XII - BENJAMIN
[1] Sur cette montagne de Nitrie, Benjamin, un homme ainsi nommé, ayant vécu pendant quatre-vingts ans et pratiqué l'ascétisme au plus haut degré, fut jugé digne du don des guérisons, de sorte que toute personne à qui il avait imposé la main ou donné de l'huile qu'il avait bénite, était débarrassée de toute infirmité. Or donc lui, qui avait été jugé digne d'un tel don, devint hydropique huit mois avant sa mort, et son corps s'enlla à un tel point qu'il paraissait un autre Job. Cela étant, Dioscore l'évêque et il était alors prêtre de la montagne de Nitrie, nous avant pris, moi et le bienheureux Evagre, nous dit : [2] « Venez voir un nouveau Job qui, dans une si grande enflure de corps et une maladie incurable, garde en sa possession une reconnaissance sans mesure. » Etant donc partis nous vîmes une enflure de corps si grande que les doigts d'un autre ne pouvaient embrasser un doigt de sa main. Or ne pouvant fixer nos regards sur l'étrangeté de cette maladie, nous détournâmes les yeux. Alors ce bienheureux Benjamin nous dit : « Priez, enfants, afin qu'en moi l'homme intérieur ne devienne pas hydropique. Car ni celui-ci, se portant bien, ne m'a servi, ni, étant malade, ne m'a causé dédommage. » [3] Donc pendant les huit mois une litière à deux personnes très large était dressée, sur laquelle il était assis sans cesse, ne pouvant plus être remonté sur un lit, à cause du reste des besoins. Et étant dans cette affection, il guérissait les autres. Quoi qu'il en soit, j'ai raconté en détail, forcément, cette maladie, afin que nous ne soyons pas déconcertés lorsqu'il arrive aux hommes justes quelque contretemps. Or quand il fut mort, les seuils de la porte furent enlevés ainsi que les montants, afin que le corps put être emporté de la maison, tellement était grande l'enflure.