Edition
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De Anima
XXX.
[1] Quid autem ad cetera respondebimus? Primo enim, si ex mortuis uiui, sicut mortui ex uiuis, unus omnino et idem numerus semper haesisset omnium hominum, ille scilicet numerus qui primus uitam introisset. Priores enim mortuis uiui, dehinc mortui ex uiuis et rursus ex mortuis uiui. Et dum hoc semper ex iisdem, ita totidem semper, qui ex iisdem. Nam neque plures aut pauciores exissent quam redirent. [2] Inuenimus autem apud commentarios etiam humanarum antiquitatum paulatim humanum genus exuberasse, dum Aborigines uel uagi uel extorres uel gloriosi quique occupant terras, ut Scythae Parthicas, ut Temenidae Peloponnesum, ut Athenienses Asiam, ut Phryges Italiam, ut Phoenices Africam, dum sollemnes etiam amigrationes, quas ἀποικίας uocant, consilio exonerandae popularitatis in alios fines examina gentis eructant. Nam et origines nunc in suis sedibus permanent et alibi amplius gentilitatem fenerauerunt. [3] Certe quidem ipse orbis in promptu est cultior de die et instructior pristino. Omnia iam peruia, omnia nota, omnia negotiosa, solitudines famosas retro fundi amoenissimi oblitterauenint, siluas arua domuerunt, feras pecora fugauerunt, harenae seruntur, saxa panguntur, paludes eliquantur, tantae urbes quantae non casae quondam. Iam nec insulae horrent nec scopuli terrent; ubique domus, ubique populus, ubique respublica, ubique uita. [4] Summum testimonium frequentiae humanae: onerosi sumus mundo, uix nobis elementa sufficiunt, et necessitates artiores, et querellae apud omnes, dum iam nos natura non sustinet. Reuera lues et fames et bella et uoragines ciuitatum pro remedio deputanda, tamquam tonsura insolescentis generis humani; et tamen, cum eiusmodi secures maximam mortalium uim semel caedant, nunquam restitutionem eius uiuos ex mortuis reducentem post mille annos semel orbis expauit. Et hoc enim sensibile fecisset aequa uis amissionis et restitutionis, si uiui ex mortuis fierent. [5] Cur autem mille annis post et non statim ex mortuis uiui, cum, si non statim supparetur quod erogatum, in totum absumi periclitetur praeueniente restitutionem defectione, quia nec pariasset commeatus hic uitae miliario tempori longe scilicet breuior et idcirco facilior ante extingui quam redaccendi? Igitur quae hoc modo intercidisset, si uiui ex mortuis fierent, quando non intercidit, non erit credendum uiuos ex mortuis fieri.
Übersetzung
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De l'âme
XXX.
Mais que répondre à tout le reste? D'abord si les |61 vivants naissaient des morts, de même que les morts des vivants, le nombre des hommes serait demeuré immuable et identique à celui des hommes qui entrèrent la première fois dans la vie. Car les vivants ont devancé les morts; puis les morts après les vivants; puis encore les vivants après les morts. Et en naissant toujours les uns des autres, le nombre ne s'en serait jamais accru, puisqu'ils naissent toujours des mêmes. Jamais plus d'ames, jamais moins d'ames pour sortir que pour rentrer. Cependant nous lisons dans les monuments des antiquités humaines, que le genre humain s'est accru par degré, soit que les peuples aborigènes, nomades, bannis ou conquérants s'emparent de nouvelles terres, tels que les Scythes envahissant l'empire des Parthes, Amyclée le Péloponèse, Athènes l'Asie, les Phrygiens l'Italie, les Phéniciens l'Asie; soit que les migrations ordinaires, nommées apœcies, afin de se débarrasser d'un surcroît de population, versent sur les frontières éloignées l'essaim d'une nation. Car les Aborigènes restent aujourd'hui dans leurs demeures, et ils ont multiplié ailleurs leur nation. Assurément il suffit de jeter les yeux sur l'univers pour reconnaître qu'il devient de jour en jour plus riche et plus peuplé qu'autrefois. Tout est frayé; tout est connu; tout s'ouvre au commerce. De riantes métairies ont effacé les déserts les plus fameux; les champs ont dompté les forêts; les troupeaux ont mis en fuite les animaux sauvages; les sables sont ensemencés; l'arbre croît sur les pierres; les marais sont desséchés; il s'élève plus de villes aujourd'hui qu'autrefois de masures. Les îles ont cessé d'être un lieu d'horreur; les rochers n'ont plus rien qui épouvante; partout des maisons, partout un peuple, partout une république, partout la vie. Comme témoignage décisif de l'accroissement du genre humain, nous sommes un fardeau pour le monde; à peine si les éléments nous suffisent; les nécessités deviennent plus pressantes; cette plainte est dans toutes les bouches: la nature va nous manquer. Il est bien vrai que les pestes, |62 les famines, les guerres, les gouffres qui ensevelissent les cités, doivent être regardés comme un remède, espèce de tonte pour les accroissements du genre humain. Toutefois, quoique ces sortes de haches moissonnent à la fois une grande multitude d'hommes, jamais cependant l'univers n'a encore vu avec effroi, au bout de mille ans1, la résurrection de cette multitude, ramenant la vie après la mort. La balance entre la perte et le rétablissement aurait cependant rendu la chose sensible, s'il était vrai que les vivants naquissent des morts. Ensuite, pourquoi les morts revivent-ils au bout de mille ans, et non pas aussitôt, puisque si l'objet disparu n'est pas réparé sur-le-champ, il court risque d'être complètement anéanti, la perte l'emportant sur la compensation? En effet, la course de la vie présente ne serait pas en proportion avec cette révolution de mille ans, puisqu'elle est beaucoup plus courte, et conséquemment plus facile à éteindre qu'à rallumer. Ainsi, la perte et le rétablissement n'ayant pas lieu, tandis qu'ils devraient survenir si les morts renaissaient des vivants, il est faux que la mort engendre la vie.
Platon avait dit dans le Phèdre, et au 10e livre de la République, qu'au bout de mille ans, le genre humain aurait complètement réparé ses pertes: Universam orbis fore restitutionem post mille annos. ↩