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Le Rétractations
2.
Mais il me déplaît dans ces livres d’avoir prononcé souvent encore le mot de « Fortune 1. » Je regrette aussi de n’avoir pas ajouté « du corps », quand j’ai nommé les sens 2 comme également d’avoir beaucoup attribué aux sciences libérales 3, qu’ignorent beaucoup de saints et que plusieurs connaissent sans être des saints. Je suis fâché d’avoir parlé des Muses, même en plaisantant, comme de déesses 4; d’avoir appelé « l’admiration » un défaut 5, et d’avoir dit de philosophes sans piété véritable, qu’ils avaient brillé de l’éclat de la vertu. De même j’ai, non pas sur la foi de Platon ou des Platoniciens, mais de moi-même, admis deux mondes, l’un sensible, l’autre intelligible, allant même jusqu’à supposer que Notre-Seigneur l’avait voulu enseigner, parce qu’il n’a pas dit: « Mon royaume n’est point du monde » mais «mon royaume n’est point de ce monde 6. » Il y a bien cependant quelque locution qui peut s’entendre ainsi; et si le Seigneur Jésus a eu en vue un autre monde, ce monde-là doit plus convenablement s’entendre de celui où il y aura une « nouvelle terre » et « de nouveaux cieux » alors que cette prière sera accomplie: « Que votre règne arrive 7 » Aussi Platon ne s’est-il pas trompé en ce qu’il a dit qu’il y a un monde intelligible ; si toutefois nous avons soin de faire attention à la chose même et non à un mot qui, sur cette matière, n’est pas dans les habitudes de l’Eglise. Il a appelé monde intelligible cette raison éternelle et immuable par laquelle Dieu a fait le monde. Si on niait cette raison, il faudrait admettre que Dieu a fait ce qu’il a fait sans raison, ou bien que, pendant qu’il le faisait ou avant qu’il le fit, il ne savait pas ce qu’il faisait; ce qui serait arrivé s’il n’y avait pas eu en lui la raison de le faire. Que si au contraire cette raison était en lui, ce dont on ne saurait douter, c’est elle que Platon paraît avoir voulu désigner sous le nom de monde intelligible. Toutefois, si nous eussions été assez avancé déjà dans les sciences ecclésiastiques, nous ne nous fussions pas servi de ce terme.
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Retractationes (PL)
2.
Verum et in his libris displicet mihi saepe interpositum fortunae vocabulum 1. Et quod non addebam, Corporis, quando sensus corporis nominavi 2. Et quod multum tribui liberalibus disciplinis 3, quas multi sancti multum nesciunt; quidam etiam, qui sciunt eas, sancti non sunt. Et quod Musas quasi aliquas deas, quamvis jocando, commemoravi 4. Et quod admirationem vitium nuncupavi 5. Et quod philosophos non vera pietate praeditos dixi virtutis luce fulsisse. Et quod duos mundos, unum sensibilem, alterum intelligibilem 6, non ex Platonis vel ex Platonicorum persona, sed ex mea sic commendavi, tanquam hoc etiam Dominus significare voluerit, quia non ait, Regnum meum non est de mundo; sed, Regnum meum non est de hoc mundo 7; cum possit et aliqua locutione dictum inveniri; et si alius a Domino Christo significatus est mundus, ille congruentius possit intelligi, in quo erit coelum novum et terra nova, quando complebitur quod oramus, dicentes, Adveniat regnum tuum 8. Nec Plato quidem in hoc erravit, [Col. 0589] quia esse mundum intelligibilem dixit, si non vocabulum quod ecclesiasticae consuetudini in re illa non usitatum est, sed ipsam rem velimus attendere. Mundum quippe ille intelligibilem nuncupavit ipsam rationem sempiternam atque incommutabilem, qua fecit Deus mundum. Quam qui esse negat, sequitur ut dicat, irrationabiliter Deum fecisse quod fecit; aut cum faceret, vel antequam faceret, nescisse quid faceret; si apud eum ratio faciendi non erat. Si vero erat, sicut erat, ipsam videtur Plato vocasse intelligibilem mundum. Nec tamen isto nomine nos uteremur, si jam satis essemus litteris ecclesiasticis eruditi.