IV.
Toutes choses donc offrent matière aux plus nobles contemplation; et il est permis de présenter le monde purement spirituel sous l'enveloppe si peuassortie cependant du monde matériel, étant avéré d'ailleurs que ces formes vont au premier d'une tout autre manière qu'au second. Effectivement chez les créatures privées de raison, l'irritation n'est qu'une fougue passionnelle, et leur colère un mouvement tout à fait fatal , mais quand on parle de l'indignation des êtres spirituels, on veut au contraire marquer la mâle énergie de leur raison, et leur invincible persistance dans l' ordre divin et immuable. Egalement nous disons que la brute a des goûts aveugles et grossiers, des sortes de penchants qu'une disposition naturelle ou l'habitude lui a forcément imposés, et une puissance irrésistible des appétits sensuels qui le poussent vers le but sollicité par les exigences de son organisme.
Quand donc imaginant des ressemblances éloignées, nous attribuons de la convoitise aux substances spirituelles, il faut comprendre que c'est un divin amour pour le grand Esprit qui surpasse toute raison et toute intelligence que c'est un immuable et ferme désir de la contemplation éminemment chaste et inaltérable, et de la noble et éternelle union avec cette sainte et sublime clarté, avec cette beauté souveraine qui n'a pas de déclin. De même, par leur fougue impétueuse, on prétend désigner la magnanime et inébranlable constance qu'elles puisent dans un pur et perpétuel entbousiasme pour la divine beauté, et dans un généreux dévouement a ce qui est vraiment aimable. Enfin, par silence et insensibilité , nous entendons, chez les brutes et chez les êtres inanimés, la privation de la parole et du sentiment ; mais en appliquant ces mots aux substances immatérielles et intelligentes, nous voulons dire que leur nature supérieure n'est point soumise à la loi d'un langage fugitif et corporel, ni à notre sensibilité organique, et indigne de purs esprits. Ce n'est donc point inconvenant de déguiser les choses célestes sous le voile des plus méprisables emblèmes; d'abord, parce que la matière tirant son existence de celui qui est essentiellement beau, conserve dans l'ordonnance de ses parties quelques vestiges de la beauté intelligible; ensuite parce que ces vestiges mêmes nous peuvent ramener à la pureté des formes primitives, si nous sommes fidèles aux règles antérieurement tracées, C'est-à-dire, si nous distinguons en quel sens différent une même figure s'applique avec égal justesse aux choses spirituelles et aux choses sensibles.