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Soliloquia (PL)
15.
A. Recte dicis; sed quid male concesserim non plane video: nisi forte id recte dici falsum quod habeat aliquam veri similitudinem, cum prorsus mihi nihil aliud dignum falsi nomine occurrat; et rursus tamen cogor fateri eo falsa vocari quae vocantur, quo a veris differunt. Ex quo conficitur eam ipsam dissimilitudinem causam esse falsitatis. Itaque conturbor; non enim mihi facile quidquam venit in mentem, quod contrariis causis gignatur. R. Quid, si hoc unum est in rerum natura genus, et solum quod ita sit? An ignoras, cum per animalium innumerabilia genera cucurreris, solum crocodilum inveniri qui superiorem in mandendo partem moveat; praesertim cum pene reperiri nihil queat ita cuique rei simile, ut non in aliquo etiam dissimile sit? A. Video quidem ista; sed cum considero illud quod falsum vocamus, et simile aliquid habere veri et dissimile, ex qua potius parte meruerit falsi nomen, non valeo discernere. Si enim ex eo quod dissimile est, dixero; nihil erit quod non falsum dici possit: nihil enim est quod non alicui rei dissimile sit, quam veram esse concedimus. Item, si dixero eo quod simile est, falsum appellandum; [Col. 0892] non solum ova illa reclamabunt quae vera eo ipso sunt quo simillima, sed etiam sic non effugiam eum qui me coegerit falsa esse omnia confiteri, quod omnia sibi ex aliqua parte similia esse negare non possum. Sed fac me non metuere illud respondere, similitudinem ac dissimilitudinem simul efficere ut aliquid falsum recte nominetur; quam mihi evadendi viam dabis? Instabitur enim nihilominus ut omnia falsa esse renuntiem; quippe omnia sibimet, ut supra dictum est, et similia quadam ex parte, et dissimilia reperiuntur. Restaret ut nihil aliud falsum esse dicerem, nisi quod aliter se haberet atque videretur, ni vererer illa tot monstra quae me dudum enavigasse arbitrabar. Nam eo rursum repellor vertigine inopinata, ut verum id esse dicam quod ita se habet ut videtur. Ex quo confit sine cognitore nihil verum esse posse: ubi mihi naufragium in scopulis occultissimis formidandum est, qui veri sunt, etiamsi nesciantur. Aut, si verum esse id quod est dixero, falsum non esse uspiam concludetur, quovis repugnante. Itaque redeunt illi aestus, nec quidquam tanta patientia morarum tuarum processisse me video.
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Les Soliloques
15.
A. Tu as raison, mais je ne vois pas bien ce que j'ai eu tort d'accorder. C'est peut-être d'avoir dit qu'on appelle faux ce qui a quelque ressemblance avec le vrai; et cependant je ne vois rien autre chose qui mérite le nom de faux, et je suis de nouveau forcé de reconnaître que les choses que l'on appelle fausses ne sont ainsi appelées que parce qu'elles diffèrent du vrai ; d'où l'on doit conclure que c'est la dissimilitude qui est la cause de la fausseté. Ainsi je suis dans le plus grand embarras, et mon esprit ne me présente rien qui vienne de causes opposées. — L. R. Et si c'était la seule chose dans la nature qui existât ainsi? Ignores-tu qu'après avoir étudié un grand nombre d'espèces d'animaux , on ne trouve que le seul crocodile qui remue la mâchoire supérieure en mangeant1 ? et ne sais-tu pas que l'on ne peut presque rien trouver de tellement semblable à une chose qui n'en diffère sous quelques rapports ? — A. Je conçois cela; mais lorsque je considère que ce que nous appelons faux possède quelque ressemblance et quelque différence avec le vrai, je ne puis apercevoir si c'est plutôt cette ressemblance ou cette différence qui lui mérite le nom de faux. Si je suppose que c'est la différence, il n'y aura rien qui ne puisse être appelé faux; car il n'y a point de chose qui ne diffère, sous quelques rapports, d'une autre que cependant nous disons vraie. Et, si je suppose que c'est la ressemblance qui fait qu'on appelle une chose fausse; comment répondre à l'exemple de ces neufs, qui sont vrais parce qu'ils sont exactement semblables , et de plus, comment réfuter celui qui me forcerait de convenir que toutes choses sont fausses, car je ne puis nier que toutes ne soient semblables sous quelque rapport? Et quand tu m'inspirerais le courage de lui répondre que c'est la similitude et la dissimilitude qui contribuent à la fuis à ce que l'on appelle une chose fausse, quel moyen me fourniras-tu de me tirer d'embarras? Il me pressera de nouveau d'avouer que toutes choses sont fausses, puisque toutes, ainsi qu'il a été dit plus haut, se ressemblent sous quelques rapports et diffèrent sous quelques autres. Il ne me resterait plus qu'à avancer qu'il n'y a de faux que ce qui est différent de ce qu'il paraît; mais je craindrais de rencontrer encore ces formidables écueils auxquels je me croyais échappé; car emporté par quelque tourbillon soudain , je serais de nouveau obligé de reconnaître que le vrai est ce qui est tel qu'il parait, d'où il suit qu'il ne peut y avoir rien de vrai, sans. quelqu'un qui le connaisse. Mais c'est ici que je dois craindre de heurter aux écueils cachés: ils sont véritables, quoique,je ne les voie pas. D'un autre côté, si je dis que le vrai est ce qui est, il s'ensuivra que le faux n'existe pas, ce qui répugne. Mes incertitudes reviennent ainsi , et je m'aperçois que je n'ai pas fait un pas en te suivant dans tes longues recherches.
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Il faut pardonner à saint Augustin d'avoir adopté cette erreur puisqu'elle a été celle d'Aristote, de Pline et même de beaucoup de voyageurs modernes. Mais des observations plus exactes ont appris que dans le crocodile, la mâchoire supérieure, comme dans tous les animaux, est jointe aux autres os de la tête, et qu'aucune articulation ne la rend mobile. ↩