5.
En un autre endroit, je me suis exprimé ainsi : « Mais lorsque cette charité fraternelle il aura nourri l’âme attachée à votre sein et l’aura fortifiée jusqu’à la rendre capable de suivre Dieu; aussitôt que sa majesté aura commencé à se dévoiler à l’homme autant qu’il lui suffit pendant son séjour sur cette terre, l’ardeur de la charité s’allume tellement, et c’est un tel incendie d’amour divin, que tous les vices sont consumés, l’homme purifié et sanctifié, et que la divinité de cette parole sacrée : Je suis un feu dévorant 1, se manifeste avec éclat. » Les Pélagiens pourraient penser que j’ai affirmé la possibilité d’une telle perfection dans la vie mortelle: qu’ils ne se l’imaginent point. Cette ardeur d’amour capable de monter à la suite de Dieu, et de consumer tous les vices, peut naître et grandir en cette vie; mais quant à achever ce pourquoi elle naît, et délivrer l’homme de tout vice, elle ne le peut. Cependant une aussi grande merveille s’accomplit par cette même ardeur d’amour, quand elle peut l’être et là où elle le peut, ainsi : comme le baptême de la régénération purifie de la culpabilité de tous les péchés qu’entraîne la tache originelle ou qu’a contractée l’iniquité humaine; de la même manière cette perfection purifie de toute la souillure des penchants mauvais dont l’infirmité humaine ne peut être exempte en cette vie. C’est dans ce sens, en effet, que doit être comprise cette parole de l’Apôtre: « Le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle; la purifiant dans le baptême de l’eau par la parole, afin qu’elle parût devant lui une Eglise glorieuse, sans tache, sans rides, sans quoi que ce fût de ce genre 2. » Car ici-bas est le baptême de l’eau par la parole, au moyen duquel l’Eglise est purifiée. Or, quand l’Eglise entière dit ici-bas : « Remettez-nous nos offenses 3, » elle n’est pas sans tache, sans ride, sans défaut de ce genre; et cependant c’est de ce qu’elle reçoit ici-bas qu’elle s’élève à la perfection, à cette gloire qui n’est pas d’ici-bas.