XLIII - ADOLIUS
[1] J'ai connu encore à Jérusalem un nommé Adolius. Tarsien d'origine, qui, étant venu à Jérusalem, suivit tout à fait la voie qui n'est pas fréquentée, non celle où la plupart nous avons marché; mais il s'était taillé à lui-même un genre de vie étrange. C'est qu'il pratiqua l'ascétisme au-delà des forces humaines, au point que les démons eux-mêmes, tremblant devant son austérité, n'osèrent pas s'approcher de lui. Car à cause de l'excès de son abstinence et de ses veilles, il fut même soupçonné d'être un fantôme. [2] En effet durant le carême il mangeait tous les cinq jours et tout le reste du temps tous les deux jours. Mais sa grande pratique était celle-ci. Depuis le soir jusqu'à ce que de nouveau la communauté des frères fût rassemblée dans les maisons de prières, lui, au mont des Oliviers, sur le tertre de l'Ascension d'où Jésus fut enlevé, il était constamment debout, chantant et priant. Et qu'il tombât de la neige, ou de la pluie, ou de la gobe blanche, il demeurait sans bouger. [3] Or ayant terminé son temps habituel, il heurtait les collas de tous avec le petit marteau à réveiller, les rassemblant dans les maisons de prières, et, dans chaque maison, chantant avec eux une ou deux antiphones et priant avec eux ; alors il s'en retournait avant le jour dans sa cellule, dans un tel état souvent, en vérité, que les frères le dévêtaient, pressaient ses habits comme au sortir du lavage et l'en enveloppaient d'autres. De la sorte donc, s'étant reposé de nouveau jusqu'à l'heure de la psalmodie, il s'y appliquait jusqu'au soir. Et telle fut par conséquent la vertu d'Adolius de Tarse, qui devint parfait à Jérusalem et mourut là.