XXIX.
- La garde ou l'abandon des dépôts.
On doit assurément veiller avec soin à ce que les dépôts des veuves demeurent intacts, qu'ils soient conservés sans aucun préjudice, et non seulement les dépôts des veuves, mais aussi ceux de tous ; on doit, en effet, faire preuve de fidélité envers tous, mais la cause des veuves et des orphelins est plus grande.
C'est ainsi que par le seul mot de veuves, comme nous le lisons dans les Livres des Maccabées, tout ce qui avait été confié au temple, fut conservé. En effet, révélation avait été faite de sommes au sujet desquelles l'impie Simon dévoila au roi Antiochus qu'on pouvait les trouver, très considérables, dans le temple à Jérusalem ; envoyé donc à cette fin, Héliodore vint au temple et découvrit au grand prêtre la malveillance de la révélation et le motif de sa venue.
Alors le prêtre dit qu'étaient en dépôt les moyens de subsistance des veuves et des orphelins. Et comme Héliodore voulait aller les dérober et en revendiquer la propriété au bénéfice du roi, les prêtres se jetèrent devant l'autel, revêtus des habits sacerdotaux; en pleurs ils suppliaient le Dieu vivant qui avait donné la loi sur les dépôts, de se montrer le gardien de ses propres préceptes. Mais l'altération du visage et du teint du grand prêtre exprimait la douleur de son âme et l'inquiétude de son esprit tendu. Tous pleuraient à la pensée que le lieu saint tomberait dans le mépris si, pas même dans le temple de Dieu, la garde de la fidélité n'était observée de façon sûre. Les femmes, la poitrine ceinte, et les jeunes filles enfermées frappaient à la porte ; d'autres couraient aux murs, d'autres regardaient par les fenêtres, tous tendaient les mains vers le ciel, priant le Seigneur de soutenir ses propres lois.
Or Héliodore, que ne terrifiaient pas même ces spectacles, pressait ce qu'il avait entrepris, et avait entouré le trésor de ses gardes quand tout à coup lui apparut un terrible cavalier, étincelant de ses armes d'or ; son cheval était équipé d'un caparaçon remarquable. Deux autres jeunes gens également apparurent, avec une force excep-tionnelle, d'une beauté aimable, dans l'éclat de la gloire, magnifiquement vêtus ; ils se placèrent autour de lui et des deux côtés frappaient le sacrilège, sans aucune interrup-tion, de coups continus. Bref, enveloppé de ténèbres il tomba à terre et, sous la révélation évidente de l'action de Dieu, il gisait inanimé ; aucun espoir de salut ne subsistait plus en lui. La joie se leva pour ceux qui craignaient, mais la peur pour les orgueilleux, et abattus, certains des amis d'Héliodore priaient, demandant la vie pour lui parce qu'il rendait le dernier soupir.
Aussi à la prière du grand prêtre, les mêmes jeunes gens, de nouveau, apparurent à Héliodore, vêtus des mêmes costumes, et ils lui dirent : Rends grâce au grand prêtre Onias à cause de qui la vie t'a été rendue; quant à toi qui as fait l'expérience des fouets de Dieu, va et annonce à tous les tiens combien sont grandes, à ce que tu as reconnu, la sainteté du temple et la puissance de Dieu. Ayant dit ces mots, ils n'apparurent plus. Aussi Héliodore, ayant retrouvé ses esprits, offrit un sacrifice au Seigneur, rendit grâce au prêtre Onias et revint avec son armée auprès du roi en disant : Si tu as quelque ennemi ou comploteur contre ton pouvoir, envoie-le là-bas et c'est fouetté que tu le retrouveras.
Il faut donc, mes fils, observer la fidélité à l'égard des dépôts, y apporter du zèle. Votre ministère tire de l'éclat, d'une manière particulière, s'il arrive que la pression subie de la part d'un puissant, pression que la veuve ou les orphelins ne pourraient supporter, se trouve contenue grâce au secours de l'Église, s'il vous arrive de montrer que le commandement du Seigneur a plus de valeur à vos yeux que la faveur du riche.
Vous vous souvenez vous-mêmes combien de fois, à l'encontre des assauts des monarques, nous avons supporté le combat pour défendre les dépôts des veuves ou plutôt de tous. Cela m'est commun avec vous. Je citerai l'exemple récent de l'église de Pavie qui risquait de perdre le dépôt d'une veuve, qu'elle avait reçu. En effet devant la requête de celui qui prétendait revendiquer ce dépôt pour lui, en vertu d'un rescrit (1) impérial, les clercs soutenaient énergiquement l'autorité de l'Église. Les honoraires aussi et les médiateurs commis rapportaient qu'on ne pouvait aller à l'encontre des prescriptions de l'empereur; lecture était donnée de la rédaction particulièrement nette du rescrit, des décrets d'exécution du maître des offices ; le chargé de mission menaçait Que dire de plus? On avait livré le dépôt.
Cependant, après échange d'avis avec moi, le saint évêque assiégea les pièces où il avait appris que ce dépôt de la veuve avait été transporté. Quand les adversaires ne purent l'enlever, on le recouvra sous la condition d'une reconnaissance écrite. Ensuite, de nouveau le dépôt était réclamé en vertu de la reconnaissance écrite : l'empereur avait renouvelé sa prescription en telle sorte qu'en personne il nous citait par devant lui. On refusa et après qu'on eut représenté l'autorité de la loi de Dieu, la teneur du texte et le péril encouru par Héliodore, avec peine, enfin, l'empereur entendit raison. Dans la suite encore une action par surprise avait été tentée, mais le saint évêque prit les devants en sorte qu'il rendit à la veuve ce qu'il avait reçu. La fidélité cependant est sauve, la pression n'entraîne pas la crainte car c'était l'objet, non pas aussi la fidélité qui était en danger.