XXXII - PAKHÔME ET LES TABENNÉSIOTES
[1] Tabennisi est un endroit dans la Thébaïde ainsi appelé, où un certain Pakhôme exista, homme, entre ceux qui ont vécu dans la droite voie, tel qu'il fut jugé digne et de prédictions et de visions angéliques. Il fut extrêmement rempli d'humanité et de fraternité. Or comme il était assis dans sa grotte, un ange lui apparut et lui dit : » Les choses qui te regardent, tu les as accomplies parfaitement. Donc il est superflu que tu restes fixé dans cette grotte. Allons, étant sorti, rassemble tous les jeunes moines et habite avec eux, et d'après le plan que je te donne, alors impose-leur des lois. » Et il lui remit une tablette d'airain sur laquelle avait été inscrit ceci :
[2] « Tu permettras à chacun d'après sa force de manger et de boire. Et selon les forces de ceux qui mangent, mets-leur en main des travaux proportionnés ; et n'empêche ni de jeûner ni de manger, dépendant voici : Mets en mains les travaux de force aux plus forts et à ceux qui mangent, et les moins pénibles à ceux qui sont plus débiles et qui pratiquent davantage l'ascétisme. Puis fais des collas différentes dans l'enceinte et qu'ils habitent trois par cella. Quant à la nourriture de tous, qu'on aille la chercher dans un local unique. [3] Et qu'ils dorment non pas étendus de tout leur long, mais que s'étant fabriqué des sièges faciles à construire, un peu renversés en arrière, et y ayant placé leurs couvertures, ils dorment assis. Puis qu'ils portent dans les nuits des lébitons de lin avec une ceinture. Que chacun d'eux ait une mélote en peau de chèvre travaillée et qu'ils ne mangent pas sans elle. Mais en partant pour la communion le samedi et le dimanche, qu'ils détachent leurs ceintures, déposent leur mélote et entrent avec la cuculle toute seule. » Et il leur prescrivit un type de cueillies sans poils velus, comme pour des petits enfants, dans lesquelles il ordonna qu'on appliquât une empreinte, en forme de croix, avec de la pourpre. [4] Puis il commanda qu'il y eût vingt-quatre classes et à chaque classe il imposa une lettre grecque depuis alpha, bêta, gamma, delta, et ainsi de suite. Par conséquent en interrogeant et en s'occupant avec intérêt dune si grande foule, le supérieur demandait au second : Comment va la classe de l'alpha? ou : Comment va le dzêta? Encore : Salue le rhô, en suivant une certaine signification propre des lettres. « Et aux plus simples et aux plus sincères, tu assigneras l'iôta, mais aux plus difficiles à manier et plus dissimulés, tu affecteras le xi. » [5] Et ainsi, par analogie avec la nature des préférences, des mœurs et des vies, il adapta la lettre à chaque catégorie, ceux qui mènent la vie spirituelle sachant seuls ce que cela Signifiait. D'autre part, il avait été inscrit sur la tablette ceci : « Qu'un étranger d'un autre groupe monastique qui a une autre règle ne mange ni ne boive avec eux, qu'il n'entre pas dans le monastère, à moins qu'il ait été trouvé en voyage. » Toutefois pendant trois ans ils n'admettent pas en dedans du chœur celui qui est entré pour rester avec eux. Mais quand il a fait des travaux plutôt corporels, alors au bout de trois ans. il a ses entrées. [6] Puis « en mangeant qu'ils couvrent leurs têtes de leurs cuculles, afin qu'un frère ne voie pas un frère en train de manger. Il n'est pas permis de parler quand on mange ni de s'appliquer de l'œil ailleurs, en dehors de son écuelle ou de la table ». Et il leur prescrivit la règle de faire pendant tout le jour douze prières et douze au lucernaire, et douze dans les vigiles nocturnes, et trois à l'heure de none. Mais quand tout le monde est sur le point de manger, il ht une règle de chanter un psaume avant chaque prière.
[7] Or Pakhôme objectant à l'ange que les prières sont peu nombreuses, l'ange lui dit : « J'ai précisé cela pour assurer d'avance que même les petits viennent à bout de l'office de règle, sans être affligés. Quant aux parfaits, ils n'ont pas besoin de réglementation; car, à part eux, dans leurs cellules, il est de fait qu'ils consacrent à la contemplation de Dieu leur vie entière. Mais j'ai légifère pour tous ceux qui n'ont pas l'esprit dirigé par des vues supérieures, afin que, quand même ils seraient comme des domestiques en remplissant l'ensemble de leurs observances, ils aient été établis dans des conditions de franchise. »
[8] Quoi qu'il en soit, il y a beaucoup de monastères de ce genre qui possèdent cotte règle et qui s'étendent à sept mille hommes. Mais le premier, le grand monastère où Pakhôme lui-même habitait, celui qui enfanta les autres monastères, a treize cents hommes. Parmi eux, il y avait aussi le bel Aphthon, qui est devenu mon ami intime et qui pour le moment est le second dans le monastère. Comme il ne saurait être scandalisé, ils l'envoient à Alexandrie pour vendre leurs ouvrages et acheter les choses nécessaires. [9] Mais il existe d'autres monastères de deux cents et de trois cents. Entre autres, étant entré à Panopolis, j'y trouvai trois cents hommes. [Dans ce monastère, j'ai vu quinze tailleurs, sept forgerons, quatre charpentiers, douze chameliers, quinze foulons.] Or ils travaillent de tout métier, et avec leur superflu ils entretiennent aussi les monastères des femmes et des prisons. [10] [Et ils nourrissent aussi des porcs. Et moi blâmant la chose, ils me disaient ceci : « Dans la tradition nous avons appris ceci : qu'on en nourrisse à cause des criblures, à cause des épluchures des légumes, à cause des restes qu'on jette, afin qu'ils ne soient pas perdus; et que les porcs soient sacrifiés, et que la viande soit vendue, mais les extrémités consommées par les malades et les vieillards, parce que le pays est d'étendue médiocre et rempli d'hommes. » Le peuple des Blemmyes, en effet, habite près d'eux.] [11] Or ceux qui sont de service s'étant levés malin vont les uns à la cuisine, les autres aux tables. Donc ils dressent celles-ci jusqu'à l'heure voulue, les ayant garnies, ayant mis sur la table des pains, des sénevés des champs, des olives confites, des fromages de vaches, [les extrémités des viandes] et des légumes à tige effilée. Alors il en est qui vont manger à la sixième heure, d'autres à la septième, d'autres à la huitième, d'autres à la neuvième, d'autres à la onzième, d'autres le soir avancé, d'autres au bout de deux jours, en sorte que chaque lettre connaît sa propre heure. [12] Pareillement aussi étaient leurs travaux : l'un travaille à la terre en labourant, un autre au jardin, un autre à la forge, un autre à la boulangerie, un autre à l'atelier de charpentier, un autre à celui de foulon, un autre en tressant les grandes corbeilles, un autre à la tannerie, un autre à l'atelier de cordonnerie, un autre à la calligraphie, un autre en tressant les petits paniers. Et ils apprennent par cœur toutes les Ecritures.