Übersetzung
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De l'âme
LI.
L'œuvre de la mort est assez connue; elle sépare l'âme d'avec le corps, mais pour laisser à l'âme cette immortalité que plusieurs, faute d'être instruits par Dieu, défendent faiblement. Telle est même l'indigence de leurs raisonnements, qu'ils veulent nous persuader que certaines âmes demeurent attachées au corps, même après la |99 mort. C'est dans ce sens que Platon, quoiqu'il envoie immédiatement au ciel les âmes qu'il lui plaît, nous parle néanmoins, dans sa République1, du cadavre d'un homme laissé sans sépulture, mais qui se conserva longtemps sans se corrompre, parce que l'âme ne l'avait pas abandonné. C'est dans ce sens que Démocrite remarque que les ongles et les cheveux croissent pendant quelque temps dans le tombeau. Or, la qualité de l'air peut avoir arrêté la dissolution de ce corps. En effet, ne se peut-il pas qu'un air plus brûlant, qu'un sol plus imprégné de sel, que la substance du corps elle-même, plus desséchée, enfin que le genre de mort, eussent enlevé d'avance à la corruption tous ses éléments? Quant aux ongles, comme ils sont l'origine des nerfs, il ne faut pas s'étonner que, dans la résolution et l'allongement des nerfs, ils s'allongent eux-mêmes, et paraissent s'étendre de plus en plus à mesure que la chair s'affaiblit. Les cheveux sont alimentés aussi par la cervelle, qui doit à son rempart secret de résister plus long-temps. D'ailleurs, chez les vivants eux-mêmes, la chevelure abonde ou disparaît suivant l'abondance de la cervelle. Tu as le témoignage des médecins.
Il y a plus. Il est certain qu'il ne demeure pas la moindre parcelle de l'âme dans le corps, condamné lui-même à disparaître un jour, aussitôt que le temps aura détruit tout le théâtre de ce corps. Voilà pourquoi quelques-uns ne veulent pas qu'on lui rende les honneurs funèbres par le feu, afin d'épagner le superflu de l'âme. Mais cette piété a son principe dans une autre cause qui, loin de ménager les restes de l'âme, a en horreur cette cruauté, même à l'égard du corps lui seul, parce que ce corps humain n'a pas mérité la barbarie de ce supplice.
D'ailleurs, l'âme étant indivisible, puisqu'elle est immortelle, nous oblige à croire que la mort est indivisible, |100 survenant indivisiblement pour l'âme, non pas en tant qu'immortelle, mais en tant qu'indivisible. Or, la mort se divisera si l'âme se divise aussi, le superflu de l'âme devant mourir un jour: ainsi une portion de la mort demeurera avec une portion de l'âme. Qu'il existe des vestiges de cette opinion, je ne l'ignore pas. Je l'ai appris par l'exemple d'un des miens. J'ai connu une femme, née de parents chrétiens, morte dans la fleur de l'âge et de la beauté, peu de temps après un mariage unique. Elle s'était endormie dans la paix du Seigneur. Avant que l'on procédât à sa sépulture, au moment où le prêtre prononçait les prières, au premier souffle de l'oraison, elle écarta les mains de sa poitrine, les croisa dans l'attitude d'une suppliante, et ne les laissa retomber à leur place qu'après que les prières eurent été achevées.
Il court chez les nôtres un autre récit. On veut que dans un cimetière un corps se soit retiré pour céder l'espace à un autre corps que l'on plaçait auprès de lui. Si on raconte quelque chose de semblable chez les païens, c'est que Dieu déploie partout les signes de sa puissance pour servir de consolation aux siens, de témoignage aux étrangers. J'aime mieux attribuer cette merveille à Dieu qu'aux restes de l'âme, qui, s'ils existaient, auraient remué aussi leurs autres membres, et n'eussent-ils remué que leurs mains, ce n'eût pas été pour prier. Quant à ce corps, non-seulement il eût cédé la place à son frère, mais il se fût porté secours à lui-même, en changeant de situation. De quelque part que procèdent ces choses, il est certain qu'il faut les mettre sur le compte du prodige et du phénomène, plutôt que d'y voir le cours régulier de la nature. Si la mort n'arrive pas toute entière et d'une seule fois, elle n'existe pas. S'il reste une parcelle de l'âme, c'est la vie: la mort ne se mêlera pas plus à la vie que la nuit au jour.
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Liv. 10. ↩
Edition
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De Anima
LI. NIHIL ANIMAE IN CORPORE SVBREMANERE.
[1] Opus autem mortis in medio est, discretio corporis animaeque. Sed quidam ad immortalitatem animae, quam quidem non a deo edocti infirme tuentur, ita argumentationes emendicant, ut uelint credi etiam post mortem quasdam animas adhaerere corporibus. [2] Ad hoc enim et Plato, etsi quas uult animas ad caelum statim expedit, in Politia tamen cuiusdam insepulti cadauer opponit longo tempore sine ulla labe prae animae scilicet indiuiduitate seruatum. Ad hoc et Democritus crementa unguium et comarum in sepulturis aliquanti temporis denotat. [3] Porro et aeris qualitas corpori illi potuit tutela fuisse. Quid enim, si aridior aer et solum salsius? Quid, si et ipsius corporis substantia exsuccior? Quid, si et genus mortis ante iam corruptelae materias erogarat? Vngues autem cum exodia neruorum sint, merito neruis resolutione porrectis prouectiores et cotidie deficiente carne expelli uidentur. Comae quoque alimenta de cerebro, quod aliquamdiu durare praestat secreta munitio. Denique in uiuentibus etiam pro cerebri ubertate uel affluit capillago uel deserit. Habes medicos. [4] Sed nec modicum quid animae subsidere in corpore est decessurum quandoque et ipsum, cum totam corporis scenam tempus aboleuerit. Et hoc enim in opinione quorundam est; propterea nec ignibus funerandum aiunt parcentes superfluo animae. Alia est autem ratio pietatis istius, non reliquiis animae adulatrix, sed crudelitatis etiam corporis nomine auersatrix, quod et ipsum homo non utique mereatur poenali exitu impendi. [5] Ceterum anima indiuisibilis, ut immortalis, etiam mortem indiuisibilem exigit credi, non quasi immortali, sed quasi indiuisibili animae indiuisibiliter accidentem. Diuidetur autem et mors, si et anima, superfluo scilicet animae quandoque morituro; ita portio mortis cum animae portione remanebit. [6] Nec ignoro aliquod esse uestigium opinionis istius. De meo didici. Scio feminam quandam uernaculam ecclesiae, forma et aetate integra functam, post unicum et breue matrimonium cum in pace dormisset et morante adhuc sepultura interim oratione presbyteri componeretur, ad primum halitum orationis manus a lateribus dimotas in habitum supplicem conformasse rursumque condita pace situi suo reddidisse. [7] Est et illa relatio apud nostros, in coemeterio corpus corpori iuxta collocando spatium accessui communicasse. Si et apud ethnicos tale quid traditur, ubique deus potestatis suae signa proponit, suis in solacium, extraneis in testimonium. Magis enim credam in testimonium ex deo factum quam ex ullis animae reliquiis, quae si inessent, alia quoque membra mouissent, et si manus tantum, sed non in causam orationis. Corpus etiam illud non modo fratri cessisset, uerum et alias mutatione situs sibimet ipsi refrigerasset. [8] Certe undeunde sunt ista, signis potius et ostentis deputanda, naturam facere non possunt. Mors, si non semel tota est, non est; si quid animae remanserit, uita est; non magis uitae miscebitur mors quam diei et nox.