LV.
Pour nous, nous ne croyons pas que les enfers soient un souterrain tout nu, ni une sentine recouverte d'un toit dans quelque partie du monde; c'est une vaste étendue dans l'intérieur de la terre, profonde et cachée jusque dans ses entrailles elles-mêmes. Nous lisons, en effet, que Jésus-Christ passa les trois jours de sa mort dans le cœur de la terre, c'est-à-dire dans sa cavité secrète, intérieure, cachée sous la terre, enfermée dans la terre, et placée sur les abîmes inférieurs eux-mêmes. Que si, tout Dieu qu'il était, le Christ, en sa qualité d'homme néanmoins, mort selon les Ecritures, et enseveli selon les mêmes, se conforma dans les enfers aux lois de la mort humaine; « que s'il ne monta point au plus haut des deux avant d'être descendu dans les parties les plus basses de la terre, » pour se manifester aux patriarches et aux prophètes, tu as lieu de croire que la région des enfers est placée sous terre, et de heurter du coude ceux qui, avec un peu trop d'orgueil, s'imaginent que les enfers ne sont pas dignes de recevoir les âmes des fidèles, « serviteurs au-dessus du Seigneur, disciples au-dessus du maître, » |106 dédaignant en quelque manière la consolation d'attendre la résurrection dans le sein d'Abraham.
---- Mais, répondra-t-on, Jésus-Christ est descendu aux enfers, pour nous en dispenser; d'ailleurs, quelle différence entre les païens et les Chrétiens, si les morts sont enfermés dans le même cachot? ---- Comment l'âme monterait-elle au ciel, « lorsque le Christ y siège encore à la droite du Père; lorsque l'ordre de Dieu n'a pas été encore entendu par la trompette de l'archange; lorsque ceux que l'avènement du Seigneur aura trouvés vivants, n'ont pas encore pris leur vol pour aller à sa rencontre dans les airs, avec ceux qui, étant morts dans le Christ, ressusciteront les premiers? » Le ciel ne s'ouvre pour personne tant que la terre est sauve, pour ne pas dire fermée. Ce n'est qu'à la consommation du monde que les royaumes des cieux élargiront leurs portes.
---- Mais nous dormirons donc dans l'éther avec les beaux garçons de Platon; ou dans l'air avec Arius; ou dans les environs de la lune, avec les Endymions des stoïciens?
---- Non, répondrai-je, mais dans le paradis, où déjà les patriarches et les prophètes, appendices de la résurrection du Seigneur, habiteront après avoir quitté les enfers. Et comment la région du paradis, placée sous l'autel, et révélée à Jean dans le ravissement de l'esprit, ne lui montra-t-elle d'autres aines dans son sein que les âmes des martyrs? Comment l'héroïque martyre Perpétue, dans la révélation du paradis au jour de sa passion, n'y aperçut-elle que les compagnons de son martyre, sinon parce que l'épée flamboyante, qui garde le paradis, n'en ouvre la porte qu'à ceux qui sont morts dans le Christ et non dans Adam? La mort nouvelle pour Dieu, la mort extraordinaire pour le Christ, est reçue dans un autre domicile particulier. Reconnais donc la différence qui caractérise la mort d'un fidèle et celle d'un païen! Si tu succombes pour Dieu, comme le Paraclet nous en avertit, non pas dans les langueurs de la fièvre, ni sur ta couche funèbre, mais dans |107 la constance du martyre; si tu portes ta croix et que tu suives le Seigneur, ainsi qu'il l'a prescrit, la clef du paradis est aussitôt le prix de ton sang. Tu as d'ailleurs un de nos traités, intitulé Paradis, où nous établissons que toutes les âmes sont tenues en réserve dans les lieux bas de la terre jusqu'au jour du Seigneur.