X - PAMBON
[1] A cette montagne appartint aussi le bienheureux Pambon, maître des frères Dioscore l'évêque, Ammonius, Eusèbe et Euthyme, et d'Origène, le neveu de Dracontius qui fut un homme admirable Ce Pambon avait des vertus héroïques et des qualités très considérables, et entre autres aussi ceci : il méprisait l'or et l'argent, autant que l'exige la Parole. [2] En elfet la bienheureuse Mélanie me racontait ceci : « Dans les débuts, étant venue de Rome à Alexandrie et ayant entendu parler de la vertu de celui-ci, le bienheureux Isidore me l'ayant racontée et m'ayant conduite auprès de lui dans le désert, voici que je lui portai de l'argenterie pour trois cents livres d'argent, le priant d'avoir quelque part de mes biens. Mais lui, restant assis et tressant des feuilles de palmier, me bénit de la voix seulement et dit: «Que Dieu te donne la récompense. » [3] Et il dit à son économe Origène : « Prends cela et administre-le pour la communauté des frères de Libye et des îles, car ces monastères-là sont plus pauvres. » Il lui enjoignit de ne donner à aucun de ceux d'Egypte, parce que la contrée est plus fertile. Or moi, dit-elle, debout et attendant d'être honorée ou glorifiée par lui à cause du don, n'ayant rien entendu de sa part, je lui dis : « Pour que tu saches, maître, combien il y a, il y a trois cents livres. » Mais lui n'ayant pas du tout levé la tête me répondit : « Celui à qui tu l'as apporté, mon enfant, n'a pas besoin de poids. Lui, qui en effet pèse les montagnes, sait bien davantage la quantité de cet argent. Car à la vérité, si celait à moi que tu le donnais, tu faisais bien de me le dire ; mais si c'est à Dieu, qui n'a pas dédaigné les deux oboles, tais-toi. » Ainsi, dit-elle, se conduisit le maître, quand j'allai sur la montagne. [5] Or, après un peu de temps, l'homme de Dieu meurt sans lièvre, n'ayant pas été malade, mais en cousant une corbeille, étant à soixante-dix ans. Il me fit appeler, et, la dernière piqûre étant près de s'achever, sur le point d'expirer, il me dit : « Reçois de mes mains cette corbeille, afin de te souvenir de « moi; car je n'ai pas quelque chose d'autre à te « laisser. » Et lui ayant fait sa toilette funèbre et ayant enroulé le corps avec des petits linges, elle le mit en terre. Et ainsi elle s'en revint du désert, gardant la corbeille avec elle jusqu'à sa mort.
[6] Ce Pambon en mourant, à l'heure même de trépasser, parla, dit-on, en ces termes à ceux qui étaient présents, Origène, prêtre et économe, et Ammonius, homme très fameux, et à d'autres frères : « Depuis que je suis venu à cet endroit du désert, que je me suis bâti cette cella et que je l'ai habitée, je ne me souviens pas d'avoir mangé « du pain gratuitement » (II Thess. 3, 8), en dehors de la provenance de mes mains. Je n'ai pas eu à me repentira d’une parole que j'aie dite jusqu'à l'heure actuelle ; même ainsi je m'en vais à Dieu comme n'ayant pas commencé à être pieux. » [7] Et Origène et Aminonius lui rendaient un témoignage de plus en nous racontant ceci : « Jamais quand on l'interrogeait sur une parole de l'Ecriture ou quelque autre sujet pratique, il ne répondit sur-le-champ, mais il disait : Je n'ai pas encore trouvé. Et souvent il se passa même trois mois et il ne donnait point de réponse, disant n'avoir pas mis la main dessus. Cependant on recevait comme de Dieu ses déclarations qui étaient pleines de circonspection selon Dieu. Car on disait qu'il eut même plus que le grand Antoine et plus que tous, cette vertu-ci, celle qui tend à la précision des termes. »
[8] Puis on rapporte de Pambon le fait que voici; c'est que l'ascète Pior l'ayant abordé apporta son propre pain, et interpellé par lui : « Pourquoi as-tu fait cela? » il répondit : « Pour que je ne te fusse pas à charge », dit-il. Mais par son silence il lui donna une leçon formelle. En effet l'ayant abordé après du temps, il emportait son pain après l'avoir trempé, et interrogé il dit : « Pour que je ne te fusse pas à charge, je l'ai même trempé. »