III.
Un autre me donna touchant la présente difficulté une solution qui n'est pas du tout dénuée de sens. Selon lui, quelle qu'elle fit d'ailleurs, la sublime intelligence, qui par cette vision symbolique initie le prophète aux secrets divins, rapporta d'abord à Dieu, puis à la première hiérarchie, le glorieux office qui lui était échu de communiquer la pureté en cette rencontre. Or ce sentiment est-il vrai ? Celui qui m'en instruisit le développait de cette sorte : La vertu divine atteint et pénètre intimement toutes choses par sa libre énergie, quoiqu'en cela elle échappe à tous nos regards, tant par la sublimité inaccessible de sa pure substance, qu'à raison des voies mystérieuses par lesquelles s'exerce sa providentielle activité. Ce n'est pas à dire toutefois qu'elle ne se manifeste point aux natures intelligentes au degré où elles en sont capables; car confiant la grâce de la lumière aux esprits supérieurs, par eux elle la transmet aux esprits inférieurs avec parfaite harmonie, et en la mesure que comportent la condition et l'ordre de chacun d'eux.
Expliquons-nous plus clairement par le moyen d'exemples qui conviennent mal à la suprême excellence de Dieu, mais qui aideront notre débile entendement : le rayon du soleil pénètre aisément cette matière limpide et légère qu'il rencontre d'abord, et d'où il sort plein d'éclat et de splendeur; mais s'il vient à tomber sur des corps plus denses, par l'obstacle même qu'opposent naturellement ces milieux à la diffusion de la lumière, il ne brille plus que d'une lueur terne et sombre, et même s'affaiblissant par degrés, il devient presque insensible. Egalement sa chaleur se transmet avec plus d'intensité aux objets qui sont plus susceptibles de la recevoir, et qui se laissent plus volontiers assimiler par le feu; puis son action apparaît comme nulle ou presque nulle dans certaines substances qui lui sont opposées ou contraires; enfin, ce qui est admirable, elle atteint, par le moyen des matières inflammables, celles qui ne le sont pas; tellement qu'en des circonstances données, elle envahira d'abord les corps qui ont quelque affinité avec elle, et par eux se communiquera médiatement soit à l'eau , soit à tout autre élément qui semble la repousser.
Or cette loi du monde physique se retrouve dans le monde supérieur. Là, l'auteur souverain de toute belle ordonnance tant visible qu'invisible fait éclater d'abord sur les plus sublimes intelligences les splendeurs de sa douce lumière; et ensuite les saints et précieux rayonnements passent médiatement aux intelligences subordonnées. Ainsi celles qui les premières sont appelées à connaître Dieu, et nourrissent le brulant désir de participer à sa vertu, s'élèvent aussi les premières à l'honneur de retracer véritablement en elles cette auguste image, autant que le peut la créature; puis elles s'appliquent avec amour à attirer vers le mérite but les natures inférieures, leur faisant parvenir les riches trésors de la sainte lumière, que celles-ci continuent à transmettre ultérieurement. De la sorte, chacune, d'elles communique le don divin à celle qui la suit, et toutes participent à leur manière aux largesses de la Providence. Dieu est donc, à proprement parler, réellement et par nature, le principe suprême de toute illumination , parcequ'il est l'essence même de la lumière, et que l'être et la vision viennent de lui; mais à son imitation et par ses décrets, chaque nature supérieure est, en un certain sens, principe d'illumination pour la nature inférieure, puisque, comme un canal, elle laisse dériver jusqu' à celle-ci les flots de la lumière divine. C'est pourquoi tous les rangs des anges regardent à juste titre le premier ordre de l'armée céleste comme étant, après Dieu, le principe de toute connaissance sacrée et pieux perfectionnement, puisqu'il envoie au reste des esprits bienheureux, et à nous ensuite, les rayons de l'éternelle splendeur : de là vient que, s'ils rapportent leurs fonctions augustes et leur sainteté à Dieu comme à celui qui est leur créateur, d'un autre côté, ils les rapportent aussi aux plus élevées des pures intelligences qui sont appelées les premières à les remplir et à les enseigner aux autres. Le premier rang des hiérarchies célestes possède donc à un plus haut degré que tous les autres et une dévorante ardeur, et une large part dans les trésors de la sagesse infinie , et la savante et sublime expérience des mystères sacrés, et cette propriété des trônes 1 qui annonce une intelligence toujours préparée aux visites de la divinité. Les rangs inférieurs participent, il est vrai, à l'amour, à la sagesse, à la science, à l'honneur de recevoir Dieu : mais ces grâces ne leur viennent qu'à un degré plus faible et d'une façon subalterne, et ils ne s'élèvent vers Dieu que par le ministère des anges supérieurs qui furent enrichis les premiers des bienfaits célestes. Voila pourquoi les natures moins sublimes réconnaissent pour leurs initiateurs ces esprits plus nobles, rapportant à Dieu d'abord, et à eux ensuite, les fonctions, qu'elles ont l'honneur de remplir.
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voir chapître 7 l'explication du trône. ↩