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Le scorpiâque, antidote contre la morsure des scorpions
XI.
Nous démontrerons de la même manière que tout le reste s'applique également au martyre. « Celui qui estime sa vie plus que moi n'est pas digne de moi; » c'est-à-dire le Chrétien qui aimera mieux vivre en me désavouant que mourir en me confessant. « Celui qui garde sa vie la perdra; mais celui qui la perdra pour moi la trouvera. » Conséquemment le Chrétien garde sa vie, lorsqu'il la rachète par l'apostasie. Mais il perdra dans l'enfer cette vie qu'il croit avoir gagnée par l'apostasie. Le martyr qui meurt en confessant perd la vie du temps; mais il retrouvera la vie de l'éternité. Les magistrats eux-mêmes ne nous disent-ils pas, pour nous engager au parjure: Sauvez votre vie; n'allez pas vous perdre? Quel langage tiendra le Christ, sinon un langage conforme au sort du chrétien?
« Lorsqu'ils vous feront comparaître devant leur tribunal, ne vous inquiétez pas comment vous parlerez. » Ici Jésus-Christ donne ses instructions à ses serviteurs, et leur promet que l'Esprit saint répondra par leurs lèvres. Nous ordonne-t-il de visiter notre frère dans le cachot? c'est le confesseur qu'il nous ordonne de soigner. Affirme-t-il que «Dieu vengera ses élus? » c'est encore les souffrances du martyr qu'il console. Que signifie encore la parabole de la semence qui sèche sur un sol aride, sinon l'ardeur de la persécution? Si rien de tout cela ne doit se prendre dans un sens naturel, assurément ces paroles cachent quelque mystère, et disent une chose, tandis que le sens en dit une autre, comme dans l'allégorie, la parabole ou l'énigme.
Quelle que soit la vaine argumentation dont se gonflent nos scorpions, quel que soit le dard avec lequel ils blessent, je ne veux plus qu'une preuve. Nous en appelons aux faits eux-mêmes: sont-ils conformes à la lettre des Ecritures? Les Ecritures ont voulu réellement désigner tout autre chose, si ces mêmes événements ne sont pas consignés dans les Ecritures. Ce qui est écrit devra infailliblement arriver. Or, ce qui est écrit arrivera, si autre chose n'arrive pas. Mais voilà que nous sommes pris en haine par tous les hommes, à cause de notre nom, ainsi qu'il est écrit; nous sommes livrés par nos proches, ainsi qu'il est écrit; nous sommes traînés devant les puissances, interrogés, torturés et immolés en confessant, ainsi qu'il est écrit. Le Seigneur l'a déclaré de cette manière. S'il l'a déclaré dans un autre sens, pourquoi les événements n'arrivent-ils pas tout autrement qu'il ne l'a déclaré? c'est-à-dire, comme on prétend qu'il l'a déclaré. Mais non; ils n'arrivent pas autrement qu'il ne l'a déclaré. Donc ils arrivent comme il l'a déclaré; et il les a déclarés comme ils arrivent. Car il ne leur aurait pas été permis d'arriver autrement qu'il ne l'a déclaré, et lui-même ne les aurait pas annoncés autrement qu'il n'aurait voulu qu'ils arrivassent. Ainsi les Ecritures ne signifieront pas autre chose que ce que nous lisons dans les événements. Ou si les événements qui ont été prédits ne s'accomplissent pas encore, comment donc s'accomplissent ceux qui n'ont pas été prédits? En effet, ceux qui s'accomplissent n'ont pas été prédits, si la prédiction et les événements sont en contradiction. Mais aujourd'hui que les événements sont d'accord avec les paroles et les paroles avec les événements, on vient nous dire que les paroles ont un tout autre sens. Qu'arriverait-il donc si les événements avaient pris un autre cours? Rejeter les faits et admettre des conjectures, voilà le renversement de la foi. A cette déplorable confusion d'idées, je réponds que si les événements qui s'accomplissent, tels qu'ils sont écrits, ne sont pas ceux qu'annonce la prédiction, il faut exclure ceux qui ne doivent pas s'accomplir tels qu'ils sont écrits, de peur qu'ils ne périclitent eux-mêmes, à l'exemple des premiers. Puisque les événements et les paroles se contredisent, il en résulte donc que des événements ne peuvent pas sembler avoir été prédits, s'ils sont prédits tout autrement qu'ils ne doivent s'accomplir. Et comment ne pas refuser sa foi à des prédictions1 que démentent les faits? Ainsi les hérétiques, en croyant des prédictions que ne justifient pas les événements, croient ce qui n'a pas été prédit.
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On lit avec l'Omniloquium de Moreau: Et quomodo meritò non credentur quae erunt praedicata quia non ità erunt praedicata quomodo eveniunt. ↩
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Scorpiace
XI.
[1] Eadem igitur forma cetera quoque ad martyrii statum pertinere defendimus. Qui pluris, inquit, fecerit etiam animam suam quam me, non est me dignus, id est qui maluerit uiuere me negando quam mori confitendo, et, qui animam suam inuenerit, perdet illam, qui uero perdiderit mei causa, inueniet illam. [2] Perinde enim inuenit eam qui negat lucri faciendo uitam, ut perdet in gehennam qui se putat negando lucri facere eam. Perdet autem eam ad praeSens qui confessus occiditur, sed et inuenturus eam in uitam aeternam. [3] Ipsi denique praesides cum cohortantur negationi, serua animam tuam! Dicunt, et, noli animam tuam perdere! Quomodo loqueretur Christus, nisi quomodo tractaretur Christianus? Sed cum prohibet meditari responsionem ad tribunal, famulos suos instruit, Spiritum sanctum responsurum repromittit, et cum in carcere fratrem uult uisitari, confessoris imperat curam, et cum deum uindictam facturum electorum suorum affirmat, passiones consolatur illorum, etiam in parabola seminis post cespitem arefacti persecutionum figurat ardorem. [4] Haec si non ita accipiuntur, quemadmodum pronuntiantur, sine dubio praeter quam sonant sapiunt, et aliud in uocibus erit, aliud in sensibus, ut allegoriae, ut parabolae, ut aenigmata. Quemcumque igitur conceperint uentum argumentationis scorpii isti, quocunque se acumine inpegerint, una iam linea est, ad ipsas res prouocabuntur, an secundum scripturas transigantur. [5] Siquidem tunc aliud significabitur in scripturis, si non id ipsum reperiatur in rebus. Quod enim scriptum est, hoc euenire oportebit. Porro tunc eueniet quod est scriptum, si non aliter eueniet. Ecce autem et odio habemur ab omnibus hominibus nominis causa, quomodo et scriptum est, et tradimur etiam a proximis, quomodo et scriptum est, et perducimur ad potestates et interrogamur et torquemur et confitemur et trucidamur, quomodo et scriptum est. Sic dominus edixit. [6] Si aliter edixit haec, cur non aliter eueniunt quae edixit, id est quemadmodum edixit? Atquin non aliter eueniunt quam edixit; ergo sicut eueniunt, ita edixit et sicut edixit, ita eueniunt. Nam nec licuisset aliter euenire quam edixit nec ipse aliter edixisset quam euenire uoluisset. [7] Ita non aliud significabunt scripturae istae quam in rebus recognoscimus: aut, si nondum aguntur illa quae praedicantur, quomodo haec quae aguntur praedicata non sunt? Non sunt enim haec praedicata quae aguntur, si alia sunt quae praedicantur et non haec quae aguntur. At nunc quia ipsa sunt in rebus quae in uocibus aliter dicta creduntur, quid fieret, si aliter facta inuenirentur? [8] Sed haec erit peruersitas fidei, probata non credere, non probata praesumere. Cui peruersitati illud quoque opponam, ut, si haec, quae sic aguntur quemadmodum scripta sunt, non erunt ipsa quae praedicantur, alia quoque non debeant sic agi quemadmodum scripta sunt, ne et ipsa horum exemplo periclitentur excludi, siquidem aliud in uocibus, aliud in rebus est, et relinquitur nec praedicata uideri, cum euenerint, si aliter praedicantur, quam euenire habent. Et quomodo credentur quae non erunt praedicata