V – ALEXANDRA
[1] Et il me parla aussi d'une servante du nom d'Alexandra qui, ayant abandonné la ville et s'étant enfermée dans un sépulcre, recevait par une ouverture ce dont elle avait besoin, sans se rencontrer en face ni avec des femmes ni avec des hommes pendant dix ans.
Mais la dixième année, elle s'endormit dans la mort après s'être revêtue de l'habit monastique, de sorte que la personne qui allait la voir selon l'habitude et n'obtint pas de réponse, nous l'annonça. Eu conséquence, ayant démoli la porte et étant entrés, nous la trouvâmes morte. [2] Or à propos d'elle, la très heureuse Mélanie, dont je parlerai plus tard, nous disait aussi ceci : « Je ne l'ai jamais vue en face, mais m'étant placée près de l'ouverture, je la priai de me dire la cause pour laquelle elle s'enferma dans ce sépulcre. Et par l'ouverture, elle lit entendre sa voix en me disant ceci : « Un homme s'est détraqué l'esprit à mon sujet, et pour ne point paraître l'affliger ou le décrier, j'ai mieux aimé m'introduire vivante dans ce sépulcre que de donner du scandale à une âme faite à l'image de Dieu ». [3] Et moi, dit-elle, ayant dit : Comment donc supportes-tu de ne voir personne, mais au contraire de lutter contre l'ennui? Elle me dit ceci : « Depuis le matin jusqu'à l'heure de none, je prie heure par heure, en filant le lin. Quant aux heures qui restent, je repasse en esprit les saints patriarches, prophètes, apôtres et martyrs. Et après avoir mangé mon pain, je suis dans l'attente, les autres heures, en persévérant fidèlement, et prête à accepter la tin avec une délicieuse espérance. »