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|1] Il nous arriva de faire route ensemble d'Aelia en Egypte, en escortant la bienheureuse Silvanie, la vierge, sœur de la femme de Rufin, l'ex-préfet. Entre autres était aussi avec nous Jubin, alors diacre et maintenant évêque de l'église d'Ascalon, homme pieux et érudit. Or une chaleur très forte nous surprit et quand nous fûmes arrivés à Péluse, il se trouva que Jubin, ayant pris une cuvette, se lava avec le poing les mains et les pieds dans une eau très froide, et après s'être lavé il se reposa sur un matelas de peau jeté sur le pavé. [2] Celle-là [Mélanie] s'étant approchée, comme une mère sage d'un fils selon la nature, elle le raillait sur sa délicatesse en disant : « Comment oses-tu, ayant cet âge où ton sang est encore plein de vie, choyer ainsi la misérable chair, sans t'apercevoir des choses pernicieuses qui naissent d'elle? Crois bien, crois bien ceci : j'ai soixante ans d'âge ; à part les extrémités des mains, ni mon pied n'a touché d'eau, ni mon visage, ni un de mes membres ; quoique saisie de différentes infirmités et contrainte par les médecins, je n'ai pas supporté de rendre à la chair ce qui est d'usage, je ne me suis pas reposée sur un lit, je n'ai pas fait route en quelque endroit avec une litière. »
[3] Devenue elle-même très savante et ayant pris l'amour de la littérature, elle changea les nuits en jours et parcourut chaque écrit des anciens commentateurs, entre autres trois cents myriades d'Origène, vingt-cinq myriades de Grégoire, d'Etienne, de Piérius, de Basile et de quelques autres très studieux. Et elle ne les parcourut pas simplement ni comme cela se trouvait, mais elle parcourut avec des efforts chaque livre sept ou huit fois. C'est même pourquoi elle put, une fois délivrée de la science faussement nommée, être munie d'ailes parla grâce de ces traités : au moyen de salutaires espérances elle se rendit elle-même oiseau spirituel et effectua sa traversée auprès du Christ.
