Edition
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Adversus Hermogenem
XXXVII.
[1] Nunc enim uideo te ad illam rursus rationem reuerti quae tibi nihil certi renuntiare consueuit. Nam sicut nec corporalem nec incorporalem infers materiam, ita nec bonam nec malam adlegas [s]et proinde superargumenta
Traduction
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Contre Hermogène
XXXVII.
En effet, je te vois revenir en ce moment à cette même raison qui a coutume de ne le rapporter rien de certain. De même que tu ne fais la Matière ni corporelle ni incorporelle, tu ne la fais ni bonne ni mauvaise, et argumentant là-dessus: « Si la Matière était bonne, dis-tu, celle qui l'aurait été de tout temps, n'aurait pas eu besoin d'être arrangée par Dieu; si elle était mauvaise pas essence, elle eût résisté à toute transformation pour la rendre meilleure, et alors Dieu ne lui eût jamais appliqué aucune de ses dispositions, puisqu'il eût travaillé en vain. » Voilà tes paroles, ô Hermogène! Il aurait été bon de t'en soutenir ailleurs, pour ne pas te mettre en contradiction avec toi-même. Mais, comme nous avons déjà discuté précédemment cette ambiguïté du bien et du mal, que lu attribues à la matière, je me contenterai de répondre à la proposition que tu avances et à ton argumentation. Je ne répéterai pas ici que tu aurais dû t'arrêter à quelque chose de déterminé, et déclarer que la Matière est ou bonne ou mauvaise, ou qu'elle forme je ne sais quel troisième être. Mais tu n'as pas même conservé ce qu'il t'a plu d'imaginer. En effet, voilà que tu détruis ta déclaration qu'elle n'est ni bonne ni mauvaise, puisque dire, Si elle était bonne, elle n'aurait pas besoin d'être arrangée par Dieu, c'est indiquer qu'elle est mauvaise; et ajouter par opposition: Si elle était essentiellement mauvaise, elle résisterait à toute transformation qui la rende meilleure, c'est laisser à entendre qu'elle est bonne, et par là, tu as déclaré tout à la fois bonne et mauvaise celle que tout à l'heure tu ne faisais ni bonne ni mauvaise. Toutefois, pour réfuter le raisonnement par lequel tu as cru venir en aide à ta proposition, je t'oppose celui-ci: Si la Matière avait toujours été bonne, pourquoi n'aurait-elle pas eu besoin de subir une transformation meilleure? Est-ce que ce qui est bon ne désire, ne souhaite ou n'admet pas le progrès, pour passer de ce qui est bon à ce qui est meilleur? De même, si elle avait été essentiellement mauvaise, pourquoi n'aurait-elle pas pu être transformée par Dieu, comme étant plus puissant qu'elle et l'Etre souverain « qui convertit la nature des pierres en fils d'Abraham. » Par là, que fais-tu? non-seulement tu compares Dieu à la Matière, mais tu l'abaisses au-dessous d'elle, puisqu'il eût été impuissant à dompter la nature de la Matière pour la faire passer à un état meilleur. Ici donc tu ne veux pas que la nature de la Matière soit mauvaise; ailleurs tu vas nier ton principe.