X.
Il appartient à l'essence de la foi de déclarer avec Platon que l'âme est simple, c'est-à-dire uniforme, en tant que substance. Qu'importent les arts et les disciplines? Qu'importent les hérésies? Quelques-uns en effet veulent qu'il y ait en elle une autre substance naturelle, l'esprit, comme si autre chose était vivre, qui vient de lame, et autre chose respirer, qui a lieu par le souffle. Tous les animaux ne possèdent pas l'un et l'autre. La plupart vivent seulement, mais ne respirent pas, parce qu'ils n'ont pas les organes de la respiration, les poumons et les artères. Mais, dans l'examen de l'âme humaine, quelle misère que d'emprunter ses arguments au moucheron et à la fourmi, puisque la sagesse de Dieu a donné à chaque animal des propriétés vitales, en rapport avec son espèce, de sorte que l'on ne peut tirer de là aucune conjecture! En effet, parce que l'homme est organisé avec des poumons et des artères, ce ne sera pas une raison pour qu'il respire d'une manière et qu'il vive de l'autre. De même, si la fourmi est dépourvue de cet appareil, ce ne sera pas une raison pour qu'on lui refuse la respiration, comme ne faisant que vivre. Qui donc a pénétré assez profondément dans les œuvres de Dieu pour décider que ces organes manquent à quelque animal? Cet Hérophile, médecin ou anatomiste, qui disséqua des milliers de corps pour interroger la nature, qui déteste l'homme pour le connaître, en a-t-il exploré toutes les merveilles intérieures? Je n'oserais le dire, parce que la mort change ce qui avait vécu, surtout quand elle n'est pas uniforme et s'égare jusque parmi les procédés de la dissection. Les philosophes ont déclaré comme certain que les moucherons, les fourmis et les teignes n'avaient ni poumons, ni artères. Curieux investigateur, réponds-moi? Ont-ils des yeux pour voir? Et cependant ils se dirigent où ils veulent, ils évitent et ils désirent les choses qu'ils connaissent par la vue. Montre-moi leurs yeux; indique-moi leurs prunelles! Les teignes mangent. Fais-moi voir leurs mâchoires et leurs dents! Les |18 moucherons bruissent, lumineux pour nos oreilles jusque pendant les ténèbres. Montre-moi cependant et la trompette et l'aiguillon de cette bouche! Un animal, quel qu'il soit, fût-il réduit à un point, se nourrit nécessairement de quelque chose. Produis-moi ses organes destinés à transmettre, à digérer, et à expulser les aliments! Que dirons-nous donc? Si c'est par ces appareils que l'on vit, tous ces appareils se rencontreront dans tous les êtres qui vivent, quoiqu'ils ne puissent être ni vus, ni touchés, à cause de leur exiguité. Tu ne seras que plus disposé à le croire, si tu te rappelles que la sagesse et la puissance de Dieu éclatent dans les plus petites choses aussi bien que dans les plus grandes. Si, au contraire, tu ne penses pas que l'habileté de Dieu soit capable de produire des corps si faibles, reconnais au moins sa magnificence, puisque sans le secours des appareils nécessaires à la vie, il a néanmoins organisé la vie dans des animaux si exigus, leur accordant la faculté de voir sans yeux, la faculté de manger sans dents, la faculté de digérer sans estomac; de même que d'autres marchent sans pieds, les serpents avec une impétuosité qui glisse, les vers avec un effort qui se dresse, les limaçons en rampant avec une bave écumeuse. Pourquoi donc ne croirais-tu pas que l'on pût respirer sans le soufflet des poumons et le canal des artères, regardant comme un irrésistible argument, que la respiration est ajoutée à l'âme humaine, parce qu'il y a des êtres qui ne respirent pas, et qu'ils ne respirent pas, parce qu'ils sont dépourvus des organes de la respiration? Quoi! tu penses qu'un être peut vivre sans respirer, et tu ne crois pas qu'il puisse respirer sans poumons? Qu'est-ce, à ton avis, que respirer? C'est, j'imagine, émettre un souffle hors de soi. Qu'est-ce que ne pas vivre? Ne pas émettre, j'imagine, un souffle hors de soi. Voilà ce que je devrai répondre, si respirer n'est pas la même chose que vivre. Mais le propre d'un mort sera de ne pas émettre de souffle; donc le propre d'un être vivant est d'émettre un souffle. Mais d'autre part le propre de ce |19 qui respire est d'émettre un souffle, donc aussi respirer est le propre de ce qui vit. Si l'un et l'autre n'avaient pu s'accomplir sans l'âme, l'âme n'eût pas respiré; elle se fût bornée à vivre. Mais vivre, c'est respirer, et respirer, c'est vivre. Ainsi, cette double faculté, respirer et vivre, appartient tout entière à qui appartient la vie, c'est-à-dire à l'âme.
Enfin si tu sépares l'esprit et l'âme, sépare aussi les œuvres: que tous les deux agissent de leur côté, l'âme à part, l'esprit à part; que l'âme vive sans l'esprit; que l'esprit respire sans l'âme; que l'un abandonne le corps, que l'autre demeure; que la mort et la vie se donnent la main, Car enfin, s'il y a deux êtres, une âme et un esprit, ils peuvent se diviser, afin que par leur séparation, l'un se retirant, l'autre restant, s'opère la réunion de la mort et de la vie. Mais jamais il n'en arrivera ainsi. Donc ces choses qui ne peuvent se diviser ne sont pas, puisqu'elles pourraient se diviser, si elles étaient deux. Toutefois il est permis à deux substances d'être inséparablement unies. Mais elles cesseront d'être unies, si respirer n'est pas la même chose que vivre. Ce sont les œuvres qui distinguent les substances: et combien il est plus raisonnable de croire que l'âme et l'esprit ne sont qu'un, puisque tu ne leur assignes aucune diversité, de sorte que l'âme est la même chose que l'esprit, la respiration appartenant au même être qui a le droit de vivre. Quoi donc? C'est vouloir que le jour soit différent de la lumière qui produit le jour. Il y a différentes espèces de lumières, dis-tu, comme le témoigne le ministère du feu. D'accord; il y a aussi différentes espèces d'esprits, ceux qui viennent de Dieu, ceux qui viennent du démon. Ainsi, quand il s'agit de l'âme et de l'esprit, l'âme sera l'esprit, de même que le jour est la lumière. Une chose est identique avec la chose par qui elle existe.