Edition
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De Anima
II.
[1] Plane non negabimus aliquando philosophos iuxta nostra sensisse; testimonium est etiam ueritatis euentus ipsius. Nonnunquam et in procella confusis uestigiis caeli et freti aliqui portus offenditur prospero errore, nonnunquam et in tenebris aditus quidam et exitus deprehenduntur caeca felicitate, sed et natura pleraque suggeruntur quasi de publico sensu, quo animam deus dotare dignatus est. [2] Hunc nacta philosophia ad gloriam propriae artis inflauit prae studio (non mirum, si istud ita dixerim) eloquii quiduis struere atque destruere eruditi magisque dicendo persuadentis quam docendo. Formas rebus imponit, eas nunc peraequat, nunc priuat, de certis incerta praeiudicat, prouocat ad exempla, quasi comparanda sint omnia, omnia praescribit, proprietatibus etiam inter similia diuersis, nihil diuinae licentiae seruat, leges naturae opiniones suas fecit; ferrem, si naturalis ipsa, ut compos naturae de condicionis consortio probaretur. [3] Visa est quidem sibi et ex sacris, quas putant, litteris hausisse, quia plerosque auctores etiam deos existimauit antiquitas, nedum diuos, ut Mercurium Aegyptium, cui praecipue Plato adsueuit, ut Silenum Phrygem, cui a pastoribus perducto ingentes aures suas Midas tradidit, ut Hermotimum, cui Clazomenii mortuo templum contulerunt, ut Orpheum, ut Musaeum, ut Pherecydem Pythagorae magistrum. Quid autem, si philosophi etiam illa incursauerunt, quae penes nos apocryphorum confessione damnantur, certos nihil recipiendum quod non conspiret germanae et ipso iam aeuo pronatae propheticae paraturae, quando et pseudoprophetarum meminerimus et multo prius apostatarum spirituum, qui huiusmodi quoque ingeniorum calliditate omnem faciem saeculi instruxerint? [4] Postremo si etiam ad ipsos prophetas adisse credibile est indagatorem quemque sapientiae ex negotio curiositatis, tamen plus diuersitatis inuenias inter philosophos quam societatis, cum et in ipsa societate diuersitas eorum deprehendatur, siquidem uera quaeque et consonantia prophetis aut aliunde commendant aut aliorsum subornant cum maxima iniuria ueritatis, quam efficiunt aut adiuuari falsis aut patrocinari. [5] Hoc itaque commiserit nos et philosophos in ista praesertim materia, quod interdum communes sententias propriis argumentationibus uestiant, contrariis alicubi regulae nostrae, interdum sententias proprias communibus argumentationibus muniant, consentaneis alicubi regulae illomm, ut prope exclusa sit ueritas a philosophia per ueneficia in illam sua; et ideo utroque titulo societatis aduersario ueritatis urgemur et communes sententias ab argumentationibus philosophorum liberare et communes argumentationes a sententiis eorum separare, reuocando quaestiones ad dei litteras, exceptis plane quae sine laqueo alicuius praeiudicii ad simplex testimonium licebit adsumere, quia et ex aemulis nonnunquam testimonium necessarium, si non aemulis prosit. [6] Nec ignoro, quanta sit silua materiae istius apud philosophos pro numero etiam ipsorum commentatorum, quot uarietates sententiarum, quot palaestrae opinionum, quot propagines quaestionum, quot implicationes expeditionum. Sed et medicinam inspexi, sororem, ut aiunt, philosophiae, sibi quoque hoc negotium uindicantem. Quidni? ad quam magis animae ratio pertinere uideatur per corporis curam. Vnde et plurimum sorori refragatur, quod animam quasi coram in domicilio suo tractando magis norit. Sed uiderit utriusque praestantiae ambitio. Habuit et philosophia libertatem ingenii et medicina necessitatem artificii ad extendendos de anima retractatus: late quaeruntur incerta, latius disputantur praesumpta. Quanta difficultas probandi, tanta operositas suadendi, ut merito Heraclitus ille tenebrosus uastiores caligines animaduertens apud examinatores animae taedio quaestionum pronuntiarit terminos animae nequaquam inuenisse omnem uiam ingrediendo. [7] Christiano autem paucis ad scientiam huius rei opus est. Nam et certa semper in paucis, et amplius illi quaerere non licet quam quod inueniri licet; infinitas enim quaestiones apostolus prohibet. Porro non amplius inueniri licet quam quod a deo discitur; quod autem a deo discitur, totum est.
Übersetzung
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De l'âme
II.
Nous ne dissimulerons pas cependant qu'il est arrivé à des philosophes de se rencontrer avec nous; c'est un témoignage de la vérité, et aussi de l'événement lui-même. Parfois, dans cette longue tempête qui trouble le ciel et la mer, ils sont jetés au port par un heureux égarement; parfois, au milieu des ténèbres, ils découvrent une issue par un aveugle bonheur: mais la plupart des vérités leur étaient suggérées par la nature, en vertu de ces notions communes à tous, dont Dieu a daigné doter l'âme. La philosophie, ayant trouvé sous sa main ces notions premières, les enfla pour en faire honneur à son art, uniquement jalouse (qu'on ne s'étonne pas de mes paroles!) d'un langage habile à tout édifier comme à tout renverser, et qui persuade plus par des mots que par des enseignements. Elle impose aux choses des formes: ici elle les égale, là elle les anéantit; elle préjuge l'incertain d'après le certain; elle en appelle aux exemples, comme si toutes choses pouvaient se comparer; elle assigne des lois à des propriétés diverses même dans des substances semblables; elle ne |4 laisse rien à l'autorité de Dieu; elle fait de ses opinions les lois de sa nature. Je la supporterais, si elle me prouvait que, née avec la nature, elle en connaît tous les secrets. Elle a cru puiser sa science dans des lettres sacrées, comme elle les appelle, parce que l'antiquité a regardé comme des dieux, à plus forte raison comme des êtres divins, la plupart des auteurs: témoin Mercure l'Egyptien, que fréquenta principalement Platon; témoin Silène le Phrygien, auquel Midas confia ses immenses oreilles, lorsque des pâtres le lui eurent amené; témoin Hermotime, auquel les habitants de Clazomène érigèrent un temple après sa mort; témoin Orphée; témoin Musée; témoin Phérécyde, maître de Pythagore. Mais que nous importe? puisque ces philosophes ont dirigé leurs excursions sur des livres qui chez nous sont condamnés comme apocryphes, assurés que nous sommes qu'il ne faut rien admettre qui ne s'accorde avec la prophétie véritable et qui précéda le monde lui-même. Nous nous rappelons d'ailleurs les faux prophètes, et bien avant eux, les anges apostats qui ont inondé la face de l'univers du poison de leurs ruses et de leur malice.
Enfin, s'il est à présumer que tous ces hommes en quête de la sagesse ont interrogé les prophètes eux-mêmes, par simple curiosité, toutefois on rencontre chez les philosophes plus de dissonnance que d'accord, puisque l'on surprend beaucoup de différences dans les membres d'une même école. Rencontrent-ils des principes véritables et conformes aux prophètes? ou ils leur donnent une autre autorité, ou ils les altèrent au détriment de la vérité, au secours de laquelle ils appellent le faux, ou qu'ils mettent au service de l'erreur. Ce qui nous divise nous et les philosophes, dans la matière présente surtout, c'est que tantôt ils revêtent d'arguments qui leur sont propres, mais opposés en quelque point à notre règle, des maximes communes à tous; tantôt il fortifient des maximes qui leur sont propres par des arguments qui appartiennent à tous, et ont quelque conformité avec leurs principes: si bien que la vérité est à peu |5 près exclue de la philosophie, grâce aux poisons dont elle Ta infectée. Voilà pourquoi, à ce double titre, qui est l'ennemi de la vérité, nous nous sentons pressé de dégager les maximes communes à tous, de l'argumentation des philosophes; ainsi que l'argumentation commune à tous, de leurs propres principes, en rappelant les questions aux Lettres divines, à l'exception toutefois de ce qu'il nous sera permis de prendre comme simple témoignage, sans le piège de quelque préjugé, parce qu'il est quelquefois nécessaire d'emprunter à son antagoniste un témoignage, quoiqu'il ne profite pas à l'antagoniste. Je n'ignore pas combien les philosophes ont entassé de volumes sur cette matière: le nombre de leurs commentateurs le dit assez. Que de principes contraires! que de luttes d'opinions! que de sources de difficultés! quelle incertitude dans les solutions!
De plus, j'ai vu la Médecine, sœur de la Philosophie, comme on dit, travailler à établir qu'à elle principalement appartient l'intelligence de l'âme, par les soins qu'elle donne au corps. De là viennent ses dissidences avec sa sœur, parce qu'elle prétend mieux connaître l'âme en la traitant au grand jour, pour ainsi parler, et dans son domicile lui-même. Mais que nous importe le mérite de ces pompeuses réclamations? Pour étendre leurs recherches sur l'âme, la Philosophie a eu la liberté de son esprit, et la Médecine la nécessité de son art. On va chercher au loin les choses incertaines; d'éternelles disputes s'engagent sur des conjectures; plus la difficulté de prouver est grande, plus il en coûte pour persuader; de sorte que ce ténébreux Heraclite, en apercevant de plus épais brouillards chez tous ceux qui recherchaient la nature de l'âme, s'écria par fatigue de ces interminables questions: « J'ai parcouru tous les chemins, sans jamais rencontrer les limites de l'âme. » Le Chrétien, lui, n'a pas besoin de longs discours pour s'éclairer sur cette matière. La précision marche toujours avec la certitude; il ne lui est pas permis de chercher plus qu'il ne doit découvrir. Car l'Apôtre « défend |6 ces questions sans fin. » Or on ne peut trouver rien au-delà de ce qui est enseigné par Dieu: ce que Dieu enseigne, voilà toute la science.