'oeuvre du sacerdoce lévitique », dit l'apôtre, etc. Après avoir parlé de Melchisédech, et avoir montré qu'elle était sa prééminence sur Abraham, après avoir ainsi établi une grande différence, il continue à prouver la distance qui sépare les deux Testaments, dont l'un était imparfait, tandis que l'autre est la perfection même. Toutefois, il ne va pas au coeur même de son sujet; il ne raisonne et ne combat d'abord. que par la comparaison du sacerdoce et dé l'alliance; car pour les incrédules d'alois ces preuves étaient plus saisissables, puisque la démonstration allait porter sur le dépôt même qu'ils avaient reçu.
Il a donc montré que Lévi et Abraham restent bien en arrière de Melchisédech, lequel, même de leur aveu, a eu rang parmi les prêtres. Il part maintenant d'une autre preuve; et d'où? Du sacerdoce chrétien comparé à celui des juifs. Et voyez; je vous prie, son incomparable habileté! La raison même qui, selon toute vraisemblance, devait exclure du sacerdoce Melchisédech qui n'était pas de la race d'Aaron, lui sert au contraire à l'y maintenir et à détrôner les autres. Et pour arriver à cette conclusion, il se pose à lui-même un doute : Pourquoi n'est-il pas dit (prêtre) selon l'ordre d'Aaron? Et voici la solution qu'il donne: Et moi aussi, je me demande pourquoi il n'a pas été selon l'ordre d'Aaron; car c'est ainsi qu'il faut entendre ce qu'il dit : « Si donc la perfection eût été l'oeuvre du sacerdoce lévitique, etc. », et cette parole encore: «Pourquoi dès lors a-t-il été nécessaire», etc., phrase extrêmement significative. En effet, si Jésus-Christ était venu d'abord selon la chair pour être prêtre selon l'ordre de Melchisédech, et qu'après lui fût survenue la loi avec le sacerdoce d'Aaron, on aurait eu raison de conclure que le second (509) fait était un perfectionnement qui anéantissait le premier, puisqu'il lui succédait. Mais si Jésus
Christ, au contraire, est postérieur à la loi, s'il a adopté un autre type sacerdotal, il est évident que tout le lévitisme est imparfait; car supposons un instant, dit l'apôtre, que le sacerdoce antérieur à Jésus-Christ, celui d'Aaron, était parfait et ne laissait rien à désirer ; pourquoi donc dès lors l'Ecriture nous parle-t-elle d'un prêtre selon l'ordre de Melchisédech et non selon l'ordre d'Aaron? Pourquoi laisser Aaron et introduire un autre sacerdoce, à savoir, celui de Melchisédech, si la perfection se trouvait dans le sacerdoce lévitique, c'està-dire, si ce sacerdoce lévitique avait, au complet, toute la doctrine et de la foi et des moeurs? Et remarquez, comme sans dévier d'un pas, l'apôtre avance
Il avait dit «selon l'ordre de Melchisédech » et avait montré que ce sacerdoce était le plus grand, parce que Melchisédech était plus grand qu'Abraham. Puis, il prouve encore la même chose par la considération du temps, en disant que, puisque le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech a paru après celui d'Aaron, c'est qu'il est plus grand.
Mais que signifient ces paroles qui suivent immédiatement : « Sous lequel [sacerdoce] le peuple a reçu la loi? » Que veut dire « sous lui ? » C'est que par lui le peuple marche, le peuple fait tout par lui : on ne peut dire qu'il ait été donné à d'autres qu'à lui. C'est sous lui que le peuple a reçu la loi, c'est-à-dire, grâce à son ministère. Et l'on ne peut dire que la loi était parfaite, mais non imposée au peuple. Le peuple , dit l'apôtre , a reçu la loi sous lui, c'est-à-dire par son organe et intermédiaire. Qu'était-il donc besoin d'un autre sacerdoce, si celui-là était parfait? « Car le sacerdoce étant transféré, il faut aussi que la loi le soit ». Si donc un autre prêtre, ou plutôt un autre sacerdoce est devenu nécessaire, il faut aussi nécessairement une autre loi. Ceci est à l'adresse de ceux qui disent : Qu'était-il besoin d'un Nouveau Testament? Il aurait pu prouver ce besoin par les prophètes eux-mêmes : « Voici », disent-ils, «le testament, l'alliance que j'ai faite avec vos « pères». Pour le moment, il n'argue que d'après le sacerdoce. Et voyez comme il brillait d'arriver à cette conclusion. Il a dit: Selon l'ordre de Melchisédech : c'était rejeter déjà le sacerdoce d'Aaron. Car si un autre sacerdoce a été introduit depuis lors, il a bien fallu aussi qu'il vint un autre testament. Car il est impossible qu'un prêtre soit sans testament, ni lois, ni préceptes; ou qu'en recevant son sacerdoce, ii se serve de l'antique alliance.
On pourrait lui objecter : Comment fut donc prêtre celui qui n'était pas lévite? Mais comme il a établi plus haut comme vérité fondamentale la maxime contraire, il ne veut pas même résoudre une telle objection, et ne lui jette qu'en passant cette réponse : Je vous ai dit que le sacerdoce a été transféré; donc aussi le testament; et Dieu ne l'a pas seulement changé dans son mode et dans ses règles, mais même dans la tribu. Comment? C'est que le sacerdoce est transféré d'une tribu à me autre, de la tribu sacerdotale à la tribu royale, de sorte qu'à l'avenir elle réunit sacerdoce et royauté. Or, voyez le mystère. De royale qu'elle était d'abord, elle est maintenant devenue sacerdotale. Ainsi s'est-il fait en Jésus-Christ. Lui qui fut toujours roi, a été fait prêtre quand il prit notre chair, quand il offrit le sacrifice. Voyez-vous le changement? Ce qu'on lui présentait comme une objection, l'apôtre l'établit précisément et par la seule logique des faits. « En effet, celui dont ces choses ont été prédites », nous dit-il, « est d'une autre tribu dont personne n'a jamais servi à l'autel; puisqu'il est manifeste que Notre-Seigneur est sorti de Juda, tribu à laquelle Moïse n'a jamais attribué le sacerdoce (13, 14) ». L'apôtre dit donc équivalemment : Et moi aussi je sais qu'il n'a eu aucune part à votre sacerdoce; que nul de cette tribu ne l'a exercé, comme le montre évidemment cette affirmation : « Nul n'a jamais servi à l'autel ». Tout est donc transféré. Ainsi était-il nécessaire que la loi ancienne et l'Ancien Testament fussent transférés, puisque la tribu [sacerdotale] elle-même a été changée.