XV. Reprise du thème de la tromperie. Exemples où la beauté morale lui est préférée.
Les rhéteurs rapportent comme une chose mémorable le fait qu'un général romain, alors que le médecin d'un roi ennemi était venu à lui, en offrant d'administrer du poison au roi, l'envoya enchaîné à l'ennemi. Et ce fut en vérité chose remarquable que celui qui avait entrepris de rivaliser de courage, ne voulut pas vaincre par la tromperie. En effet il ne mettait pas la beauté morale dans la victoire, mais il proclamait d'avance comme laide, la victoire elle-même si elle n'avait été recherchée par la beauté morale.
Revenons à notre Moïse et tournons-nous vers des faits antérieurs pour montrer que plus ils sont prestigieux, plus ils sont anciens. Le roi d'Egypte ne voulait pas laisser partir le peuple de nos pères. Moïse dit au prêtre Aaron d'étendre sa verge sur toutes les eaux de l'Egypte. Aaron l'étendit et l'eau du fleuve fut changée en sang et personne ne pouvait boire d'eau et tous les Égyptiens périssaient de soif, mais les courants d'eau pure abondaient pour nos pères. Ils jetèrent de la cendre vers le ciel et il se produisit des ulcères et des pustules brûlantes sur les hommes et les quadrupèdes. Ils firent tomber la grêle avec un brillant éclair : et toutes choses sur terre avaient été broyées. Moïse pria et tout l'ensemble des êtres retrouva son agrément : la grêle s'arrêta, les ulcères se guérirent, les fleuves fournirent les breuvages accoutumés.
De nouveau la terre avait été couverte d'obscures ténèbres, pendant trois jours, depuis que Moïse avait levé la main et répandu les ténèbres. Tout premier né d'Egypte mourait alors que toute progéniture des Hébreux restait hors d'atteinte. Moïse sollicité de mettre fin à ces calamités aussi, pria et l'obtint. En ce général il faut vanter le fait qu'il se garda de participer à la tromperie ; en notre Moïse ce fut une chose admirable, qu'il détournât aussi par sa vertu personnelle, même d'un ennemi, les châtiments brandis par Dieu : il était en vérité, comme il est écrit, extrêmement doux et paisible. Il savait que le roi ne respecterait pas la fidélité à sa promesse, cependant il jugeait beau moralement, ayant été sollicité, de prier, ayant été offensé, de bénir, ayant été attaqué, de pardon-ner.
Digression d'exégèse typologique.
Il jeta sa verge, et il se fit un serpent qui dévora les serpents des Egyptiens, pour signifier que le Verbe se ferait chair qui éliminerait les venins du serpent cruel par la rémission et le pardon des péchés. La verge est en effet le Verbe, droit, royal, plein de puissance ; la marque du pouvoir . La verge se fit serpent parce que celui qui était le Fils de Dieu, né de Dieu le Père, s'est fait Fils de l'homme, né de la Vierge; lui qui, élevé sur la croix comme le serpent, répandit un remède sur les blessures des hommes. C'est pourquoi le Seigneur lui-même dit : « De même que Moïse éleva le serpent au désert, de même faut-il que le Fils de l'homme soit élevé ».
Enfin se rapporte aussi au Seigneur Jésus le second prodige que fit Moïse : « Il mit sa main dans la poche de son vêtement et la présenta et sa main se fit comme neige. De nouveau, il la mit dans son vêtement et la présenta et elle avait comme l'apparence de la chair humaine », pour signifier le Seigneur Jésus, d'abord l'éclat de la divinité, ensuite le fait d'assumer la chair, et c'est la foi en laquelle il faudrait que croient les nations et tous les peuples. C'est à juste titre qu'il mit sa main, parce que la droite de Dieu est le Christ, en la divinité et l'incarnation de qui, celui qui ne croit pas est châtié comme réprouvé ; ainsi ce roi : parce qu'il ne crut pas à des prodiges évidents, châtié par la suite, il priait pour mériter sa grâce. Combien donc doit être grand l'attachement à la beauté morale, ces faits, d'une part, en sont la preuve, et d'autre part, celui-ci surtout que Moïse s'offrait pour le peuple : il demandait que Dieu pardonnât au peuple ou au moins qu'il le rayât lui-même, Moïse, du livre des vivants.