LXI - MELANIE LA JEUNE
[1] Puisque plus haut j'ai promis d'avance de parler de la descendante de Mélanie, nécessairement je paie ma dette; car il n'est pas juste que, regardant avec dédain ce qui est fort jeune dans sa chair, nous rejetions de côté, sans lui élever une stèle, une vertu aussi grande, laquelle, franchement, l'emporte de beaucoup sur des personnes Agées et ferventes. Ses parents l'ayant forcée l'amenèrent à un mariage entre les premiers de Rome; mais, se piquant toujours des directions de sa grand'mère, elle fut stimulée au point qu'elle ne put s'accommoder du mariage. [2] En effet deux enfants mâles lui étant nés et tous deux étant morts, elle parvint à une telle haine du mariage qu'elle dit à son mari Pinien, fils de Sévère l'ex-préfet, ceci : « Si tu choisis de faire de l'ascétisme avec moi selon la Parole de la Sagesse morale, je te reconnais pour maître et seigneur de ma vie ; mais si cola te paraît lourd, parce que tu es trop jeune, ayant pris tous mes biens, rends la liberté à mon corps, afin que j'accomplisse mon désir scion Dieu, en devenant l'héritière du zèle de ma grand'mère, dont j'ai aussi le nom. [3] Car si Dieu voulait que nous fassions des enfants, il ne m'aurait pas pris avant l'âge ceux qui ont été enfantés. » Or, quand ils eurent lutté sous le joug pendant longtemps, plus tard Dieu ayant eu compassion du jeune homme lui inspira aussi un zèle de renoncement au monde, de sorte que sur eux s'accomplit ce qui est écrit : « Femme, en quoi sais-tu donc si tu sauveras ton mari? » (I Cor. 7,16). Donc, mariée à treize ans et ayant vécu sept ans avec son mari, à vingt, elle renonça au monde. Et d'abord elle donna aux autels ses écharpes de soie ; mais cela aussi, la sainte Olympiade l'a fait. [4] Puis ayant taillé le reste des objets en soie, elle fit différents meubles pour les églises. Et ayant confié son argent et son or à un prêtre, Paul, moine de Dalmatie, elle envoya par mer en Orient, en Egypte et en Thébaïde dix mille pièces de monnaie, à Antioche et à ses dépendances dix mille pièces, en Palestine quinze mille pièces, aux églises des îles et à ceux des lieux de relégation dix mille pièces, et elle fournissait semblablement par elle-même aux églises d'Occident. [5] Tout cela et son quadruple, elle l'arracha, pour dire ainsi devant Dieu, de la bouche du lion Alaric, grâce à sa foi personnelle. Et elle affranchit les huit mille esclaves qui voulurent; car les autres ne voulurent pas, mais choisirent de servir son frère : elle les lui céda tous à prendre avec trois pièces de monnaie. Puis, ayant vendu ses possessions des Espagnes, d'Aquitaine, de Tarraconaise et des Gaules, s'étant réservé les seules de Sicile, de Campanie et d'Afrique, elle les consacra à un entretien de monastères. [6] Voilà sa sagesse touchant le fardeau des richesses. Et voici son ascèse : elle mangeait tous les deux jours — et dans les débuts même au bout de cinq, — s'étant astreinte elle-même à un tour du service journalier de ses servantes, qu'elle a rendues ses compagnes d'ascétisme.
Puis, elle a aussi avec elle sa mère Albine qui pratique pareillement l'ascétisme et qui de son côté éparpille en particulier ses propres richesses. Or elles sont en train d'habiter sur leurs terres, tantôt de Sicile, tantôt de Campanie, avec quinze eunuques et soixante vierges et libres et servantes. [7] Pareillement aussi Pinien son mari, avec trente moines, lisant et s'occupant au jardin et à de graves conférences. Or ils ne nous honorèrent pas petitement nous aussi, quand, étant assez nombreux, nous fûmes arrivés à Rome, à cause du bienheureux évêque Jean : ils nous ont restaurés par leur hospitalité et par des viatiques très larges, se préparant comme fruit, avec une grande joie la vie éternelle par les œuvres, qui sont un don divin, de la meilleure manière de vivre.