XIV.
L'âme d'ailleurs est une, simple, et formée tout entière d'elle-même; elle n'est pas plus composée de parties étrangères que divisibles, parce qu'elle ne peut pas se dissoudre. Composée de parties étrangères, elle pourrait se dissoudre et alors elle perdrait l'immortalité. Par conséquent, de ce qu'elle n'est pas mortelle, elle n'est pas divisible et ne peut se dissoudre. En effet, se diviser, c'est se dissoudre; se dissoudre, c'est mourir. Or elle sera divisée en différentes parties, tantôt en deux par Platon, tantôt en trois par Zenon, tantôt en cinq et en six par Panœtius, tantôt en sept par Soranus, tantôt en huit chez Chrysippe, même jusqu'en dix chez quelques stoïciens, et en plus de deux chez Posidonius, qui, parlant de deux principes, l'hégémonicon ou le dirigeant, le logicon ou le raisonnable, les divise ensuite en douze: c'est ainsi qu'on partage l'âme en différentes parties. Mais elles seront moins des parties de l'âme que des propriétés, des énergies, des œuvres, ainsi qu'Aristote lui-même a jugé de quelques-unes. En effet, ce ne sont pas des organes d'une substance animale, mais des aptitudes, telles que le mouvement, l'action, la pensée et les autres distinctions de même nature, à peu près comme les cinq sens si connus, la vue, l'ouïe, le |25 goût, le toucher et l'odorat. Quoique les philosophes aient assigné à chacune de ces facultés des domiciles certains dans le corps de l'homme, cela ne veut pas dire que celle distribution de l'âme implique la division de l'âme, puisque le corps lui-même n'est pas partagé en membres, comme ceux-ci voudraient qu'il en fût de l'âme. Loin de là! de cette multitude de membres se forme un seul et môme corps, de sorte que cette division elle-même est plutôt une incorporation. Considère l'étonnante merveille d'Archimède, je veux dire cette machine hydraulique, où tant de rouages, tant de parties diverses, tant d'assemblages, tant d'issues pour les voix, tant de sons réunis, tant d'harmonie dans les rhythmes, tant d'armées de flûtes, ne forment qu'une masse indivisible. De même l'air qui gémit par le mouvement de l'eau ne se fractionne pas en mille portions, parce qu'il est distribué différemment, partout le même dans sa substance, quoique divisé dans ses effets. Cet exemple se rapproche assez de Straton, d'Œnésidème et d'Heraclite; car ils soutiennent l'unité de l'âme, qui, répandue dans tout le corps et partout la même, comme le souffle qui sort d'un roseau à travers les différentes issues, se manifeste de différentes manières par nos sens, moins divisée que répartie. De quel nom faut-il appeler toutes ces choses? par quelles divisions se touchent-elles? dans quelles parties du corps sont-elles confinées? Cet examen appartient plutôt aux médecins et aux philosophes: pour nous, peu de choses nous conviendront.