II.
Quiconque applaudit aux religieuses créations sous lesquelles on peint ces pures substances que nous n'avons ni vues, ni connues, doit se souvenir que ce grossier dessein ne ressemble pas à l'original, et que toutes les qualifications imposées aux anges ne sont, pour ainsi dire, qu'imaginaires.
D'autre part, il y en a qui veulent que la théologie, quand elle prête un corps aux choses qui n'en ont pas, respecte du moins leur noblesse naturelle, et les dépeigne sous les formes les plus pures et les plus spiritualisées en quelque sorte, et n'aille pas appliquer les plus ignobles conditions du multiple à des substances éminemment simples et spirituelles. Car ainsi, croient-ils, notre pensée apprendrait à s'élever, et de sublimes vérités ne seraient pas défigurées par d'inconvenantes comparaisons : faire autrement , c'est outrager les vertus célestes et fausser.,notre esprit fixé sur de profanes symboles. Car peut-être va-t-il imaginer que le ciel tressaille donc sous les pas des lions et des chevaux, ou retentit d'hymnes mugissantes, et qu'on y voit tout une république d'oiseaux et d'autres animaux encore et des objets purenient matériels : tous êtres plus ou moins stupides et pleins de passions diverses dont le texte sacré rappelle l'impertinente idée, en établissant une ressemblance énigmatique là où il n'y a pas de ressemblance réelle.
A cela je réponds : tout homme studieux de la vérité découvrira la sagesse des saints oracles en cette peinture des intelligences célestes, et comment il fut pourvu avec bonheur à ce que ni les vertus divines ne fussent indignement rabaissées, ni notre esprit trop ,plongé en de basses et terrestres imaginations. Au reste, si l'on revêt de corps et de formes ce qui n'a ni corps ni formes, ce n'est pas seulement parce que nous ne pouvons avoir l'intuition directe des choses spirituelles, et qu'il nous faut le secours d'un symbolisme proportionné à notre faiblesse, et dont le langage sensible nous initie aux connaissances d'un monde supérieur; c'est encore parce qu'il est bon et pieux que les divines Lettres enveloppent sous le mystère d'énigmes ineffables, et dérobent au vulgaire la mystérieuse et vénérable nature des esprits bienheureux. Car chacun n'est pas saint, et la science n'est pas pour tous, disent les Ecritures 1. Si donc quelqu'un réprouve ces emblèmes imparfaits, prétextant qu'il répugne d'exposer ainsi les beautés saintes et essentiellement pures sous de méprisables dehors, nous ferons simplement observer que cet enseignement se fait de deux manières.
-
I Cor., 8 ,7. ↩